Nous vivons une époque très spéciale, où chaque sujet, plus il est insignifiant, trouvera une faction, une phalange d’individus plus ou moins sains d’esprits, pour s’en emparer et en faire son combat, et où, encore mieux, on trouvera le temps, l’argent et les moyens d’écouter et diffuser les messages de ces agglutinations bruyantes de militants de l’improbable.
Pour illustrer, l’actualité fournit assez régulièrement des exemples et c’est avec le collectif Georgette Sand qu’on dégotte un beau spécimen. Pour ceux qui ne se souviendraient pas, rappelons que ce grumeau des temps modernes a déjà acquis une certaine renommée au travers d’une stupéfiante découverte que ses membres auront mis à jour : oui, c’est bien ce collectif qui a montré par l’exemple, il y a deux semaines, la division par dix du quotient intellectuel des esprits simples suite à la consommation de stupéfiants même à faibles doses, cette consommation inopinée de stupéfiants étant la seule explication raisonnable à l’étourdissante analyse que ce collectif avait alors pondu en comparant le prix des rasoirs féminins avec les masculins. La thèse de ces individus, manifestement rédigée sous l’effet de psychotropes puissants ou avec une faible proportion de leurs moyens intellectuels, tentait de montrer que les femmes subissait une « taxe rose » dans un tourbillon de syllogismes rigolos mais absurdes, taxe qui visait à martyriser les femmes (en oubliant commodément tous les cas où les hommes payent plus cher).
Sans doute pour ne pas laisser retomber le soufflé, le Collectif vient de remettre les couverts. Cette fois-ci, il ne s’agira pas de comparer les tickets de caisse des hommes et des femmes à la sortie des boîtes de nuit (c’eut été comique), mais de proposer toute une panoplie d’injures non discriminantes. Je sais que la notion même d’injure non discriminante est particulièrement corsée, et je vais donc me fendre d’une petite explication : pour Ophélie Latil, du Collectif, et qui a vraisemblablement beaucoup trop de temps à elle, « la déconstruction des préjugés genrés passe aussi par un véritable travail sur le langage », ce qui veut donc dire qu’il faut lutter contre « les insultes porteuses de stéréotypes ».
Eh oui, mes braves lecteurs, il faut se rendre à l’évidence : traiter quelqu’un de « con », de « pédé » ou de « pute », c’est très politiquement incorrect.
Car apparemment, c’est bien vers une insulte politiquement correcte vers laquelle il faudrait tendre, c’est-à-dire dénuée de tout aspect blessant pour les femmes et les homosexuels, cibles de choix de nos invectives les plus courantes. Bien sûr, le fait même que l’insulte soit précisément destinée à blesser, qu’elle soit construite expressément pour être aussi incorrecte politiquement que socialement ne semble pas rentrer en ligne de compte. Si la civilisation, la vraie, celle du Bisou Ultime, doit passer par là, l’insulte devra être aussi lisse socialement que possible. Une insulte qui ne blesse pas, en somme.
Pour une linguiste avidement interrogée par l’AFP en mal de déclarations fracassantes, cette initiative a « le mérite de faire réfléchir à des mots que l’on prononce souvent par réflexe », alors que pour un observateur lambda avec deux onces de bon sens, cette initiative à le mérite de faire vraiment réfléchir aux combats farfelus que certains se sont choisis pour exister, et à l’importance inouïe que ces combats prennent grâce à une presse qui court comme un poulet sans tête d’une insignifiance à une autre pour occuper du terrain médiatique.
L’absurde de cette démarche (pour le dire gentiment et sans discriminer) n’a pas totalement échappé à Juliette Melba qui rappelle, vigoureuse et pêchue, que, je cite :
« la féminisation des noms des métiers, ça n’existait pas non plus il y a trente ans… »
Youpi tralala, et d’ailleurs, il y a trente ans, la grenouille mâle était une grenouille, comme maintenant, comme la baleine ou la méduse. Horreur et désespoir, alors qu’on dispose enfin (enfin !) d’une professeure et qu’on a oublié l’autrice pour une insupportable auteure, les crapaudes et les scorpionnes n’existent toujours pas, à l’instar des sages-hommes ou des ministresses qui auraient pourtant toute leur place ! Le monde est mal fait, vite, corrigeons-le à coup de bistouris sur le dictionnaire, et laissons nos précieuses ridicules lancer des concours d’insultes politiquement correctes !
Nous vivons décidément une époque très riche, opulente même, tant cette richesse permet d’avoir des gens qui ont du temps à passer pour combattre le méchant sexisme jusque dans les insultes. Cette richesse permet ainsi d’avoir des journalistes qui reportent ces luttes et des lecteurs qui les lisent, sans compter des chroniqueurs qui s’en moquent.
si l’on s’en tient à ces nombreux collectifs et autres associations lucratives sans but, cette époque est aussi assez insouciante puisqu’en plus du temps, elle a le cœur de s’occuper de ces billevesées intersidérantes dont, objectivement, tout le monde se fout, surtout lorsqu’on les met à côté d’autres problèmes autrement plus profonds, même en restant dans le domaine assez précis de l’égalité des sexes en droit, encore régulièrement bafouée dans trop de pays dans le monde.
Le temps passé sur ces sottises est à l’évidence un marqueur d’une certaine réussite de notre société : elle sait s’encombrer de ce genre de mouches du coche, les cultiver au point que leurs capacités intellectuelles servent à brasser ainsi de l’air sur de tels riens, et elle parvient tout de même à nourrir tout son monde.
Mais, plus sombrement, cette insouciance n’est pas sans rappeler celle qui prévalait quelques mois avant la seconde guerre mondiale, où l’on occupait volontiers son esprit par de petites futilités pour oublier la situation, de plus en plus tendue, qui conduisit le monde au bord de l’abîme. Ce n’est pas une coïncidence. À mesure que la crise se fait plus mordante et que les gens se retrouvent toujours plus confrontés aux délires kafkaïens d’une administration devenue folle, que les tensions internationales grandissent, que l’inéluctable faillite de la France approche, on constate une augmentation de ce genre de bagatelles niaiseuses, tant autour de soi que dans une presse qui devient particulièrement friande de relater ces âneries : entre les brigades de clowns de la Mairie de Paris, les combats consternants contre les prix des rasoirs féminins, ou les manifestations artistiques à base de sex-toys, on ne sait plus où donner de la tête, et c’est fait pour.
Cette vacuité des propos et l’insouciance de ces collectifs et autres associations à la mode répond assez bien à la vacuité et la mesquinerie actuelle de l’offre politique qui, elle aussi, s’attarde à grand bruit sur l’insignifiant, le détail, le petit. Pour chaque association couinant sur un « sujet de société », on trouvera en regard un politicien avide de capter ces jérémiades et d’en faire son électorat. On place le sexe des anges avant l’éducation, la peur et le repli sur soi avant le progrès et la science, la redistribution avant la création de richesse, l’environnement éco-conscient avant l’humain et tout le monde s’en trouve fort occupé.
Et pendant que des collectifs et des associations s’occupent du sexe des insultes, c’est ainsi que l’éducation part en sucette, le progrès et la science sont ridiculisés, la création de richesse est pourchassée, et l’humain rabaissé au rang de parasite.
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