C’est l’AFP, relayée par toute la gentille presse nationale, qui nous apprend cette information essentielle : quelques élus de Seine-Saint-Denis et une poignée d’habitants embrigadés par eux se sont retrouvés pour manifester samedi dernier devant l’Assemblée nationale contre la baisse de la dotation budgétaire de l’État aux collectivités locales. Le cri est rauque, la souffrance à peine feinte : « On veut du pognon ! »
Partis samedi midi sous une jolie petite pluie de décembre manifestement pas assez forte ni assez froide pour les stopper (ou leur filer une bonne fluxion de poitrine amplement méritée), les manifestants de Stains, Montreuil et Saint-Denis se sont retrouvés vers 16 heures devant le Palais Bourbon histoire de réclamer, encore une fois, une ou deux piscines d’argent frais en provenance directe de la poche des contribuables, et de préférence, pas ceux de leurs communes respectives.
Cette démarche n’est pas sans rappeler (et pour cause) celle d’une douzaine d’élus de petites communes du 93 qui avaient jugé utile, fin novembre, de se tenir en slip devant une mairie afin de mieux faire porter leur message, d’une redoutable originalité : « On veut du pognon ! »
À l’époque, la presse avait peu relayé la photo terriblement glamour de ces élus et fonctionnaires locaux en petite tenue, chouinant tristement pour Plus De Moyens, et on avait eu bien du mal à entendre l’appel, poignant de sincérité calculée, de Michel Bourgain, maire écologiste (forcément écologiste) de l’Île-St-Denis, petite commune touchée de plein fouet par la fermeture progressive du robinet à argent des autres :
« Le but est de montrer l’extrême difficulté des petites communes. L’État va réduire les dotations et ce sont les villes les plus pauvres qui vont le prendre de plein fouet. Les photos avant et après seront envoyées aux membres du gouvernement et aux députés. »
Et comme des élus à poil ne déclenchent finalement qu’une petite bordée de tweets rigolos et quelques partages facebook amusés, la menace de Bourgain d’envoyer ces photos, dégoulinantes de niaiserie, aux députés et au gouvernement a été mise à exécution… Là encore, sans effet. La Longue Marche, depuis leurs communes, jusqu’à l’Assemblée nationale, était donc imposée. Après une poignée d’heure à trotter, les élus peuvent enfin attirer le regard de quelques journalistes pour leur expliquer leur profond désarroi, à commencer par Azzedine Taïbi, maire PCF (forcément PCF) de Stains :
« On est là pour exprimer notre colère et réclamer le respect. La baisse de la dotation va avoir un effet catastrophique dans nos villes. Elle va toucher directement les populations. »
Et quelle baisse ! On apprend ainsi que ces coupes vont impacter négativement le replâtrage de certains équipements communaux dont les habitants ne pouvaient absolument pas se passer (stade de foot, école de musique) ainsi que l’achat de billets d’avions pour le personnel communal disposant de congés bonifiés d’ailleurs inscrit à l’ordre du jour du prochain conseil municipal. Effectivement, voilà qui commande à la fois colère et respect. D’ailleurs, le maire redoute d’avoir à fermer le « centre culturel de la ville ou bien sa piscine », ce qui — on en conviendra aisément — serait catastrophique, surtout et avant tout pour son éventuelle réélection.
Même son de cloche chez Pascal Beaudet, le maire d’Aubervilliers, lui aussi étrangement PCF, qui explique à qui veut l’entendre que la situation de sa commune, super-tendue (des emprunts toxiques, souscrits dans l’euphorie du moment, n’y sont pas pour rien, comme à Stains), va s’en retrouver sérieusement amochée :
« On ne sait pas comment on va faire pour boucler le budget »
Voilà : on ne sait pas. Aucune idée. Réduire le personnel communal en se concentrant sur les missions prioritaires ? Vous n’y pensez pas ! Diminuer les frais de fonctionnement de tous les services en réduisant la paperasserie ? Vous n’y pensez pas ! Fermer des équipements coûteux, arrêter la distribution de subvention aux associations du cru, stopper net le robinet pour les bricolages culturels sans fin et sans fonds ? Vous n’y pensez pas !
Eh non. Ils n’y pensent pas. Du tout. La réduction du budget d’une commune, ça n’existe pas, et si on y réfléchit, c’est toujours pour aboutir à la conclusion, évidente dès le départ, qu’elle est strictement impossible.
Seulement voilà : sur les 21 milliards d’euros d’économies que l’État et le gouvernement ont claironné vouloir faire (et ce afin de faire gober leur budget auprès de partenaires européens de plus en plus consternés et inquiets), 11 milliards proviendront de baisses des dotations budgétaires aux collectivités territoriales, à un rythme de 3,7 milliards par an. Or, tout le monde sait, notamment chez les maires écologistes et communistes, que les baisses de dotations doivent d’abord toucher les autres. Et très manifestement, ces cons de députés et du gouvernement, à Paris, ont oublié de se rappeler que les autres, ce ne sont pas les maires écolos et cocos. Les autres, ce sont les riches, ailleurs, forcément !
En fait, vous l’aurez compris, ces gentils maires ne veulent surtout pas prendre les décisions, pourtant indispensables, qui s’imposent.
Ils veulent absolument laisser la trace de maires qui ont fourni, rubis sur l’ongle, les infrastructures, les subventions, les dotations et autres chèques-bidules à la population, évidemment toujours demandeuse de largesses qu’elle ne paye pas (ou très indirectement et très douloureusement, sans s’en rendre compte et sur un terme bien plus long qu’une élection). Cela rentre en contradiction frontale avec le fait de laisser la ville dans un état financier décent, voire stable Cela n’est évidemment pas compatible avec les habitudes de distributions tous azimuts, ni, étrangement, avec les dogmes pourtant frugaux de nos amis écolos et autres communistes pour lesquels la décroissance, c’est trop bath, mais pour les autres. Et les générations futures, qui ont toujours une place au chaud dans le coeur des écolos et des cocos, seront donc tendrement écrasées de dettes, parce que l’équilibre budgétaire, c’est pour les autres.
La décroissance, ranafout’, les générations futures, ranapéter ; si la réélection est au prix d’un endettement insoutenable, qu’à cela ne tienne !
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