Janet Yellen
et son conseil fédéral de spécialistes du présage auraient tout aussi bien pu
déverser un seau d’entrailles de chèvre dans les escaliers du mystérieux
Eccles Building plutôt que de disséquer et couper en dés les ramifications
possibles de l’altération de leur précédente déclaration relative à une
« période de temps considérable » (nécessaire avant de voir grimper
les taux d’intérêt) en faveur d’un impératif plus simple, nommément la
« patience ». Une censure destinée à tous ceux qui auraient un trop
grand besoin de clarté – entendez donc que la Fed ne débranchera pas la
machine qui maintient en vie l’opération de rackets que le système bancaire
est aujourd’hui devenu.
La mention insignifiante de
« patience » a provoqué un véritable délire sur les marchés, qui
ont enregistré de nouveaux records. Derrière toutes ces absurdités
cérémonielles se cache la sombre suspicion que la
Réserve fédérale n’a vraiment pas idée de ce qui se passe réellement, et
aucune idée de ce qu’elle fait. Et en l’absence d’un tel savoir, Mme Yellen et autres éminences collégiales ont généré une
logique élaborée d’inaction.
La vérité, c’est que
suffisamment de mesures ont déjà été prises. Elles se sont succédées sous
forme de vagues d’interventions qui n’ont rien fait de plus que détruire les
agences de marché de manière à ce que personne ne puisse plus faire la
différence entre les prix et les attentes. Comme par coïncidence, cette
période de l’année est une saison d’attentes, notamment pour les
gestionnaires monétaires chargés de polir les portefeuilles de leurs clients
au son des chants de Noël et des bouchons de champagne qui sautent. Mme Yellen s’est déguisée en Père Noël avant d’aller
s’entretenir avec les médias la semaine dernière.
Et, pas si loin, la
catastrophe fait rage, les situations dégénèrent sous prétexte d’accroître le
contrôle. Il se passe quelque chose dans le Mordor
des produits dérivés, ce monde de ténèbres non-régulé où des promesses sont
faites sans jamais être tenues. Les devises ne peuvent s’effondrer dans plus
d’une poignée de pays dans le même temps qu’hululent les taux d’intérêts sans
que les swaps n’en pâtissent. Beaucoup de plaies se sont ouvertes, que nous
n’avons pas encore découvertes.
La Réserve fédérale roule sur
les vapeurs de sa crédibilité perdue. Elle nous demande d’être patients, mais
les autres institutions et ceux qui les dirigent pourraient ne pas en
disposer suffisamment et commencer à se protéger. Quand les devises prennent
feu, même une panique bancaire n’est plus que futilité. La pourriture se
propage depuis les marges vers le centre. Dans un monde d’obligations papier
oxydables, le dollar papier n’est pas une forteresse, il n’est rien de plus
qu’une pile de boîtes vides enveloppées d’aluminium et exposées dans un
centre commercial qui fera dès la fin des vacances l’objet d’une saisie. Ou
peut-être qu’un ado décidera d’y mettre le feu. Les vigiles attendent
toujours leur salaire du mois dernier et sont trop occuper à boire dans le local poubelle.
Il se passera au moins
quelques mois avant que la Fed n’ose commencer à réimprimer, et beaucoup de
choses pourraient se passer d’ici là. Si le QE devait revoir le jour – et il
est très tenté de le faire, toute sa crédibilité sera finalement perdue.
Quelle opportunité merveilleuse pour un autre pays, disons un pays dont la
devise est en difficulté, serait alors l’introduction d’une nouvelle devise
garantie par l’or ? Une hypothèse pas impossible. Cette nation pourrait
être exportatrice de pétrole, un bien dont même une économie en dépression a
besoin. Cette nation hypothétique pourrait avoir peur d’être secouée par les
Etats-Unis, avec ses vizirs et ses grands diseurs de présages, ses multitudes
de coupes de cheveux à la recherche de cervelles.
Très bonne nouvelle année à
tous et, en ce début d’année, faites attention à ce que vous espérez.