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Francis
Fukuyama est né le 27 octobre 1952, à Chicago. Philosophe, économiste et
chercheur en sciences politiques, américain d'origine japonaise, il travaille
en tant que professeur d'économie politique internationale à l'Université
Johns-Hopkins à Washington DC. Il était auparavant titulaire de la chaire de
politique publique à la School of Public Policy de l’Université George
Mason.
Fukuyama a
d’abord été membre du Département de science politique de la RAND Corporation
en Californie, l’un des plus anciens « think tanks » américains,
spécialisé dans l’analyse des politiques publiques, de 1979 à 1980, puis à
nouveau de 1983 à 1989. Entre 1981 et 1982 Fukuyama a été membre du Policy
Planning Staff du Département d'État américain où il travaillait sur les
questions du Moyen-Orient.
En 1988, Allan
Bloom invite son ancien élève à prononcer une conférence à l'Université de
Chicago sur la Guerre Froide. Dans sa conférence, Fukuyama suggère que la
propagation des idées politiques et économiques libérales à travers le monde
communiste et dans une grande partie du Tiers-Monde est inéluctable.
L'humanité a atteint la fin de son processus d'évolution idéologique.
Irving Kristol
publie alors la conférence de Fukuyama sous forme d’article dans sa revue The
National Interest. Puis il invite Samuel Huntington, directeur du John M.
Olin Institute for Strategic Studies à Harvard, à commenter cet article dans
le même numéro de la revue.
L’article,
publié cinq mois avant la chute du mur de Berlin, suscite une quantité
extraordinaire de débats et de controverses aux États-Unis comme à
l'étranger. Après avoir quitté le Département d'État en 1990, Fukuyama
élargit les thèmes de son article dans le livre The End of History and the
last Man. Publié en 1992, ce livre est devenu un best-seller traduit dans
le monde entier.
La fin de l’histoire
Qu'entend-il par « fin de l'histoire » ? À la suite des philosophes
Hegel et Kojève, il considère que l'histoire résulte des antagonismes entre
les différentes idéologies et formes d'organisations sociales, qui luttent
chacune pour la reconnaissance. Or, avec la chute du Mur, l'effondrement du
communisme et la victoire de la démocratie libérale, l'histoire, prise dans
ce sens, s'abolit. Preuve est faite que la démocratie libérale moderne, à
défaut d'être parfaite, offre le moins mauvais monde possible.
Ainsi selon
Francis Fukuyama, ce qui caractérise notre époque, c’est une « homogénéisation
croissante de toutes les sociétés humaines ». Le consensus croissant
autour des droits de l’homme, de la démocratie et de l’économie libérale
constituerait une sorte de « point final de l’évolution idéologique de
l’humanité ». Et la démocratie, toujours selon Fukuyama, contient le
principe d’une pacification des relations humaines : « La démocratie
libérale remplace le désir irrationnel d’être reconnu comme plus grand que
d’autres par le désir rationnel d’être reconnu comme leur égal. Un monde
constitué de démocraties libérales devrait donc connaître beaucoup moins
d’occasions de guerres puisque toutes les nations y reconnaîtraient
réciproquement leur légitimité mutuelle ».
Toutefois, sa thèse profonde ne se situe pas sur le terrain de la philosophie
de l'histoire, mais bien sur celui d'une réflexion sur la nature humaine. En
effet, la mondialisation démocratique, indissociable du progrès technique,
laissera place à un nouveau type d'homme, le Dernier Homme comme l'appelle
Nietzsche, plus soucieux d'assurer son bien-être que d'affirmer sa valeur par
des œuvres géniales ou par des guerres.
« Pour
Nietzsche, écrit Fukuyama, l'homme démocratique était entièrement composé de
désir et de raison, habile à trouver de nouvelles ruses pour satisfaire une
foule de petits désirs grâce aux calculs d'un égoïsme à long terme. Mais il
manquait complètement de mégalothumia, se satisfaisant de son bonheur mesquin
et étant hors d'état de ressentir la moindre honte de son incapacité à
s'élever au-dessus de ses désirs. » (La fin de l'histoire et le dernier
Homme, Paris, Flammarion, 1992, p. 340).
La controverse avec Huntington
En 1996, Samuel Huntington, qui a été son professeur à Harvard, publie The Clash of Civilizations and the
Remaking of World Order (traduit en français : Le choc des
civilisations, chez Odile Jacob en 1997). Ce
livre constitue une sorte de réponse à Fukuyama. Sa thèse est que les lignes
de fracture passent plus par les cultures ou les religions que par les
idéologies. Il doute de l’attraction des valeurs occidentales sur le reste du
monde. Pour Huntington, la véritable clé de l’histoire n’est pas
d’ordre économique mais d’ordre culturel (voir notre notice). Ce n’est pas un
postulat mais un constat. Ainsi, selon Huntington, « la réussite économique
de l’Extrême-Orient prend sa source dans la culture asiatique. De même les
difficultés des sociétés asiatiques à se doter de systèmes politiques
démocratiques stables. La culture musulmane explique pour une large part
l’échec de la démocratie dans la majeure partie du monde musulman. »
Cela dit, Francis Fukuyama n’a jamais eu la naïveté de penser que
l’histoire était linéaire, que la marche vers le progrès excluait les retours
en arrière, ou les phases d’immobilisme. Simplement il n’existe pas, selon
lui, d’alternative viable à la démocratie libérale et au libre-échange. Ainsi
la Chine, malgré un gouvernement communiste et des atteintes répétées aux
droits de l’homme, se rapproche progressivement de l’Occident. Et beaucoup de
pays musulmans ont des aspirations parfaitement compatibles avec un processus
de modernisation.
Toutefois,
les difficultés politiques et culturelles rencontrées dans l'engagement de
l'Amérique en Irak ont conduit les néoconservateurs à réfléchir. Ainsi, ces
dernières années, Francis Fukuyama a cherché à se distancier de la politique de
l'administration Bush. Dans son livre America at the Crossroads:
Democracy, Power, and the Neoconservative Legacy, il reconnait que la
politique de changement de régime en Irak avait accordé trop peu d'attention
aux particularités culturelles du Moyen-Orient. Il estime que le
néoconservatisme s’est définitivement éloigné de ses principes fondateurs. Et
en 2008, il a voté en faveur de Barack Obama.
À lire
Francis Fukuyama, La Fin de l’Histoire ou le Dernier
Homme, Champ, Flammarion, 1992.
Francis Fukuyama, Le grand bouleversement : La nature
humaine et la reconstruction de l'ordre social, éditions de La Table
Ronde, 2003.
Francis Fukuyama, Gouvernance et ordre du monde au
XXIe siècle, éditions de La Table Ronde, 2005.
Francis Fukuyama, D’où viennent les
néo-conservateurs ?, Grasset, 2006.
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