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La Banque centrale européenne a révélé aujourd’hui son programme d’achat
d’actifs, également connu sous le nom de quantitative easing. La BCE achètera
60 millions d’euros de dette par mois à compter du mois de mars, et devrait
poursuivre son programme jusqu’en septembre 2016, pour un total d’1,14
trillion d’euros. Ces achats seront financés grâce à la création monétaire
ou, plus techniquement, par l’expansion de la base monétaire.
Voilà qui vient s’ajouter à l’élargissement du programme
de rachats d’actifs de la Banque du Japon, qui s’élève désormais à 80
trillions de yens par an – soit 17% du PIB, et bien plus que le déficit
budgétaire du pays qui était de de 7,6% du PIB en 2013. Le programme
d’impression monétaire de la BCE représente environ 7,6% du PIB de la zone
euro par an. Pour dire les choses autrement, tous les pays de la zone euro
pourraient s’endetter ensemble à hauteur de 7,6%, et la BCE pourrait financer
cet endettement par la création monétaire. A l’heure actuelle, la dette
agrégée des gouvernements européens s’élève à 2,3% du PIB.
Au mois de novembre, le stratégiste de Deutsche Bank, Jim
Reid, a expliqué que ses plus gros clients institutionnels perçoivent
l'helicopter money et l'annulation de dettes comme la fin de la partie.
Beaucoup pensent peut-être que l’élargissement des programmes de QE, bien que
pour l’heure inévitable, sera extrêmement difficile à arrêter.
Il n’a pas été suffisamment reconnu que les programmes de
QE de la Fed, entre 2012 et 2014, ont été largement déclenchés par une contraction
similaire à celle de la base monétaire de la BCE sur la même période. La
cause en a principalement été de lancement d’opération de prêts bancaires de
plus long terme par la BCE. En d’autres termes, la masse monétaire du dollar
et de l’euro a grimpé dans des quantités relativement modestes sur la
période. Les banques elles-mêmes ont enregistré une forte demande de dépôts
de banques centrales sous forme de liquide. Le liquide représente
historiquement 10% des
actifs des grosses banques commerciales, mais celui mentionné ici a
largement pris la forme de prêts de très court terme à des institutions
financières. Aujourd’hui, les banques préfèrent conserver leurs dépôts auprès
de banques centrales que prêter à d’autres banques.
La conséquence en est que des banques étrangères (et
majoritairement européennes) en sont arrivées à détenir de vastes quantités
de dépôts de la Fed, aussi connus sous le nom de réserves bancaires, et une
forme de base monétaire. Par le passé, les banques étrangères ne détenaient
que des quantités négligeables de dépôts de la Fed, contre près de 50%
aujourd’hui. La conséquence de l’expansion monétaire de la BCE sera que les
dépôts de la BCE, ou réserves bancaires des banques de la zone euro,
s’élargiront dans l’ensemble, que cela leur plaise ou non. Voilà qui pourrait
réduire la demande de certaines banques en dépôts de la Fed.
C’est une manière assez complexe de dire que les bilans
des banques centrales sont devenus fongibles ; notamment entre la Fed et
la BCE. La BCE imprime de la monnaie non seulement pour l’Europe, mais aussi
pour les Etats-Unis. Le Japon est un peu plus indépendant. Mais même dans son
cas, les impressions monétaires ont été accompagnées par une rotation des
investissements des fonds de pension (l’équivalent de la sécurité sociale aux
Etats-Unis, une sorte de convention comptable du gouvernement central) hors
des obligations gouvernementales japonaises et vers les obligations des
Etats-Unis. Le gouvernement japonais a à la fois imprimé de la monnaie et
acheté des bons du Trésor américains. Ce qui a un côté pratique, puisque la
Fed elle-même a cessé d’acheter ces obligations au travers de son propre
programme de QE alors que le Japon augmentait ses achats d’obligations
américaines et élargi son programme de QE. C’est comme si quelqu’un avait
prévu que les choses se déroulent exactement de cette manière.
L’helicopter money et l’annulation de dettes viendra
mettre fin à la partie, et ce malgré l’absence de pressions inflationnistes
ces quelques dernières années.
Si je mentionne tout cela, c’est parce que l’un de mes
objectifs est de prévoir ce qui adviendra plus tard. Aucune transformation
majeure ne prendra place tant que ce qui est fait aujourd’hui continuera de
fonctionner. Ce n’est que lorsque les bonnes vieilles mesures commenceront à
échouer qu’un changement deviendra possible. Je ne connais pas le prix de l’or
en euro, le taux de change du yen contre le dollar ou l’état de santé des
déposants des banques européennes, ou encore quelle sera la solvabilité des
gouvernements souverains dans six mois (annulations de dettes et bail-ins),
mais je suis certain que tout cela se terminera sur une catastrophe, et que
cette catastrophe approche déjà aujourd’hui.
La raison historique pour laquelle de tels évènements se
transforment en désastres est que tant que quelque chose marche, personne ne
tente de changer quoi que ce soit. Les gens continuent dans la même voie qui,
si on la suit trop longtemps, mène à la catastrophe. Il est facile d’oublier
que le gouvernement allemand, comme ceux des Etats-Unis et du Royaume-Uni,
ont imprimé de l’argent pendant cinq ans pour financer la première guerre
mondiale et n’ont souffert d’aucune conséquence particulière.
Lorsque la situation devient suffisamment désastreuse,
certains commencent à abandonner ce que j’aime à appeler les ambitions
monétaires mercantilistes – l’idée que nous puissions, et devrions, contrôler
l’économie par la manipulation de la devise nationale, des taux d’intérêt,
des relations commerciales (taux de change) et toutes ces autres choses avec
lesquelles nous sommes devenus si familiers aujourd’hui. Nous devrions en
revenir au idéaux classiques embrassés par les Etats-Unis pendant la
plus grande partie de leur histoire, selon lesquels la
monnaie est un agent neutre du commerce, stable, fiable et libre de toute
intervention humaine de la même manière que le sont d’autres outils de
mesure tels que le mètre et les kilogrammes.
C’est à ce
moment-là, et non avant, que les gens commenceront à chercher de nouvelles
manières de parvenir à ces idéaux dans le monde réel, et qu’ils concluront
qu’il n’existe pas de meilleure solution que celle utilisée par les
générations précédentes : un système d’étalon or.
Un étalon or est un système de valeur fixe, n'est
pas différent des variantes du système de valeur basé sur l'euro utilisé
aujourd'hui par plus de cinquante-cinq pays. La seule différence majeure
entre un étalon or et un étalon euro comme celui utilisé aujourd’hui par
l’Allemagne, la Slovaquie, la Bulgarie et le Niger, c’est le choix d’étalon
de valeur.
Il y a un certain nombre de raisons derrière l’utilisation
de l’étalon euro, notamment le fait qu’il soit possible d’emprunter
d’importantes sommes d’argent à faible taux grâce aux prêts en euro, ou
encore que la stabilité des changes facilite les échanges. En revanche, il y
a aussi de bonnes raisons pour lesquelles l’étalon euro actuel n’est pas un
bon étalon de valeur – environ 720 milliards de raisons par an, à compter du
mois de mars. C’est pourquoi la banque centrale suisse a abandonné le lien de
sa devise avec l’euro. Elle est descendue du train. Un franc suisse
indépendant n’offrira pas non plus de refuge significatif, comme a déjà
manqué de le faire dans les années 1970.
Je me moque de savoir si vous appréciez mon
affinité pour l'or en tant qu'étalon de valeur pour les systèmes monétaires.
Parce que vous
changerez d’avis – non pas parce que je vous aurai persuadé, mais parce que
votre monde s’effondre. Ne voyez-vous pas que tout part en fumée ?
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