En tant que psychanalyste
politique, j’ai toujours trouvé la mi-temps du Super-bowl le plus parfait
résumé de la psychose dans laquelle a sombré la culture américaine d’année en
année. Il faut dire que la plus récente version nous ait signalé une rupture
totale avec la réalité, un cauchemar de robots lancés dans une chorégraphie
suggestive dans une galerie des glaces, comme si les Etats-Unis avaient
finalement abandonné leur âme abîmée pour une carte-mère sans scrupule dont
les battements résonnent depuis le fin-fond du palais souterrain du Diable.
C’est pourtant la seule explication à des évènements autrement
incompréhensibles comme le rôle joué par les Etats-Unis dans le règne du
chaos en Ukraine.
Comment expliquer autrement le
rapport publié ce matin par le New York Times selon lequel les
Etats-Unis « prévoient désormais de fournir des armes et équipements de
défense aux forces assiégées de Kiev », et qu’un « certain nombre
de fonctionnaires militaires et administratifs soutiennent désormais cette
position ».
Lecteurs du New York Times,
ici la Terre : J’ai le regret de vous informer que cette décision a déjà
été prise il y a un an lorsque les Etats-Unis ont financé le coup d’Etat
contre le président élu du pays, Viktor Yanukovych, après que le pauvre homme
a décidé de ne pas joindre l’Union européenne mais de se rapprocher de
l’Union économique eurasienne de la Russie. Oups ! Il est temps d’agir,
Bub, a-t-on pu entendre dire la sous-secrétaire du Département d’Etat,
Victoria Nuland, lors d’une communication téléphonique avec
l’ambassadeur américain interceptée clandestinement. Quelqu’un peut-il me
trouver Yats ? Oui, Yats ! (Arsenity Yatsenyuk, de l’UKR)! Et branchez
notre clé Bluetooth du pouvoir à son cerveau !
C’est ainsi que l’année
dernière, la cabale représentée par les Etats-Unis, l’Union européenne et le
FMI ont envoyé des renforts financiers (à hauteur de plusieurs milliards de
dollars), des armes et des soldats dans le bourbier ukrainien. La semaine
dernière, un journaliste présent sur place s’est approché d’un soldat UKR
simplement pour s’entendre dire, dans un anglais parfait, de « dégager
de mon chemin ». Pardon ? La vidéo YouTube a été visionnée partout
dans le monde et à l’heure actuelle, aucun agent du gouvernement américain
n’a été appelé pour rendre des comptes. Comme je l’ai dit, une galerie des
glaces.
Mais je m’emporte peut-être un
peu. Après tout, la véritable question à nous poser est de savoir ce que nous
faisons en Ukraine, et pourquoi il devrait nous importer que l’Ukraine
s’aligne avec la Russie. Et surtout, pourquoi n’est-il pas évident que
l’Ukraine appartienne à la sphère d’influence de la Russie, et y appartient
depuis plus de cinq-cents ans, pour une excellente raison qui a été démontrée
plus récemment par l’invasion de Napoléon en 1812 puis l’Opération Barbarossa
lancée par Hitler en 1941.
Dans les deux cas, la Russie a
dû sa survie à l’étendue de plaines ukrainiennes où le « Général
Hiver » a pu mener ses propres opérations de défense grâce à ses vents
violents, ses tempêtes de neige, ses températures glaciales et les gelures
qui ont finalement eu le dessus sur les envahisseurs. Tout au long de
l »Histoire moderne, l’Ukraine a été sous la protection implicite des
tsars russes. Elle a été une province de l’URSS. Des centaines d’années
auparavant, Kievan Rus était au cœur d’une culture russe émergente et d’un
royaume qui s’est plus tard développé avant de se déplacer à Moscou.
Vous avez saisi la
situation : l’Ukraine a depuis longtemps été associée avec la Russie,
une association pas toujours heureuse, quelquefois tragique, mais un fait de
la vie et de l’Histoire que les Etats-Unis et leurs acolytes de la
bureaucratie de l’Union européenne tente désormais de remettre en question
sans raison aucune. Existe-t-il quelqu’un qui ne soit pas complètement perdu
dans le crack ou figé tel un rayon laser devant le Klan Kardashian et qui se
souvienne si les Etats-Unis ont un jour ennuyé les Soviétiques avec la question
ukrainienne ? Non. Pour l’excellente raison que nous avons accepté la
relation entre les deux nations mentionnée plus haut. Qui a donc pu penser
judicieux de lancer une troisième guerre mondiale aujourd’hui dans cette
région du monde où tant d’autres aventuriers ont connu leur perte ? Et
qu’entendons-nous par « armes défensives » ? Les systèmes
d’armement modernes ne fonctionnent-ils pas « dans les deux
sens » ? Je vois que la liste comprend des « missiles anti-armures »
(des missiles anti-char) et des drones, ces derniers étant certainement
maniés à distance par des militaires Américains as des jeux vidéo prenant
pour cible des « méchants » pixellisés tout en dévorant cartons de
glace et des hamburgers.
Pas vraiment dans le style d’American
Sniper.