Après avoir
décrit le plan d’emprunt et de dépenses de la Mairie de Paris au cours des 5
prochaines années (ici),
intéressons-nous de plus près aux effets économiques du projet de la
Direction du logement et de l’habitat (DLH) décrits par la Maire de Paris
comme un investissement pour la ville
Or, justement
l’intérêt économique de cette opération apparaît très faible. Même si la
Mairie achète des appartements à des prix inférieurs à ceux du marché, si son
objectif n’est pas de les revendre à des prix plus élevés mais au contraire
de les louer pour des sommes modiques, il est peu probable que l’opération
puisse profiter au budget de la ville. Ce projet peut donc d’ores et déjà
être considéré comme une mauvaise nouvelle pour le contribuable parisien.
Supposons
qu’au moment de ses acquisitions immobilières – contrairement aux simples
citoyens – la Mairie n’ait pas à payer les droits de mutation, frais de
notaire et autres taxes annexes. Mettons aussi de côté les taxes foncières
annuelles, les frais d’entretien des immeubles et des appartements et les
frais de gestion des locataires. Et admettons enfin qu’il s’agit d’une somme
disponible qui a déjà été prélevée sur les parisiens (et qu’il n’y aura donc
pas de charges d’intérêts à payer en plus).
Examinons
alors (même dans ces conditions irréalistes) le cas où l’opération d’achat et
de gestion serait la plus intéressante financièrement. Combien d’années
faudrait-il pour que les contribuables voient le retour sur un investissement
moyen de 400 000€ (pour un appartement de 40m2 au prix moyen
constaté dans la plupart des quartiers visés par la Mairie) ? Cela
dépendra évidement du prix du loyer. Il faudrait que la Mairie puisse
encaisser un loyer (hors charges) de 1 666 euros pendant 240 mois ou un loyer
de 1111 euros par mois pendant 360 mois pour que la dépense initiale commence
enfin à devenir un bon investissement.
Donc, si la
Mairie de Paris voulait investir aujourd’hui dans l’immobilier (même dans des
conditions privilégiées auxquelles ses concurrents privés n’ont pas accès)
pour faire profiter les futures générations de contribuables parisiens, c’est
seulement dans 20 ou 30 ans que cela arriverait. Mais les loyers fictifs
calculés plus haut sont en réalité bien plus élevés que ceux habituellement
perçus dans le parc social de la Mairie, situés plutôt aux alentours de 10-15
euros par mètre carré (charges incluses). Ainsi, au tarif moyen actuellement
pratiqué de 12 euros par mètre carré, la Mairie de Paris percevra des loyers
avoisinant les 500 euros pour un appartement de 40 m2. Dans cette
hypothèse, c’est seulement dans 800 mois (soit dans plus de 66 ans) que
l’investissement initial pourra commencer à s’avérer bénéfique pour les
contribuables parisiens.
Ces délais
seraient encore allongés si l’on rendait le cas un peu plus réaliste en
prenant en compte, au minimum, des frais de gestion et de manutention du parc
immobilier. Si l’on regarde en outre le bilan actuel de la gestion publique
du parc immobilier, largement en déficit
(sans détailler la série de rapports
publiés en septembre 2014 par l’Association nationale de défense des
consommateurs et usagers, qui fait état de conflits d’intérêt, contrats
signés sans mise en concurrence, emprunts onéreux, etc.), on comprend
aisément que cette opération sera sans l’ombre d’un doute un échec financier
d’une ampleur directement proportionnelle aux sommes dépensées.
Cet échec
annoncé est encore plus important dans la mesure où la Mairie ne dispose pas
des ressources qu’elle souhaiterait dépenser. Ainsi, la Maire de Paris pense pouvoir
obtenir les 10 milliards qu’elle souhaite dépenser pendant son mandat des
futures recettes fiscales obtenues à partir des taxes existantes (comme les
droits de mutation payés par tout acheteur d’un appartement situé dans un
immeuble ancien, qui permettent de combler actuellement environ 20%
du budget de la ville) et des nouvelles taxes (comme celle sur les résidences
secondaires et les séjours des touristes). Surtout, elle compte sur un
emprunt chiffré pour l’instant à 3-4 milliards d’euros. Compte tenu du calcul
économique effectué plus haut, nous n’avons aucune raison de penser qu’il y
aura un réel retour sur investissement pour les contribuables parisiens.
L’essentiel des milliards d’euros que les Parisiens devront tôt ou tard
débourser (surtout ceux dépensés pour acheter des appartements) seront tout
simplement gaspillés.
Pour conclure,
si l’on pense au 3-4 milliards d’euros d’emprunt, le slogan qui accompagne le
plan de la Mairie : « Investir pour l’avenir de Paris » prend
une tournure particulièrement ironique. Non seulement le mot
« investissement » est utilisé à mauvais escient (car dans la mesure
où aucun retour sur investissement ne peut être escompté, il s’agit
simplement d’une dépense) mais dépenser aujourd’hui des ressources que les
générations futures devront rembourser revient à hypothéquer leur avenir. Le
discours d’Anne Hidalgo, qui distingue entre taxation et emprunt, est
symptomatique de ce point de vue. Il laisse, en effet, entendre que l’emprunt
public est différent de la taxation (une sorte de manne issue du ciel), comme
si les quelques milliards que la Maire souhaiterait emprunter (avec les
intérêts afférents) au nom des résidents parisiens pourraient être remboursés
avec des Tours Eifel en plastique. Ainsi au lieu de « Investir pour
l’avenir de Paris » il serait plus correct de dire :
« Dépenser pour hypothéquer l’avenir de Paris ».
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