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Les deux portes que le gouvernement grec, aux abois, espérait pouvoir
ouvrir afin de se financer sont restées fermées. Jeudi, la BCE s’est refusée
à déplafonner le montant des bons du Trésor à court terme qu’il peut émettre,
et vendredi le document décrivant en six points les mesures qui vont être
prises dans l’immédiat a été retoqué au prétexte de son imprécision. Celui-ci
avait vocation, sur proposition de Jeroen Dijsselbloem, à déclencher sans
attendre le versement d’une partie des fonds attendus pour la fin avril au
titre du deuxième plan de sauvetage.
De quoi s’agit-il ? Un projet de loi sur la crise humanitaire est déjà en
examen au parlement, et d’autres mesures vont suivre. Elles concernent pour
l’essentiel les arriérés de dettes à l’Etat et à la sécurité sociale, ainsi
que la mise en place d’un Conseil fiscal indépendant et d’un nouveau corps de
contrôleurs fiscaux. Toutes mesures destinées à favoriser les rentrées
budgétaires. D’autres engagements de campagne sont remis à plus tard, faute
de moyens financiers ou pour ne pas grever le budget, comme le relèvement du
plafond de non-opposition ou une refonte de l’impôt sur la propriété
immobilière. La question des privatisations reste en débat et l’augmentation
progressive du salaire minimum est reportée.
Dans ce contexte à nouveau très tendu, Alexis Tsipras craint de
« revenir au thriller d’avant le 20 février », selon la formule
employée dans un entretien à Der Spiegel. Afin de tenter de dénouer cette
nouvelle crise, il est reparti pour une nouvelle offensive diplomatique
auprès de l’OCDE et de Jean-Claude Juncker la semaine prochaine, tandis que
Yanis Varoufakis multiplie les contacts téléphoniques avec ses homologues en
vue de la réunion de l’Eurogroupe de lundi. Le silence des gouvernements
italien et français est pour sa part assourdissant. Comme l’équipe de Syriza
l’avait dès le départ annoncé, les pressions ne vont pas cesser, que ce soit
dans l’immédiat, à l’occasion du rendez-vous annoncé de fin avril, ou quand
démarrera la négociation sur un 3ème plan d’aide financière sans lequel la
Grèce fera défaut.
L’ouverture de celle-ci est pour l’instant repoussée, mais Luis de
Guindos, le ministre espagnol qui mène campagne pour succéder à Jeroen
Dijsselbloem, a déjà avancé des montants – 30 à 50 milliards d’euros – alors
que ce dernier nie toute discussion à ce propos. Mais le chiffrage dépendra
du traitement qui sera réservé à la dette grecque, et la discussion promet
d’être à nouveau très difficile. Klaus Regling, le directeur général du
Mécanisme européen de stabilité financière (MESF), s’est aussi emparé du
sujet sans attendre, à l’occasion d’un entretien à Handelsblatt. Réaffirmant
sans surprise l’opposition des dirigeants européens à tout effacement de
dette, il en a donné les raisons : « d’abord une décote nominale n’est pas
nécessaire, et deuxièmement elle n’est pas faisable politiquement ». On
lui laissera la responsabilité de sa première assertion et l’on retiendra la
seconde, nettement plus crédible.
Il a été décidé de laisser le gouvernement grec juste le nez hors de
l’eau, et son asphyxie financière en est le moyen. Comme l’a clairement
expliqué Jean-Claude Juncker dans une interview à El Pais, une démonstration
doit être faite : « Tsipras a franchi une étape décisive. Il a commencé
à assumer ses responsabilités, mais il est confronté à un problème: il doit
encore expliquer que certaines des promesses qui lui ont permis de remporter
les élections, ne seront pas tenues. »
Elargissant son propos à Podemos, dont il est craint qu’il suive l’exemple
donné par Syriza, il a poursuivi : « Ce nouveau type de parti analyse
souvent la situation de manière réaliste. Ceux-ci identifient avec acuité les
immenses défis sociaux auxquels nous sommes confrontés. Mais, une fois élus,
ils se révèlent incapables de tenir leurs promesses, de transformer leur
programme en réalité. Les propositions de certains de ces partis, ne sont pas
compatibles avec les règles européennes, elles nous mèneraient à une
situation de blocage total. » A moins de changer les « règles
européennes », bien entendu…
Le gouvernement grec n’est pas décidé à se renier. Dans la même interview
à Der Spiegel, Alexis Tsipras insiste sur le fait que la BCE a le pouvoir
« d’étrangler la Grèce », ce dont Mario Draghi s’est défendu lors
de sa conférence de presse de jeudi dernier en prétendant que « la
dernière chose que l’on puisse dire, c’est que la BCE ne soutient pas la
Grèce », montrant que le point est sensible. Mais les faits sont là.
Faute de financement, la Grèce fera défaut d’ici à la fin du mois, chiche ?
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