J’ai
récemment abordé le sujet de Sedasys, une machine qui rend possible l’automatisation
de l’anesthésie. Il s’agit d’une première en son genre aux Etats-Unis, et
seuls quatre hôpitaux en sont aujourd’hui équipés. Son usage est pour le
moment limité aux colonoscopies chez des patients en bonne santé.
Mais
Sedasys, qui est en développement depuis quinze ans, n’est plus vraiment à la
pointe de l’automation de l’anesthésie.
Une
machine baptisée iControl-RP a pris sa place. Il s’agit d’un appareil
expérimental qui pousse plus loin encore les frontières des responsabilités
données à la technologie. Il contrôle l’activité cérébrale des patients, et a
même été testé sur des enfants.
L’une
des raisons pour lesquelles Sedasys a été approuvé par les agences de
régulation américaines est qu’il représente un pas conservateur vers
l’avenir. L’appareil est innovant, mais ne décide pas seul les doses à
administrer aux patients.
C’est un
système à boucle ouverte. La dose initiale est prédéterminée en fonction du
poids et de l’âge du patient. Sedasys réduit ou met fin à l’injection s’il
détecte le moindre problème. Seul un médecin ou une infirmière peut augmenter
la dose administrée. Voilà qui a à l’époque quelque peu conforté les
régulateurs.
Mais
iControl-RP prend les décisions seul. Il est un système à boucle fermée.
Cette
nouvelle machine, qui est testée par des chercheurs de l’Université de
Colombie britannique, enregistre l’activité cérébrale d’un patient ainsi que
d’autres marqueurs de santé traditionnels comme le niveau d’oxygène dans le
sang pour déterminer les doses d’anesthésiant à administrer.
« Nous
sommes convaincus que les machines peuvent faire mieux que les
humains », a expliqué Mark Ansermino, l’un des co-développeurs de la
machine, qui travaille en tant que directeur de recherche en anesthésie
pédiatrique à l’école de médecine de Vancouver.
Sedasys
a tenté de déterminer ce qui était possible. iControl-RP va encore plus loin.
L’anesthésie
est une science complexe. On la compare souvent au pilotage d’un avion - au
maintien d’un patient au niveau de conscience exact voulu. On l’appelle
profondeur d’hypnose. Les chirurgiens ne veulent pas voir leurs patients
remuer sur la table opératoire. Et les patients ne veulent rien sentir d’une opération.
Bien entendu, personne ne désire voir un patient mourir, chose qui devient
vite une possibilité si une quantité trop importante d’anesthésiants est
délivrée.
iControl-RP
cherche à combattre ce risque en utilisant un EEG pour surveiller l’activité
cérébrale d’un patient et s’assurer que la sédation est adéquate. Il observe
aussi le cœur et la respiration du patient, ainsi que le niveau d’oxygène
dans le sang pour s’assurer à ce que le patient ne s’endorme pas trop
profondément. L’algorithme de la machine prend toutes les décisions médicales
habituellement prises par un médecin.
Selon
Ansermino, les anesthésistes ne sont pas toujours capables de maintenir la
dose correcte de sédation. C’est particulièrement important chez les enfants,
pour qui une anesthésie trop profonde peut avoir un impact cognitif de long
terme.
L’équipe
qui participe au développement d’iControl-RP dit avoir eu des difficultés à
obtenir un soutien pour leur projet. Ansermino, l’anesthésiste de Vancouver,
pense savoir pourquoi.
« Beaucoup
de sociétés le perçoivent comme trop risqué », explique-t-il.
Mais l’arrivée
d’une telle machine était inévitable.
« Nous
finirons par y avoir recours, que cela nous plaise ou non ».