A l’âge des produits dérivés,
des swaps et des transferts monétaires électroniques, une nouvelle forme de
guerre est née : la guerre financière.
Les Etats-Unis ont très
récemment imposé des sanctions contre des pays comme la Syrie,
le Venezuela
et la Corée
du Nord, mais une majorité des sanctions liées à l’énergie ont été
imposées contre l’Iran et la Russie.
On estime à 68% la part
des revenus du gouvernement russe tirés des exportations de gaz et de
pétrole, alors que 80% des revenus de l’Iran sont issus des exportations
pétrolières. Ils sont donc une cible idéale pour les nouvelles armes financières.
Pour comprendre pourquoi
les conflits financiers ont pris une telle importance, il est nécessaire de
comprendre comment ils se sont développés, et ce que permet une telle
approche.
L’arme pétrolière est
née en 1965, après la nationalisation du Canal de Suez par l’Egypte. En a
découlé une déclaration de guerre par la France, l’Angleterre et l’Israël.
Afin de contrer cette invasion, l’Arabie Saoudite a décidé de bannir les
exportations vers la France et l’Angleterre. Cet embargo a eu des effets
minimes sur l’économie des deux pays, parce que les Etats-Unis ont décidé d’accroître
leurs livraisons vers l’Europe, et que les sociétés pétrolières
internationales ont redirigé des cargaisons vers l’Europe.
Un nouvel embargo a été
imposé en 1967, lorsque les Etats arabes ont banni les exportations vers les
Etats-Unis, l’Angleterre, la France et l’Allemagne de l’Ouest. Cet embargo a
été mis en place après que des rumeurs ont fait surface selon lesquelles l’Angleterre
et les Etats-Unis avaient fourni une protection aérienne aux avions
israéliens lors des bombardements d’aéroports militaires égyptiens par l’Israël
pendant la guerre de 1967. Cet embargo a échoué, en raison du déclin des
revenus pétroliers de la région. Cet embargo n’a pas non plus été mis en
place correctement, parce que les pays occidentaux ont continué de recevoir
du pétrole de pays arabes.
Mais l’incident le plus
célèbre est celui de 1973, date à laquelle l’OPEP a imposé un nouvel embargo
contre les pays qui apportaient une aide militaire à l’Israël pendant la
guerre du Yom Kippour. Cet embargo a eu un impact plus important sur l’Europe
et les Etats-Unis, parce que l’Arabie Saoudite avait alors remplacé le Texas
en tant que producteur d’appoint.
L’embargo de 1973 a mené
à une hausse du prix du carburant à l’échelle domestique, à des pénuries d’essence
et à des rationnements. Cet embargo a changé les dynamiques de la politique
étrangère des Etats-Unis.
Après l’embargo de 1973,
Richard Nixon a envoyé son Secrétaire d’Etat, Henry Kissinger, en Arabie
Saoudite afin de s’assurer à ce qu’un embargo ne soit plus jamais imposé
contre les Etats-Unis.
Après quelques
révisions, en 1976, la Maison des Saoud et Henry Kissinger ont fini par se
mettre d’accord. Selon le livre de Marin Katsua, The
Colder War, publié en 2014, l’Arabie Saoudite a accepté de :
1. Livrer aux Etats-Unis
autant de pétrole que nécessaire, que ce soit pour des raison de consommation
générale ou de sécurité nationale, soit d’accroître ou de décroître sa
production au bénéfice des Etats-Unis.
2. Ne vendre du pétrole
que contre des dollars, et de réinvestir ses profits sur des bons du Trésor
américain.
En échange, les
Etats-Unis ont garanti de :
1. Protéger le royaume d’Arabie
Saoudite face à ses nations rivales.
2. Protéger les champs
pétroliers de l’Arabie Saoudite.
3. Protéger le pays d’une
invasion par l’Israël.
Les Saoud ont accepté ce
marché parce que, bien qu’ils aient disposé de vastes quantités de pétrole,
ils n’avaient pas d’armée capable de les protéger face à leurs ennemis, qui
incluaient alors l’Iran, l’Irak et l’Israël.
Ce marché a non
seulement apporté un flux constant de pétrole vers les Etats-Unis, il a
permis au pays d’accroître sa mainmise sur le monde.
Comment les
Etats-Unis et l’Arabie Saoudite ont fait tomber l’URSS
En 1982, une déclaration
secrète de guerre économique a été signée contre l’URSS. Cette déclaration a
mentionné :
• Un refus de signer de
nouveaux contrats d’achat de gaz naturel soviétique
• Le développement accéléré d’une source alternative de gaz naturel pour
certaines régions de l’Europe
• La hausse des taux d’intérêt appliqués au crédit de l’URSS
• La hausse des remboursements minimums versés par l’URSS, et le rabais de la
maturité des obligations russes.
Cette déclaration a
rendu la dette de l’URSS bien plus handicapante, mais c’est le doublement de
sa production de pétrole par l’Arabie Saoudite en 1986 qui lui a porté le
coup de grâce. Le prix du pétrole a été forcé à la baisse pour atteint 10
dollars le baril, et fait plonger les revenus du gouvernement soviétique. Selon
James Norman, auteur de The
Oil Card, publié en 2008, c’est là la raison même de l’effondrement de l’URSS.
Le système financier
international d’aujourd’hui est bien plus sophistiqué. Mais l’usage de
sanctions financières dans le but de créer un embargo pétrolier reste une
pratique courante – il suffit pour le comprendre d’observer les cas actuels
de l’Iran et de la Russie.