Le bail-in des banques
de Chypre du début de l’année 2013 peut paraître insignifiant aux yeux de
nombreux investisseurs américains.
Après tout, une majorité
des Américains ne pourraient pas localiser Chypre sur un globe terrestre. Et
comme les médias continuent de dire que les évènements de Chypre ont été un
cas isolé qui a eu pour objectif de soutenir les banques tout en pénalisant
ceux qui ont tenté d’échapper à l’impôt, 99% des gens ne réfléchiront pas à
deux fois à la situation.
Mais ce qui s’est
produit à Chypre est bien différent. La raison pour laquelle la vérité n’a
pas fait la une est que l’on tente de nous cacher certaines choses :
1) Les
politiciens européens sont corrompus et incompétents.
2) Ceux qui
cherchent à estimer le risque lié aux institutions financières ne savent pas
de quoi ils parlent.
3) Les
citoyens seront lésés alors que les personnes qui appartiennent de près ou de
loin à la sphère politique pourront contourner la loi.
Penchons-nous sur ces
points un par un.
Tout d’abord, le bail-in
des banques de Chypre n’a pas été un évènement soudain. Le pays a d’abord
demandé un plan de refinancement en juin 2012. Voici comment se sont déroulés
les évènements :
- 25 juin 2012 :
Chypre fait une demande formelle de refinancement à l’Union européenne.
- 24 novembre
2012 : Chypre annonce avoir trouvé un accord avec l’Union européenne, et
le démarrage du processus de refinancement dès l’examen des banques
chypriotes par les fonctionnaires de l’Union européenne (le capital
nécessaire était alors estimé à 17,5 milliards d’euros).
Entre la fin juin 2012
et le mois de novembre 2012, les problèmes de Chypre ont été évalués. Sur la
période, personne, au sein de la sphère politique et de pouvoir, n’a suggéré
que les citoyens de Chypre et d’ailleurs qui disposaient de comptes ouverts auprès
de banques chypriotes verraient un jour leurs dépôts leur être volés.
Un certain nombre de
bureaucrates ont même assuré au public que la situation était sous contrôle,
et que les risques présentés par les banques chypriotes seraient évalués avec
la plus grande attention.
Après
quoi, en une semaine, un jour férié a été déclaré, les comptes bancaires
gelés, et les dépôts volés.
Voici comment les
évènements se sont succédé :
- 16 mars 2013 :
Chypre rend publics les termes de son plan de bail-in : un prélèvement
de 6,75% sur les comptes de moins de 100.000 euros, et de 9,9% pour les
comptes de plus de 100.000 euros. Un jour férié bancaire est annoncé.
- 17 mars 2013 :
La session d’urgence ouverte par le Parlement pour le vote du plan de
refinancement est suspendue.
- 18 mars 2013 :
La période fériée est étendue jusqu’au 21 mars.
- 19 mars 2013 :
Le Parlement chypriote rejette le projet de bail-in.
- 20 mars 2013 :
La période fériée est étendue jusqu’au 26 mars.
- 24 mars 2013 :
Les retraits auprès des plus grosses banques du pays sont limités à 100
euros.
- 25 mars 2013 :
Les accords de refinancement sont signés. Les déposants qui disposent de plus
de 100.000 perdent 40% de leur argent déposé auprès de la Banque de Chypre,
et 60% de leur argent déposé auprès de Laiki.
Le point à souligner ici
est qu’alors que le public pensait que tout irait bien, on a conseillé aux
membres de la sphère politique de sortir leur argent des banques.
Cent-trente-deux
sociétés ont eu vent du prélèvement fiscal imminent, et ont retiré l’équivalent
de près de 916 millions de dollars dans l’anticipation du bail-in.
Ces sociétés ont retiré
leur argent des banques au cours des deux semaines (du premier au 15 mars)
qui ont précédé le plan de refinancement qui a forcé les déposants les plus
riches des banques de Chypre à enregistrer de lourdes pertes, comme l’a
expliqué le journal grec Proto Thema.
Juste après ce retrait
de masse, les ministres de l’Union européenne et le FMI ont accordé un plan
de sauvetage de 10 milliards d’euros à Chypre, qui concernait également un
prélèvement fiscal sur les comptes ouverts auprès de banques chypriotes.
Les banques de Chypre
ont temporairement gelé les montants nécessaires sur les dépôts de leurs
clients, et ont suspendu toutes les transactions pendant que le gouvernement
négociait les termes de l’accord.
Les sociétés qui ont
retiré leur argent, sous forme d’euros, de dollars, de livres sterling et de
roubles, l’ont plus tard transféré vers des banques étrangères. Le montant
total retiré s’élève à près de 916 millions de dollars.
http://rt.com/news/cyprus-companies-withdraw-money-218/
Près d’un milliard de
dollars a échappé au programme de confiscation. Les gens ordinaires ont
souffert, alors que les individus qui jouissent de contacts politiques n’ont
pas été affectés.
Ce qui est véritablement
épatant, c’est que la banque chypriote qui s’est effondrée a été nominée
meilleure banque privée de l’année par le magazine Euromoney. La « meilleure
banque privée » a fini complètement insolvable, et 47% des dépôts
supérieurs à 100.000 euros ont été convertis en actions bancaires.
La Banque de Chypre est arrivée en tête parmi un
groupe d’institutions bancaires chypriotes, grecques et internationales
opérant à Chypre sur le secteur privé.
Cette nomination par Euromoney est plus
importante encore dans l’environnement macroéconomique actuel, qui réaffirme
la capacité de la banque à répondre aux besoins financiers de ses clients et
souligne la loyauté de ses clients.
http://www.bankofcyprus.com.cy/en-GB/Cyprus/News-Archive/Best-Bank-for-Private-Banking/
L’élite politique et
financière de Chypre et de l’Union européenne a maintenu que les dépôts
bancaires n’avaient pas été volés, puisqu’ils ont été convertis en capital
bancaire à hauteur d’un euro par part. Mais se trouver forcé d’échanger son
argent pour des actions auprès d’une banque insolvable n’a de quoi réjouir
personne.
Le marché, devenu
conscient de l’insolvabilité des banques chypriotes, s’est débarrassé de ses
parts. Les déposants dont les dépôts ont été convertis ont vu leur épargne s’évaporer
à mesure que la valeur des parts plongeait.
Et ce n’est pas comme s’ils
avaient été autorisés de sortir leurs autres dépôts des banques :
L’année dernière, des
milliers de personnes qui disposaient de comptes auprès de la Banque de
Chypre, dont un certain nombre de Britanniques et de Russes, sont devenus,
contre leur gré, des actionnaires de cette banque lorsque leurs dépôts ont
été convertis en actions dans le cadre d’un plan de sauvetage d’urgence
controversé de 10 milliards d’euros.
Les déposants ont vu
47,5% de leurs dépôts au-delà de 100.000 euros transformés en actions bancaires.
Plus d’un tiers de leur
argent a ensuite été placé sur des comptes bloqués pour six, neuf et douze
mois. Les actions bancaires chypriotes ont été suspendues sur les marchés d’Athènes
et de Nicosia au début de l’année 2013.
Ben Rosenberger et
Michele Del Bo, qui se sont occupés de la vente de Lehman Brothers et de la
dette des banques islandaises, ont expliqué que les plus gros vendeurs ont
jusqu’à présent été des clients internationaux cherchant à extraire leur
capital de l’île au travers de la vente de leurs dépôts et actions à des
fonds débiteurs.
http://www.ft.com/intl/cms/s/0/89351ec8-f223-11e3-9015-00144feabdc0.html#axzz38Iy371O0
Ce qui était autrefois l’épargne
est aujourd’hui sujet aux aléas du marché, et peut être activement dilué par
les prélèvements de capital.
Mais penchons-nous une
nouvelle fois sur la liste par laquelle j’ai commencé cet article :
1) Les
politiciens européens sont corrompus et incompétents.
2) Ceux qui
cherchent à estimer le risque lié aux institutions financières ne savent pas
de quoi ils parlent.
3) Les
citoyens seront lésés alors que les personnes qui appartiennent de près ou de
loin à la sphère politique pourront contourner la loi.
Chypre a de l’importance,
parce que bien que les pays puissent être différents en termes de composants
culturels, le système monétaire en place est le même partout dans le monde.
Ce qui s’est passé à Chypre pourrait se produire ailleurs.
Nous pouvons le voir
aujourd’hui en Grèce.
Le gouvernement grec
actuel a été élu en janvier dernier. Depuis lors, le pays n’a cessé de
négocier la question de la dette. Tout le monde sait que la Grèce n’a plus un
sou, mais les discussions continuent de s’éterniser.
En un weekend, un jour
férié bancaire a été déclaré. Et aujourd’hui, l’idée d’un prélèvement de 30%
sur les dépôts est avancée. Une fois de plus, ce seront les citoyens
ordinaires qui en souffriront.
Ce processus sera
utilisé encore et encore, partout dans le monde. Le FDIC a proposé un
programme de bail-in identique dans l’éventualité de l’effondrement d’une
institution financière importante aux Etats-Unis.
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