Est-ce
Donald Trump, ou est-ce le carcajou qui a élu domicile sur le sommet de son
crâne, qui a ce weekend eu la bête idée de décréter que le sénateur John
McCain n’était pas un héros de guerre ?
Il faut
dire qu’après tout, la masse ambigüe de fourrure rousse semble avoir
récemment gagné son indépendance. Si j’étais Trump, je me contenterais de
réfuter cette remarque et d’avouer que c’est le tas de poils qui l’a éructée,
à la manière d’un ventriloque, parce que lui-même (Donald) avait oublié de
lui donner sa pâtée le matin.
J’aimerais
simplement dire que si John McCain n’est pas un héros de guerre – malgré
s’être fait tirer dessus dans la jungle vietnamienne et avoir passé cinq
années et demi à supporter les raclées de ses ravisseurs – alors Donald Trump
n’est pas un abruti fini, ou un pendejo,
comme pourrait le dire son équipe de jardiniers (peut-être même amaricón).
S’il est
une chose que prouve la campagne de Trump – à la consternation troublée de la
horde d’autres candidats – c’est que les politiciens américains conventionnels
sont intellectuellement vacants. Je me doute bien qu’il soit difficile de percevoir
quoi que ce soit au travers du brouillard multicolore de la propagande pour
la diversité, mais les Etats-Unis ont bel et bien un problème d’immigration.
Mes confrères de cette bonne vieille fibre démocrate sont encore pires, parce
qu’ils ne sont même pas capables de dire à voix haute la simple vérité qui
veut qu’un immigrant clandestin soit un peu plus qu’un « sans-papiers »,
comme si une erreur bureaucratique avait été faite par le saint esprit au
cours du traitement de la pile d’admission.
La
question de l’immigration légale est bien entendue à éviter, parce qu’être
une « nation d’immigrants » impose de ne jamais décréter que ça
commence à suffire. Il est plus qu’évident que le monde développé souffre
aujourd’hui de ses politiques d’immigration passées et de l’afflux constant
d’âmes en perdition fuyant le terrain vague que sont les sociétés d’Afrique
du Nord et du Proche-Orient. Les Européens osent au moins lancer des débats,
aussi peu appétissants qu’ils puissent être.
Cette
danse politique tant détestée a désormais lieu dans un climat d’effondrement
financier au travers de l’Europe. Quand le projet utopique de l’Union européenne
aura enfin échoué, comme il a de grandes chances de le faire au vu du grand
fiasco de la dette souveraine, nous devrions assister à un renouveau de la
défense des cultures nationales – française, allemande, et toutes les autres
– qui pourrait très vite tourner à la catastrophe. Un effondrement financier
signifie la mort du système bancaire actuel et la disparition du capital
national. Si ce n’est pas là le cocktail parfait du nationalisme extrémiste
(et de la xénophobie) alors nous n’avons rien appris des leçons de
l’Histoire.
Et puis
il y a bien sûr le problème du djihad, qui est bel et bien réel et avance depuis
tous les recoins de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient. Quelques-uns de
ses fidèles agents sont postés en Europe, qui pourraient semer la terreur si
le projet européen se retrouvait le nez dans la boue. C’est un problème qui
va peut-être plus loin que la question de préservation des identités
nationales. Nous avançons vers une ère d’expulsions de masse, justifiées ou
non.
Il n’est
pas si facile de comprendre pourquoi les Etats-Unis ont la tête si
profondément plantée dans le sable pour ce qui concerne la question
d’immigration. Mais peut-être que plus de soixante années de publicités
télévisées ont suffi à nous transformer en cœurs d’artichauts face à n’importe
quelle campagne caritative larmoyante. C’est particulièrement vrai parmi la
classe éduquée qui travaille dans les tranchées de la publicité et des
relations publiques (de la propagande). Ils en auront fini par croire en leurs
propres salades. Il semblerait qu’ils soient plus encore les otages des
histoires qu’on leur demande d’écrire que ne l’est l’armée de partisans de
Trump. (Nous sommes une nation d’immigrants…)
Si
j’étais un sondage, je proposerais une suspension temporaire des immigrations
de toutes sortes. Les Etats-Unis l’ont déjà fait, dans les années 1920, après
un demi-siècle d’immigration prodigieuse, alors que de nombreux Etats
devaient être peuplés, que de nouvelles industries avaient besoin de main
d’œuvre et que de nouvelles villes devaient être construites. Les
circonstances ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Les espaces vides ont été
comblés (et même trop). Les usines s’en sont allées vers la Chine et d’autres
horizons. Certaines régions agricoles américaines ne fonctionnent plus si
bien, un siècle après avoir été établies – le Nebraska se dépeuple, et
personne ne sait ce qu’il adviendra de la Central Valley californienne à
mesure qu’avancera la sécheresse. Les Chinois construisent peut-être des
super-mégalopoles, la rareté des ressources à venir suggère qu’ils n’ont pas
parié sur le meilleur cheval. Les choses ne se passeront pas ainsi chez nous.
Nos villes (excepté peut-être quelques-unes) font face à une contraction.
Malheureusement,
les insanités de Trump rendent très difficile un débat sérieux sur
l’immigration. L’une des alternatives est d’entretenir un débat ridicule sur
le sujet, basé sur le chagrin et l’effronterie plutôt que sur les
responsabilités de la gouvernance. Je répète depuis des années que nous
sommes en voie d’accepter un messie politique nazi vêtu de rouge, de bleu et de
blanc. Je ne pense pas que Donald Trump puisse remplir ses chaussures. Mais
il servira certainement de cheval de Troie à un démagogue plus manipulateur
encore. Les roues pourraient encore se détacher du carrosse bancaire et
monétaire avant les élections de 2016. Qui sait ce qui se passera d’ici là.
Notez
entre-temps le gros titre que nous offre aujourd’hui le « journal des
records » (le New York Times) :
Les femmes qui se teignent les poils (des aisselles)
Semble-t-il
que ce soit là ce qui nous préoccupe le plus aujourd’hui.