La cervelle collective
des médias grand public n’est pas très différente de celle d’un chien – elle existe
dans un présent éternel, et ce qui se passe aujourd’hui est tout ce qui
devrait importer. Ainsi, les performances d’Hillary à l’occasion du premier
débat démocratique, ayant été aussi mauvaises mais pas plus catastrophiques
que celles de ses compétiteurs, lui garantissent une possible nomination au
poste de présidente. Il se passera plus de six mois entre la date d’aujourd’hui
et la convention, et le temps sera du côté de n’importe quelle force ou
figure qui se dressera pour s’opposer à la femme dont le « tour »
au pouvoir commence à prendre des airs d’inévitabilité.
Ce qui devrait nous
inquiéter davantage, c’est la manière dont les deux partis se présentent
comme étant un parti des hommes et un parti des femmes, une parfaite mise en
scène des archétypes psychologiques d’une société qui produit d’année en année
des millions d’âmes perdues. Le peuple américain semble vouloir d’un Papa
pour venir réparer ce qui est cassé, et vouloir d’une Maman pour lui dire que
tout ira bien. Hillary veut bien entendu jouer les deux rôles. Son problème,
c’est qu’un grand nombre d’électeurs ne l’accepteront ni comme l’un ni comme
l’autre.
Ses antécédents ne
prouvent pas qu’elle soit douée pour réparer quoi que ce soit. C’est pourquoi
l’affaire Benghazi est un si bon bâton avec lequel la battre. A l’époque, l’Amérique
avait besoin d’un père armé d’un débouchoir à ventouse et d’un pistolet à
clous, et tout ce qu’elle a reçu a été des câbles issus par le Ministère de l’intérieur
insistant sur le fait que tout irait bien. Maman n’a pas pu sauver l’ambassadeur
américain en Lybie, ni les trois autres Américains massacrés sur place. Le
prétendu reste le même. Le Congrès a tenu séance pour s’assurer à ce qu’une
telle situation ne se reproduise jamais.
Une névrose intéressante
s’est développée depuis l’assassinat des années 1960. Une promesse
continuelle d’abolir l’imprévisible. Bien évidemment, des atrocités se
produisent chaque jour, en dépit de ce rituel. De nos jours, le meurtre de
masse d’étrangers est plus à la mode que les assassinats politiques. Il y a
toujours de nouveaux incidents. Et il devrait être clair que nous ne sommes
pas si doués pour ce qui est d’empêcher l’inévitable de se produire.
Mais c’est exactement là
la mission du Comité Benghazi contrôlé par les Républicains : démontrer
que Maman n’est pas bonne à réparer quoi que ce soit. Hillary se retrouvera
donc chargée, ce qui ne devrait pas lui poser trop de problèmes, de prouver
qu’elle ne peut pas non plus remplir les chaussures de Maman – rassurer les
masses. Hillary ne repose que sur une sorte de trouble obsessionnel
compulsif, une sorte de discours truffé de promesses et de mots-clics donné à
un casting familier de postulants. Donnez-lui douze mois et voyez ce qu’en
penseront les électeurs.
Pour vous rendre compte
à quel point le parti démocrate est devenu celui des femmes, regardez les
candidats masculins qui peuplent les arènes de débats : tous des archétypes
pitoyables. Bernie Sanders joue le rôle du Papi qui serait réservé, sur le
petit écran, à Larry David ou Alan Arkin. Il s’énerve toujours sur quelque
chose dont tout le monde se moque, élève constamment la voix, pointant son
doigt vers les cieux dans une imitation comique de Yahweh. Et puis il y a Jim
Webb, la figurine à tête branlante et ses longs exposés légaux qui ne nous
indiquent jamais s’il est capable de réparer quoi que ce soit. Il y a aussi
Martin O’Malley, principalement célèbre pour ses abdos et des gros bras, mais
qui a la personnalité d’un enfant de sept ans qui ne voudrait pas mettre son
maître en colère. Et Lincoln Chaffee, un voisin étourdi comme Kramer dans Seinfeld, qui ne cesse de
nous prouver qu’il ne sait pas faire quoi que ce soit.
N’est-il pas
époustouflant que le parti démocrate soit incapable de sélectionner un seul
individu susceptible d’être pris au sérieux ? A mes yeux, c’est
symptomatique de l’ignorance du parti. Et je ne suis pas certain qu’il survivra
aux élections. De l’autre côté de l’arène, le désordre est tout aussi
impressionnant. Les candidats républicains sont tant perçus comme des
incapables que le clown sinistre qu’est Trump est capable de se monter en
spectacle comme un Papa capable de réparer tout ce qui doit l’être par des fanfaronnades.
Celui qui sera élu en
2016 fera face à une crise digne de celle que nous avons traversée dans les
années 1860. Quand les Etats-Unis exploseront, le vent pourra souffler dans
toutes les directions, et la situation sera beaucoup plus difficile à gérer
que la sécession de Dixieland.