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La condition excellente dans
laquelle se trouvent les pièces indique que leur propriétaire les a
systématiquement mises de côté après les avoir acquises, comme l’ont déjà expliqué
les archéologues. Pour une raison que nous ignorons, cette personne a enterré
ces pièces peu de temps après les avoir achetées, et ne les a jamais
récupérées. Certaines des pièces, composées principalement de bronze mais
contenant également 5% d’argent, étaient enterrées dans de petites pochettes
de cuir. Selon les archéologues, il serait impossible de déterminer la valeur
originale de cette monnaie, en raison de l’inflation qui faisait rage à
l’époque, bien que l’ensemble des pièces retrouvées représenterait selon eux
entre une et deux années de travail » - The
Guardian/19 novembre 2015
par Michael J. Kosares
J’ai d’abord eu du mal à
comprendre pourquoi quelqu’un voudrait se donner tant de mal pour accumuler
des pièces contenant si peu d’argent – environ 5%. La seule explication
rationnelle que j’ai pu trouver est que le propriétaire de ces pièces pensait
qu’une dévaluation plus importante était en chemin. Un bref coup d’œil à l’Histoire
romaine nous indique qu’il ne se serait pas trompé.
La génération suivante de
deniers, émise par l’empereur Dioclétien, consistait en des pièces de bronze
simplement trempées dans de l’argent. En 294 après J-C, qui correspond à la
date d’émission de la plus récente des pièces découvertes, Dioclétien a
abandonné l’usage d’argent dans l’alliage de ses pièces et commencé à émettre
des pièces de bronze. Avant cette date, et en seulement vingt ans, les prix
avaient grimpé de 1000%. Les troupes barbares employées par l’empereur
demandaient à être rémunérées en or, et ce pour une bonne raison, comme nous
pourrons le voir plus bas. A la fin du troisième siècle, la devise romaine
s’est effondrée, et avec elle l’Empire romain tout entier.
Pour un bref résumé de la
connexion entre l’effondrement de l’Empire romain et l’inflation, je vous
recommande cette
leçon donnée par le professeur Joseph Peden en 2009, intitulée Inflation
and the Fall of the Roman Empire et publiée sur le site de l’institut
Mises. Peden cite un témoignage fait au Ve siècle par un prêtre chrétien du
nom de Salvien :
« Salvien nous dit, et
je ne pense pas qu’il exagère, que l’une des raisons pour lesquelles l’Empire
romain s’est effondré au Ve siècle était que le peuple romain, la masse de la
population, n’avait plus qu’un souhait après avoir été capturé par les
barbares : ne jamais retomber sous le règne de la bureaucratie romaine.
En d’autres termes, l’Etat romain est devenu l’ennemi. Les barbares sont
devenus des libérateurs. La raison en a sans doute été l’inflation survenue
au troisième siècle. »
Il est intéressant de noter que
pour Rome, comme ce fut aussi le cas pour d’autres régions du monde au fil de
l’Histoire, l’inflation n’a pas été un évènement mais un processus.
L’inflation de la Rome antique s’est développée sur une période de plus de
200 ans. « A l’époque de Trajan en 117 après J-C, explique Peden, le
denier ne contenait que 85% d’argent, contre 95% sous l’empereur Auguste.
Sous Marc Aurèle, en 180, il ne contenait plus que 75% d’argent. A l’époque
de Septime, son contenu argent était passé à 60%, avant que Caracalla ne le
porte à 50%. »
A la fin du troisième siècle,
comme le montre la découverte suisse, le denier ne comportait plus que 5%
d’argent. Comme je l’ai mentionné plus haut, une fine couche externe d’argent
est ensuite venue remplacer ce contenu. Après quoi les deniers n’ont plus été
composés que de bronze. Un graphique aurait pu être établi à l’époque pour
démontrer la progression à la hausse du prix d’une once d’argent en termes de
deniers entre 117 et 300. Je me demande si les experts de l’époque auraient
parlé de bulle.
Environ 1200 ans plus tard,
Thomas Gresham a établi la loi Gresham, qui stipule que la mauvaise monnaie
chasse la bonne. Si Gresham avait eu l’opportunité de visiter le British
Museum et d’étudier les pièces de la Rome antique, il aurait pu découvrir un
exemple de sa propre loi. Un expert a expliqué au Guardian que le
propriétaire original des pièces romaines découvertes en Suisse les a
accumulées parce que la « quantité d’argent qu’elles contiennent leur
garantissait une certaine conservation de valeur au fil du temps, malgré
l’incertitude économique ».
Dans The Story of Money for
Understanding Economics, le chercheur Vincent Lannoye nous explique qu’au
cours de l’inflation romaine, « les pièces les moins dévaluées ont été
accumulées par les gens au fil des décennies, voire des siècles. Ces pièces
précieuses ne circulaient que très peu, chose que nous pouvons déduire de
leur très forte concentration dans les réserves découvertes par les
archéologues ». Peder nous en dit plus sur le rôle de l’or pendant
l’inflation romaine :
« Un
point intéressant à relever concernant cette inflation devrait nous apporter quelque
confort : les historiens qui ont étudié les prix sous l’Empire romain en
sont venus à la conclusion que, malgré toute cette inflation – ou devrais-je
dire en raison de cette inflation – le prix de l’or, en termes de pouvoir
d’achat, est resté stable entre le premier et le quatrième siècle. En
d’autres termes, l’or est resté, en termes de pouvoir d’achat, une valeur
stable, alors même que toutes les autres pièces perdaient peu à peu l’intégralité
de leur valeur.
En 1700 ans, comme vous
pouvez le voir, seules très peu de choses ont changé. Depuis 1971, date à
laquelle les Etats-Unis ont libéré le dollar de l’or pour donner naissance à
l’ère de la monnaie fiduciaire, le dollar a perdu 83% de son pouvoir d’achat.
Le dollar de 1971 vaut désormais 17 cents. Sur la même période, l’or est passé
de 35 à 1.100 dollars l’once (après avoir atteint un record de 1.900 dollars
l’once en 2011). Sur le long terme, l’or de l’ère moderne a maintenu son
pouvoir d’achat, comme il l’a fait à l’époque romaine, alors que le dollar,
comme le denier, a été sans cesse dévalué. Vous savez maintenant pourquoi 400
pièces romaines récemment découvertes en Suisse renforcent l’argument de la
propriété d’or actuelle.
Note 1 : nous ne devrions
pas rester insensibles face à la possibilité de voir se poursuivre
l’inflation, malgré le répit que nous traversons depuis quelques années. Bien
que l’inflation des prix soit relativement limitée, l’inflation monétaire se
poursuit, et ses conséquences devront encore être déterminées. Au cours du processus
inflationniste, nous devrions nous rappeler que la limite entre cause et
effet n’est pas toujours une ligne droite. L’Histoire nous apprend que
lorsque l’inflation se présente, elle le fait souvent sans crier gare.
Note 2 : Je devrais ajouter
qu’au cours de l’inflation romaine, la personne qui a accumulé ces pièces se
serait couverte face aux évènements à venir, comme l’illustre cet article. A
l’époque moderne, bien qu’il soit plus volatile que l’or, l’argent a
fonctionné comme actif de préservation de valeur pour les portefeuilles d’investissement.
Un graphique tel que celui présente plus haut pourrait aussi être établi pour
l’argent.
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