Parce que, quoi qu’en disent certains, la campagne électorale pour la présidentielle de 2017 a bel et bien commencé, parce
que, sans vergogne, je n’hésite pas, de temps en temps, à m’aventurer sur les
terres gluantes de la titraille putassière et du sujet bassement clicogène,
parce qu’enfin, il faut toujours rappeler les évidences pour que personne, à
force d’habitude, ne les perde de vue, voici ma liste de quelques unes des
façons les plus pourries de faire de la politique, telle qu’actuellement
pratiquée en France.
1. Faire monter le FN
C’est une vieille méthode, mais ne dit-on pas que c’est dans les vieilles
marmites qu’on fait les meilleures soupes ? Dans les années 80 et à
force de SOS Racisme, Mitterrand avait remarquablement réussi a éparpiller la
droite en faisant monter le Front National. Il n’est pas dit que Hollande,
avec la maestria qui le caractérise jusqu’à présent (Remember Syria ?), obtienne finalement,
avec des procédés similaires, le même résultat… à gauche : à mesure que
le Front National grimpe en se positionnant de plus en plus comme la seule
alternative électorale crédible, le Parti Socialiste apparaît de plus en plus
loin des aspirations des classes moyennes et ouvrières, et ses dissensions
internes se font plus fortes. Tiraillé entre le désir de renouer avec la
moindre victoire électorale (qui nécessite donc un discours assez différent
de celui actuellement tenu) et la nécessité de ratisser aussi large que
possible pour ne pas disparaître complètement, le parti du Secrétaire devenu
Président est en état de mort cérébrale et de décomposition avancée.
Dans ce cadre, la montée du FN
ressemble à un jeu dangereux où le président sortant, pour être réélu, semble
prêt à sacrifier son cavalier, son fou et ses pions.
2. Pratiquer le déni
Lorsque rien ne se passe comme
prévu, ou, plus exactement, que les scénarios outrageusement optimistes et
roses bonbon s’envolent en fumée et que tout ce qui était prévu de pire
advient inexorablement, politiquement la première des choses à faire est de
nier le problème. Ce dernier n’existant plus par décret, les choses vont
immanquablement mieux : le chômage, qui n’a jamais été aussi haut, se
résorbe moyennant quelques torsions aisées des chiffres ; le déficit
budgétaire n’est qu’une péripétie amusante, une passade sans lendemain qu’on
nous pardonnera facilement (ou presque).
Et comme l’a largement montré
l’école de pensée soviétique, un bobard suffisamment répété finit toujours
par devenir une vérité. La courbe du chômage s’inversera donc, soyez-en
absolument certains, ce qui donnera toute latitude au Président François de
redevenir le Candidat Hollande.
3. Être dur avec les mous et
mous avec les durs
En France, pour durer en politique, il faut savoir se
ménager des voies de compromis et des parachutes dorés. Il faudra donc faire
preuve de la plus grande souplesse avec les puissants ou ceux qui, médias
aidant, font et défont les réputations. Inversement, il faudra se montrer
intraitable avec les petits, les sans-grades. D’une part parce qu’ils le
méritent, ils sont sans-grades, voire sans-dents, et d’autre part parce
qu’ils sont si nombreux que leur montrer des égards serait bien trop coûteux
et interprété comme une faiblesse. Surtout pas !
Alors, même en plein état d’urgence, on fera très
attention lors de l’emploi de la force. Surtout, surtout pas de bavures et
tant pis si cela ressemble, de loin, à une faillite complète de l’État républicain.
4. Utiliser les trucs et astuces de la constitution
Si les méthodes précédentes ne
donnent pas toujours les meilleurs résultats, on peut toujours se réfugier
dans la procédure et la Constitution. C’est du solide, ça, la
constitution ! Pensez donc, elle n’a pas changé plus d’une dizaine de
fois en deux cents ans, et son texte est respecté dans sa lettre et son
esprit depuis des lustres. Utilisons-la donc dès que l’occasion se présente.
Bon, certes, il faudra faire preuve d’un peu de doigté pour que, par exemple,
une révision qu’on envisageait pour elle ne se termine pas en jus de boudin.
Mais prenez son article 49.3, il est très intéressant : il permet par exemple
d’offrir une vraie bouée de sauvetage à nos députés actuellement malmenés par
une politique désastreuse en matière d’emploi.
Ainsi, la loi El Khomri qui, selon tous les analystes un peu lucides, est vraiment inoffensive, génère pas mal de pressions de la part de certains électeurs vis-à-vis de leurs députés en les menaçant de les abandonner aux prochaines élections s’ils leur prenait la fantaisie d’adouber le gouvernement de leur vote. Évidemment, avec un 49.3, ces mêmes députés pourront arguer de ne vouloir faire tomber le gouvernement, et d’être donc obligés de voter pour cette loi, la mort dans l’âme.
Il ne restera que la ministre-stagiaire à convaincre, mais cela n’est
pas la chose la plus délicate…
5. Ne pas tenir compte de son
casier judiciaire
Et si des méthodes existent pour ceux qui sont au
pouvoir, il en reste quelques unes pour ceux qui aspirent à les remplacer, à
condition bien sûr que ces derniers ne tiennent absolument pas compte de leur
passé, à commencer par celui dans lequel ils se font condamner et n’ont donc
pas un casier vierge, normalement indispensable pour exercer des fonctions
dans le service public.
Et à bien y réfléchir, à quoi diable peut bien servir un
casier vierge ? Ne faut-il pas en être passé par le Justice de son pays
pour pouvoir ensuite crâner qu’on est confiant en elle ? Est-on vraiment
un homme politique si on n’a jamais été inquiété pour ses actions ou ses
omissions ? Un politicien au casier vierge, c’est au mieux qu’il a trop
corrompu autour de lui, juge compris, au pire qu’il est incorruptible et
qu’alors, l’enfer sur Terre nous est promis s’il parvient aux plus hautes
marches de l’État ! Non, décidément, un petit repris de justice a toutes
ses chances pour exercer la plus haute magistrature du pays.
Bonus supplémentaire : au moins, le candidat ne pourra
pas nous refaire le coup de la République irréprochable, dont on a tous vu ce
qu’il signifie en pratique.
6. Distribuer les cadeaux avant les élections, même quand
on n’a pas un rond pour les payer
Bien évidemment, ce n’est pas parce que tout va de mieux
en mieux ou que vous pouvez toujours utiliser les astuces constitutionnelles
qu’il faut se passer de huiler un peu les rouages.
De nos jours, quoi de mieux qu’un peu d’argent (celui des autres — ce n’est pas cher, c’est l’État qui paye) pour justement huiler ces nombreux rouages ? Quoi de mieux que distribuer 1,6 milliards d’euros pour un plan pour l’emploi et la formation, 825 millions pour un plan de soutien aux agriculteurs, 2,4 milliards pour augmenter l’indice des fonctionnaires, 200 millions pour « les jeunes », 265 millions pour « les instituteurs » ? Quoi de mieux que prolonger d’un an pour 400 millions d’euros le dispositif de suramortissement des investissements en entreprises ?
Là encore, pourquoi se priver puisque tout ceci sera payé
grâce à de la bonne dette fraîche, elle-même noyée tôt ou tard dans une
injection massive de monnaie neuve imprimée à la demande ?
7. Revenir encore et encore, même après s’être fait jeter
Et de toute façon, quoi qu’il arrive, quoi qu’on puisse vous dire ou vous faire, toujours, restez persuadé que le peuple veut de vous, qu’il vous aime et que vous, seul, saurez le sauver en dépit des immenses dangers dans lesquels les autres, tous les autres, l’y auront conduit. Et même si vous vous êtes fait jeter comme un malpropre lors de votre précédente tentative, retentez le coup, sans abandonner.