Il y a quelques jours, je revenais en détail sur les dérives, de plus en plus inquiétantes, de la CIPAV. Cette caisse de gestion des retraites des professions libérales montre en effet de graves lacunes dans sa gestion, dénoncées par la Cour des Comptes. Malheureusement, ce n’est pas tout.
En effet, le patrimoine de la CIPAV compte quelques immeubles parisiens, dont deux d’habitations, dont la gestion laisse pour le moins à désirer.
Et ici, « pour le moins » est probablement un euphémisme qui se range dans la catégorie olympique, à l’instar des termes employés par la Cour des Comptes pour caractériser la gestion de la CIPAV, justement, ou les qualificatifs qui viennent à l’esprit des personnes un peu au courant de l’état général du RSI, le pendant de la CIPAV, pour l’assurance maladie.
Il apparaît en effet que, dans ces locaux d’habitations, des remises aux normes s’imposent depuis des années. Et compte-tenu de la nature de ces remises aux normes, elles traînent même depuis des lustres puisqu’il s’agit de problèmes liés à des peintures au plomb, à des isolations amiantées, des problèmes de plomberie défectueuse et d’électricité hors d’âge. On découvre ainsi l’existence d’un audit établi en mars 2013 qui indiquait qu’il fallait impérativement faire réaliser les diagnostics plomb et amiante de l’immeuble avant tout travaux. Les rapports d’expertise sont formels et montrent assez clairement un état des lieux qui se rapproche plus de l’insalubrité qu’autre chose :
En connaissance de cause, la CIPAV a fait le choix d’entreprendre des travaux destructifs tant dans les appartements que les parties communes de l’immeuble en présence des locataires et des salariés des entreprises. Les photos qui suivent, en provenance directe d’un locataire, donnent une petite idée de l’état général des locaux, alors qu’à cette date, les travaux ne sont toujours pas finis (et n’en prennent pas le chemin).
Bref, il semble bel et bien que la CIPAV doit se dépatouiller d’un dossier immobilier particulièrement épineux, et que sa façon de procéder soit plutôt sujette à débat, tant au regard de l’éthique que de la loi.
En effet, plus généralement, la CIPAV est un organisme privé mais chargé d’une mission de service public. Autrement dit, c’est bien un service que l’État veut rendre, ici aux professions libérales, de nature essentiellement obligatoire — la gestion de leur retraite, la distribution des pensions correspondantes et le prélèvement des cotisations afférentes. Pourtant, cet organisme est moins qu’irréprochable dans la gestion d’un ensemble d’immeubles pour lesquels son comportement pourrait s’apparenter à celui de vendeurs de sommeils si souvent décriés dans d’autres affaires : travaux pas ou mal effectués, locaux hors normes voire dangereux (plomb dans les peintures, isolation amiantée, conduites d’électricité, de gaz ou d’eau à refaire, etc…). Une question vient alors naturellement à l’esprit : comment imaginer que cette manière de gérer quelques ensembles immobiliers n’entache pas d’une façon ou d’une autre la gestion du reste du patrimoine de la caisse, et, a fortiori, la gestion de la collecte des cotisations et de la distribution des pensions ?
Au vu de l’état général de délabrement des locaux dont il est question ici, c’est plus qu’inquiétant puisqu’ils préfigurent d’un état global catastrophique du reste des finances et du patrimoine de la caisse, d’ailleurs confirmé par la Cour des Comptes : eh oui : ce qui se voit à l’extérieur (un immobilier en pleine déconfiture) se reproduit bien à l’intérieur (un « service déplorable »).
Tout ceci serait déjà suffisant pour jeter le plus grand désarroi chez ceux qui sont confrontés à la CIPAV, qu’ils soient locataire de cette dernière, cotisants en tant que profession libérale, ou retraités touchant une pension.
Malheureusement, l’analyse se doit d’aller plus loin.
Par exemple, on ne pourra pas passer sous silence le temps mis par les différentes instances pour faire revenir la Caisse dans le cadre de la loi. En effet, alors que certains locataires vivent un véritable calvaire depuis de longues années, et ayant mentionné à leur propriétaire l’ensemble des problèmes relevés dès leur survenue, la situation n’est à ce jour toujours pas revenue à la normale. Autrement dit, depuis des années, la CIPAV n’est pas toujours parvenue à corriger les défauts de ses propriétés et, parallèlement, il semble que les autorités compétentes n’ont toujours pas réussi à lui faire entreprendre les mesures indispensables pour les remettre aux normes, et que la CIPAV a pourtant obligation de respecter.
Difficile de ne pas voir le différentiel de traitement qui existe maintenant de façon évidente entre celui réservé aux particuliers d’un côté, qui seront toujours poursuivis et condamnés avec assiduité par la justice française, et le traitement accordé aux organismes d’État de l’autre côté, qui, même lorsqu’ils sont pris sur le fait de leur mauvaise gestion, parviennent toujours à multiplier les échappatoires devant leurs responsabilités et à faire durer leur incurie bien au-delà du raisonnable et du supportable, que ce soit pour l’objet même de leur existence (ici, la gestion des retraites) que pour des comportements périphériques (ici, le patrimoine immobilier).
Enfin, si la santé financière de la CIPAV s’assoit (au moins en partie) sur une évaluation de son patrimoine immobilier, on ne peut que s’inquiéter de la réalité effective des actifs en question tant ce patrimoine semble dégradé…
Devant ces éléments, il est extrêmement symptomatique de constater qu’encore une fois, les mêmes causes provoquent les mêmes effets : l’absence totale de toute concurrence à cette caisse pour la gestion des retraites, provenant de l’obligation d’affiliation et du monopole en découlant (très discutable du reste), provoque un laisser-aller évident dans sa gestion, qui traverse tout l’organisme. Non, ce n’est pas un hasard qu’encore une fois ce soit un organisme public ou para-public qui applique avec décontraction le principe habituel du « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », en oubliant avec une facilité déconcertante qu’il est normalement de son devoir de servir au mieux les intérêts de ses clients (ici, les locataires d’un côté et les cotisants de l’autre).
Décidément, la CIPAV pousse, dans le domaine de la retraite, à la même conclusion que le RSI dans le domaine de la santé : il est plus que temps que toute la Sécurité sociale soit privatisée.