Même si les marchés sont particulièrement irrationnels depuis 18
mois, et qu’ils réagissent rarement comme les modèles économiques le prédisent
(au passage, faut-il revoir ces modèles ? c’est une autre histoire), on est
tout de même en droit de supposer que les résultats du référendum britannique
du 23 juin prochain ne seront pas sans conséquences sur le cours de l’or.
D’une manière générale, l’or a toujours été une valeur refuge,
selon l’expression consacrée, c’est à dire un actif vers lequel se tournent
les investisseurs pour se protéger des effets d’une crise probable ou avérée.
Et c’est peu de dire que le Brexit constitue une crise potentielle.
Une construction européenne fragile
D’ailleurs, même si les Britanniques devaient finalement choisir de rester
dans l’Union Européenne, il y aura eu un avant et un après référendum. Plus
rien ne sera jamais pareil, car on aura pu voir à quel point la
construction européenne est fragile. Qu’un pays aussi important que
le Royaume-Uni (l’un des 6 pays fondateurs, pour ne rien arranger !) décide
de quitter l’Union est en soi un signe fort de la défiance croissante
envers les institutions européennes en particulier, et la politique
communautaire en général. Une politique qui s’est financiarisée à outrance
depuis une dizaine d’années au point d’amener les responsables européens à
penser réellement qu’on pouvait résoudre toutes les questions nationales, qu’elles
soient économiques, sociales, structurelles, mais aussi identitaires ou même
stratégiques, à grands coups de milliards d’euros produits à la
chaîne sans égards pour la réalité de chaque pays. Pire, sans
respect pour leurs particularités nationales.
Ces particularités, les Britanniques ont toujours souhaité les préserver,
et leur refus d’entrer dans la zone Euro en est un exemple flagrant.
Aujourd’hui, en faisant planer la menace d’une sortie définitive de
l’Union Européenne, que les sondages les plus récents montrent de
plus en plus probable, le Royaume-Uni semble confirmer que le divorce est
consommé, non seulement avec la gouvernance européenne mais aussi avec
certains des États qui la dirigent. D’autres pays sont également sur le point
de basculer en mode “exit“, et le cas du Royaume-Uni servira de
référence. L’Autriche par exemple, ou encore les Pays-Bas, connaissent un
élan populaire de plus en plus fort en faveur d’une sortie de l’Union
Européenne. Mais pire encore, certains envisagent même un renoncement à
l’Euro de la part de… l’Allemagne !
Quoi qu’il en soit, Brexit ou Bremain, l’Euro risque de sortir
très affaibli de cette lutte intestine. Pour l’instant, les marchés
sont attentistes, car l’avenir est incertain, mais quel que soit le scénario,
il est probable que l’or voie son cours monter en flèche.
Quel que soit le choix des Anglais, l’or gagnera à la fin…
En effet, en cas de maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, la
révélation des faiblesses communautaires qui sont apparues à l’occasion de
cette énième crise rejailliront immanquablement sur la confiance des
investisseurs à l’égard de l’euro. Dans un contexte de taux nuls,
voire négatifs désormais, même les analystes financiers qui se
montraient jusqu’ici méprisants envers le métal doré commencent sérieusement
à l’intégrer dans leur panier de valeurs à privilégier. Quitte à acheter ce
qui ne rapporte rien (car l’or n’est pas un actif spéculatif, rappelons-le),
autant privilégier les métaux précieux qui, eux, préservent la valeur
relative des investissements. Conséquence probable, l’appétence pour
l’or, qui a déjà commencé depuis le début de l’année 2016, va se poursuivre à
un rythme d’autant plus rapide que les mécanismes financiers de régulation
auront montré leurs limites, et le prix du métal jaune pourrait bien grimper
en flèche pour atteindre rapidement 1400, voire 1500 dollars l’once.
En cas de Brexit, en revanche, non seulement l’Union
Européenne aura montré qu’elle n’avait pas les moyens de maintenir sa
cohésion au plus haut niveau, avec les conséquence que l’on vient d’exposer
aux paragraphes précédents, mais les Britanniques se retrouveront
économiquement isolés du jour au lendemain, dans une situation qui
les amènera à renégocier la plupart des accords qui allaient jusqu’ici de soi
avec la construction européenne. Et comme business is business, le
Royaume-Uni devra très certainement consentir à certains sacrifices pour
séduire ses futurs partenaires ; sacrifices au nombre desquels la
dévaluation de la Livre Sterling (par exemple pour arriver à la
parité avec l’Euro) risque bien d’occuper une place essentielle. Comment cet
appauvrissement relatif sera-t-il contré par les investisseurs anglais ?
Probablement en multipliant les achats de valeurs refuge, comme l’or
et l’argent notamment, qui auront donc une seconde raison de voir
leurs cours s’apprécier brusquement (et on parle là d’un niveau cible
avoisinant les 1600 dollars pour l’once d’or et 20 dollars pour l’argent).
Par conséquent, quel que soit le résultat du référendum anglais, et
indépendamment des conséquences politiques qui en découleront, y compris à
l’intérieur du Royaume-Uni, l’or pourrait bien devenir l’actif favori
de ces prochains mois, sinon pour sortir de la crise, tout au moins
pour la traverser sans y laisser sa chemise.