Rebondissement dans l’invraisemblable imbroglio bétonno-aéroportuaire : les citoyens de Loire-Atlantique ont finalement été consultés pour savoir si le projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes devait être poursuivi, et ils ont acquiescé.
Pour rappel, l’idée générale est d’implanter un aéroport international à mi-chemin de Nantes (qui dispose de son aéroport international) et de Rennes (qui dispose de son aéroport international), villes toutes deux séparées de 100 km et ce alors que ni l’aéroport de Nantes, ni l’aéroport de Rennes n’ont atteint leur pleine capacité (et loin s’en faut). Ainsi, le surcroît de capacité généré permettra de disposer de la plus grande densité d’aéroport internationaux sur la plus petite surface possible, et, inversement, de la plus petite densité de voyageurs par aéroport international dans cette région. C’est malin : les terroristes ne pourront jamais prospérer dans ces halls vides et ces portes d’embarquements sans files.
Ce magnifique projet, mis en route il y a maintenant près d’un demi-siècle, n’a jamais dépassé le stade des plans et des prises de positions (de bec ?) politiques, mais a largement eu le temps de déclencher plusieurs crises dans la région concernée, d’autant plus que les zones d’aménagement différées ont été l’occasion de fournir un terrain de jeu pour cette frange bigarrée de la population française jamais en retard d’un Kombat contre le Grand Kapital. Au passage, notons que 50 années d’atermoiements, c’est au moins 45 de trop pour un projet de cet ampleur. 45 ans ! Réfléchissez à ce que ça peut représenter en termes d’énergie politique et en finances mobilisées pour quelque chose dont on doute encore de l’impérieuse nécessité. Si, après 50 ans, des questions se posent encore, c’est que l’absolue évidence de l’utilité du projet n’existe pas.
Et puis, sur cette période, les gouvernements successifs se sont bien gardés de trancher, jugeant sans doute qu’il y aurait largement de quoi s’exposer à des problèmes médiatiques toujours embarrassants entre deux élections (pour rappel, le pays est toujours entre deux élections). En conséquence, on ne peut que s’étonner que la décision de trancher dans l’existence ou non du bastringue fut prise sous le quinquennat de Hollande, essence même d’une synthèse substantifique de rien vaporeux et concentré d’huile essentielle d’indécision.
Et surtout, sous cette forme : grâce à un référendum local, le gouvernement pense s’en sortir à bon compte en laissant la population concernée prendre la décision. Malheureusement, tout ceci sent un peu l’arnaque, encore une fois et comme d’habitude sous Hollande.
En effet, avant même de prendre en compte le résultat du référendum, force est de constater les éléments suivants.
D’une part, rien n’a été décidé concernant les aéroports de Rennes et de Nantes. Si la création d’un aéroport supplémentaire s’accompagnait de la fermeture sûre et certaine de ces deux pôles devenus redondants, peut-être l’aspect économique tiendrait-il : le nouvel ensemble, à mi-chemin des deux métropoles, devient leur principal pourvoyeur de touristes et d’hommes d’affaires. Admettons. Malheureusement, il n’en est rien : même si Notre-Dame-Des-Landes est présenté comme un transfert de l’aéroport de Nantes, tout porte à croire que ce projet viendra s’ajouter aux deux autres déjà existants. Économiquement, c’est absurde et passer au référendum sans avoir dégagé ce problème est inutile.
D’autre part, le référendum reste purement consultatif. Bien sûr, le gouvernement prétend suivre l’issue du scrutin. Mais l’enjeu politique est très fort et gageons qu’il suivra surtout ce que l’opinion du moment lui dictera de faire, indépendamment de ce qui fut décidé finalement par les populations.
Enfin, regardons les choses en face : magie de la « démocratie locale », on observe que ceux qui sont les plus impactés par le projet votent massivement « non », et que ceux qui n’auront aucune nuisance votent bien plus volontiers « oui ». L’électeur est rationnel et comprend que sur le plan économique, l’aéroport peut lui rapporter s’il est à distance raisonnable, et lui coûter fort cher s’il est trop proche. En substance, tout se déroule comme prévu : les électeurs d’un bout du département vont pouvoir imposer en toute décontraction une infrastructure coûteuse payée par (en substance) tous les Français aux électeurs de l’autre bout du département qui devront fuir les nuisances engendrées.
La situation semble déjà épineuse, mais nous sommes en République Bananière de Françosialie et d’autres paramètres la rendent donc inextricable.
Il y a bien sûr le problème des occupants sauvages, que le gouvernement s’en engagé à déloger indépendamment de l’issue du scrutin (du reste, celui-ci s’avérant positif pour le projet, la démocratie, réclamée à cors et à cris par ces occupants, sera-t-elle respectée ? On peut légitimement en douter). Cela promet d’improbables tractations, l’usage évident d’un minimum de force et d’une inévitable médiatisation qui ne pourra être qu’intéressante pour les observateurs. Comment ceci peut-il se dérouler dans le calme, la bonne ambiance, sans casse ni cris ?
Il y a ensuite la cacophonie gouvernementale qui s’en suivra : alors qu’Ayrault est tendrement, vocalement et localement pour cet aéroport, alors que Valls semble y trouver son intérêt, Ségolène Royal, péniblement pro-environnement et donc maladroitement pas trop pour le projet, avait largement expliqué avec sa pertinence habituelle qu’elle s’opposerait à l’usage de la force pour déloger ces enquiquinants zadistes, en expliquant sur France 5, le 31 janvier dernier, que – je cite :
« On ne fera pas d’évacuation par la force, c’est impossible, on ne va pas faire de guerre civile à Notre-Dame-des-Landes »
Moui. Bon. On attend de voir sa méthode en application, mais il est probable que la discussion sereine et l’échange de petits bisous ne suffira pas. Les explications internes au gouvernement promettent quelques grands moments de bonheur.
En définitive, l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, c’est une démonstration assez pitoyable, assez pathétique, mais assez fidèle de ce que vaut le pouvoir politique en France : totalement étranger au principe de subsidiarité, ce sont des instances aussi hautes que possibles (nationales ou régionales) qui décident pour les citoyens et imposent aux locaux des conditions sans qu’ils aient réellement voix au chapitre. Lorsqu’on leur demande enfin leur avis, après près d’un demi-siècle de ronds de jambes, on le fait de la façon la plus à même de cliver définitivement les populations les unes contre les autres, ceux qui subissent contre ceux qui bénéficient, sans pouvoir trouver de terrain d’entente, le tout après des engagements financiers déjà conséquents qui rendent l’une des options particulièrement coûteuse.
Enfin, peu importe en définitive le projet en lui-même : l’argent gratuit des autres coule à flot. Qui a besoin de vérifier ce qui est fait avec ? En réalité, cet argent ne représente pas une infrastructure, mais il représente d’abord un levier de pouvoir pour certains élus (maires locaux – Jean-Marc Ayrault en tête, région, département). Notre-Dame-Des-Landes, c’est la pyramide du Louvre des barons locaux, c’est l’empreinte indélébile de leur passage dans le coin, c’est cette miction canine qu’ils ne peuvent compulsivement pas s’empêcher de lâcher.
Et c’est, encore une fois, le contribuable qui nettoiera la déjection, paiera la casse et épongera la déroute économique.