On a tendance à considérer l’argent comme un second choix en matière de
métaux précieux, la première place étant depuis toujours occupée par l’or.
Pourtant, celui que l’on appelait parfois « l’or du pauvre » et qui
a longtemps été privilégié pour les transactions du quotidien (il a
d’ailleurs donné son nom à la monnaie dans le langage courant), pourrait bien
revenir en grâce en raison des nombreuses particularités qui le distinguent
de l’or, le rendant même, par certains côtés, bien plus précieux.
Des qualités au moins égales à l’or
Même si l’or reste la référence en matière d’inaltérabilité,
l’argent est un métal particulièrement stable, faiblement sensible à la
corrosion, ce qui en a toujours fait un excellent support pour la
frappe de pièces notamment. Aujourd’hui, on peut retrouver des pièces
d’argent datant de plusieurs siècles qui semblent pourtant aussi brillantes
qu’au premier jour et quelques unes dont la gravure paraît moins altérée que
celle d’une pièce moderne qui aurait passé un an dans nos poches !
De la même manière, l’argent est plus ductile que l’or (on peut obtenir un
fil de 2500 mètres à partir d’une seule once d’argent), il est également plus
réfléchissant et possède un certain nombre de caractéristiques uniques qui
lui ont rapidement octroyé une place de choix dans un grand nombre
d’industries de pointe. Excellent conducteur électrique et
thermique, il est ainsi devenu essentiel dans l’électronique embarquée
(automobile, aéronautique), la fabrication de batteries et de catalyseurs, le
marché de l’énergie solaire, la téléphonie mobile (incluant la fabrication de
tablettes numériques), l’informatique, la télévision HD, les
nanotechnologies, le purification de l’eau, le milieu médical, etc.
En réalité, ses applications sont innombrables et une quantité phénoménale
de ce qui fait notre vie quotidienne ne pourrait plus exister s’il n’y avait
brutalement plus d’argent à disposition. Une éventualité qui fait froid dans
le dos… et qui pourrait pourtant arriver bien plus vite qu’on ne le croit.
De l’argent de plus en plus rare
Mais revenons brièvement sur la valeur de l’argent par rapport à
celle de l’or. Pourquoi, malgré ses indéniables qualités, parfois
même supérieures à celles du métal doré, l’argent n’a-t-il jamais pu accéder
au premier rang des métaux précieux ? La raison est très simple : la rareté.
Ou, plus exactement dans le cas de l’argent, sa moins grande rareté que celle
de l’or. Ainsi, il a toujours été admis que l’argent était bien plus répandu
que l’or à la surface du globe (et incidemment dans ses profondeurs). Par
conséquent, sa valeur « marchande » s’en est fortement ressentie
et, pendant très longtemps, on a considéré qu’une once d’or
équivalait à 20 onces d’argent.
Aujourd’hui, nous en sommes même à une once d’or pour 60 à 65 onces
d’argent (suivant les fluctuations des cours). Et pourtant, la situation a
considérablement évolué… mais pas dans le sens que les cours officiels
pourraient laisser croire. Tout d’abord, à la différence de l’or, l’argent
sert, comme on l’a vu plus haut, dans un grand nombre de processus
industriels au cours desquels il est irréversiblement… détruit
! Certes, la production d’argent continue à être bien supérieure à
celle de l’or (25000 tonnes par an, contre 2500 en moyenne pour
l’or) mais la demande est encore plus importante : on l’évalue à 30000 tonnes
dans le meilleur des cas. La bijouterie, certes, consomme beaucoup d’argent
(7 à 8 000 tonnes par an) mais ce sont toutes les industries de
pointe (de l’électronique au nucléaire, en passant par la
bio-technologie et les énergies dites renouvelables) qui épuisent l’essentiel
des réserves d’argent disponibles. La fabrication de pièces de
monnaie, quant à elle, plafonne à quelque 1300 tonnes dans ses
bonnes années. Au final, l’argent devient de plus en plus rare, non seulement
dans les gisements (dont on prédit l’épuisement d’ici 2030) mais également
dans les coffres et autres lieux de stockage. D’autant plus que l’argent
n’est pas ou peu recyclable…
La valeur de l’argent ne reflète plus la réalité
Concrètement, à environ 20 dollars l’once, la cote de l’argent ne reflète
plus du tout la réalité et, même si on ne devait revenir qu’au ratio
historique de 1 pour 20 par rapport à l’or, on avoisinerait déjà
davantage les 60 à 70 dollars l’once d’argent. Or, aujourd’hui, que
ce soit en termes de production, de réserves disponibles ou même de
perspectives à moyen terme, la tendance devrait plutôt s’établir aux
alentours de 1 once d’or pour 10 d’argent, ce qui, sur la base du cours
actuel de l’or, devrait porter l’once d’argent à proximité des 130
dollars.
On le voit, l’argent est clairement sous-évalué, tandis que la demande ne
cesse d’augmenter, non seulement de la part des industries mais également des
investisseurs, spécialement dans les économies émergentes. De leur côté, mus
par une défiance vis-à-vis bimétallisme en faveur de l’or, tous les
gouvernements et toutes les banques centrales du monde se sont débarrassées
de leur argent depuis la Seconde guerre mondiale, et la plus grande partie a
été irrémédiablement consommée. Demain peut-être, ou l’année prochaine, qui
sait, on prendra conscience de la soudaine rareté de l’argent et on trouvera
sans doute un ou deux milliardaires russes ou chinois pour racheter la
majeure partie de ce qu’il restera.
Quoi qu’il en soit, action spéculative ou épuisement des ressources,
l’argent métallique doit désormais être considéré comme une richesse
naturelle finie, non renouvelable, et sur le point d’être frappée
d’une extrême rareté. Certes, il restera encore un grand nombre de bijoux en
argent en circulation, et la petite collection de boucles d’oreilles de votre
femme achetées 200 euros la paire à l’occasion des fêtes de ces 15 dernières
années deviendront peut-être une part non négligeable de votre patrimoine
familial. Mais sans doute est-il prudent de faire provision d’articles plus
« liquides », plus facilement négociables, comme des pièces
en argent par exemple (mais uniquement au-delà de 990 millièmes
d’argent pur !), d’autant plus que certaines d’entre elles comme les Maple
Leaf, les Philarmoniques, les Eagle ou les Vera Silver Zanzibar ont également
cours légal.