Lentement d’abord, et puis tout d’un coup

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Published : September 22nd, 2016
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Category : Today's Editorial

 

 

 

 

L’incohérence époustouflante de la campagne électorale qui se joue aujourd’hui aux Etats-Unis ne fait que refléter la choquante incapacité du public américain, en haut comme en bas, à comprendre les réalités de notre époque. La plus urgente étant la contraction économique globale. Ayant heurté de plein fouet le mur des ressources, et notamment du pétrole abordable, l’économie techno-industrielle globale a déraillé.

Il est évident qu’il existe des façons pour l’Homme de peupler cette planète, peut-être même de manière civilisée, mais certainement pas à l’échelle colossale du régime économique d’aujourd’hui. Le destin de l’ordre actuel des choses n’a rien à voir avec nos préférences personnelles. Nous devrons l’accepter que cela nous plaise ou non ; et parce que la civilisation actuelle est une telle anomalie, il nous faudra bientôt nous demander comment nous en retourner sans encombres à une disposition nouvelle de la vie de tous les jours. Ni Trump ni Clinton ne semblent avoir la moindre idée de ce qui se joue sous leurs yeux.

Le dilemme que je décris ici est aussi appelé la fin de la croissance. L’impact romantique de ce terme tend à paralyser même les esprits les plus cultivés, et tout particulièrement les professeurs d’économie, les anciens avocats de Yale devenus politiciens, les éditeurs du Wall Street Journal, les hommes en costume qui arpentent les couloirs des étages de direction des grosses corporations, et les bureaucrates de Washington. En l’absence de cette croissance, telle qu’est est définie par les statistiques de l’emploi et de la productivité qui jaillissent telles des bratwursts empoisonnées des poussoirs à saucisses des agences du gouvernement, les élites ne peuvent voir plus loin que l’abysse qui s’ouvre devant elles. Le manque d’imagination de nos élites a parfois de quoi faire peur.

Comme c’est souvent le cas au sein des sociétés trop mûres, trop matures, nos élites ont commencé à avoir recours à des formules magiques pour sauvegarder nos arrangements actuels. C’est pourquoi la Réserve fédérale, autrefois une organisation opérant dans les ténèbres de la vie courante, est désormais à l’avant de la scène, affairée à nous hypnotiser par ses incantations destinées à contrer les ravages de la déflation de la dette (pour en savoir plus sur ce phénomène, lisez l’essai de Ben Hunt intitulé Magical thinking et disponible ici.)

L’une des manières de faire face à ce problème serait de remplacer le terme « croissance » par « activité ». Une société humaine est libre de choisir différentes activités susceptibles de produire d’autres effets que le développement d’un modèle de comportement techno-industriel. Elle pourrait choisir de développer des fermes plutôt que des sociétés d’applications mobiles. Elle pourrait opter pour le travail manuel plutôt que pour la télévision, construire des villes plus compactes plutôt que des terrains vagues suburbains. Elle pourrait choisir d’organiser des spectacles de marionnettes, des concerts, des chorales plutôt que des Super Bowls et des vidéos pornographiques. Elle pourrait fabriquer à la main des produits de qualité plutôt que de cracher à la chaîne des biens qui ne passeront pas la semaine. Mais aucune de ces activités alternatives ne qualifie de « croissance » pour notre société actuelle. A dire vrai, elles sont même perçues comme représentant une contraction. Même si elles pourraient nous apporter une organisation satisfaisante et durable de la vie de tous les jours.

Les rackets et les fraudes que nous déployons dans nos efforts de préserver les apparences ont détruit le système financier dont dépend le régime actuel. Tout n’est plus qu’une illusion établie par la fraude comptable pour nous cacher le fait que les promesses ne seront jamais tenues. Tous les efforts des banques centrales, qui cherchent à emprunter à l’avenir pour dissimuler l’absence de croissance d’aujourd’hui, ne suffiront pas à cacher indéfiniment la non-remboursabilité des sommes empruntées. Et la vengeance que nous réserve l’avenir est claire : il nous prouvera que la richesse en laquelle nous croyons n’existe pas – notamment celle représentée par les devises, les actions, les obligations et autres instruments éphémères imaginés en tant que véhicules d’accumulation de capital. Les actions ne valent pas ce qu’elles prétendent valoir. Les obligations ne seront jamais remboursées. Les devises ne sont pas des valeurs de réserve.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Lentement d’abord.

Et puis tout d’un coup.

Nous entrerons bientôt en collision avec ces malheureuses réalités, qui coïncident parfaitement avec les vecteurs déplorables des politiques nationales qui ne sont autres que les conséquences de l’inertie de l’échelle à laquelle nous avons organisés la vie de tous les jours. Trump, convaincu de sa propre brillance, ne sait rien, et porte son intolérance à la manière d’une médaille d’honneur. Clinton incarne littéralement l’horreur de ces conséquences qui attendent de nous sauter au visage – et l’idée que tout continuera d’aller pour le mieux si elle parvenait à la Maison blanche. Quand ces deux gargouilles se feront face dans l’arène des débats la semaine prochaine, nous n’entendrons rien de la réorganisation de la vie courante.

Mais il existe une synergie évidente entre la mauvaise gestion de notre monnaie et la mauvaise gestion de la politique. Les deux ont la capacité d’amplifier les conséquences de l’autre. La terrible atmosphère qui plane au-dessus de cette saison d’élections dépravée suffira à mettre à genoux les marchés et les banques. Et les marchés et les banques sont suffisamment instables pour affecter les élections.

Tout au long de l’Histoire, les élites ont fini par tomber. Ne vous demandez-vous jamais comment les deux institutions anciennes que sont les partis démocrate et républicain ont pu cracher de tels énergumènes ? Méritent-elles encore d’exister ? Et que se passera-t-il quand elles partiront en fumée, avec les revenus et l’épargne du public ?

Les généraux entreront en scène.

 

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé, une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde fonctionnera de manière décentralisée et local.
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Absurde , la croissance n'a aucune limite sauf celle qu'impose les Etats !
Le social tue le social car il tue l'économie et la production sur lesquelles justement est fonde le social !
2 rats qui s'étranglent jusqu'a en crever .

Pour rappel , l'axiome comme quoi "nous avons des ressources limitees" est parfaitement faux , elles sont illimitées, nous exploitons au mieux la superficie de notre planète or celle-ci est ronde avec un diamètre de 13 000 km

En partant de ce principe les dettes sont cumulables a l'infini et echelonnables a l'infini .
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Bon article, eh oui les généraux ou des politiciens qui essaieront de prendre le pouvoir, ou l'alliance des deux, ou des nations étrangères qui agiront via ces généraux. Ou la plèbe.
Le declin est certes ineluctable et notre civilisation moribonde, mais ça ne concerne pas la planète entière. Des puissances, les brics notamment ont la tête sur les épaules et n'attendent que la chute de l'aigle pour dévorer son cadavre. C'est pourquoi ils achètent de l'or. Tout le monde attend la fin des usa dont le déclin est toujours plus rapide, mais personne ne sait si ce sera violent ou non, la est toute la question
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Cet article exprime magistralement le lent et imperceptible déclin quotidien et l'impression que plus personne ne maitrise quoi que ce soit, que l'humanité a perdu le fil de son destin.
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Magistral....!!
James vous êtes juste là où il faut et vous pensez exactement ce qui à terme va arriver.
Mais presque personne ne s'intéresse à cela. Cette civilisation disparaîtra comme à l'époque celle des Mayas.
Mais avant ce sera peut-être dans un bain de sang....
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Absurde , la croissance n'a aucune limite sauf celle qu'impose les Etats ! Le social tue le social car il tue l'économie et la production sur lesquelles justement est fonde le social ! 2 rats qui s'étranglent jusqu'a en crever . Pour rappel , l'axiom  Read more
delicheres - 9/22/2016 at 3:52 PM GMT
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