Il devrait être évident, même
aux yeux d’un observateur non-initié âgé d’à peine neuf ans, que la campagne
électorale qui se joue aujourd’hui aux Etats-Unis se soit tiré dans le pied
toute seule, sans même l’assistance d’une entité extérieure. Les deux partis
majeurs n’auraient pas pu trouver pires candidats, et la bataille qu’ils se
mènent est désormais devenue le spectacle le plus sordide de l’histoire
électorale du pays.
Bien évidemment, les rumeurs
quant aux piratages dont se trouve accusée la Russie émanent directement de
services de renseignement contrôlés par un établissement démocrate désespéré
de préserver ses privilèges (sachez que j’écris ces mots en tant que membre,
bien que désabusé, du parti démocrate). Les emails du directeur de campagne
de Clinton, John Podesta, et ceux d’autres personnages qui l’entourent, nous
exposent un véritable historique de mensonges tactiques, un désir jubilatoire
de mentir au public, et une absence totale de considération pour l’opinion du
monde, qui déjà très mauvaise. Et le dérapage que nous a offert Trump
pourrait difficilement être amélioré par l’implication de puissances
étrangères. Le système politique est en train d’imploser.
Pour moi, les systèmes
politiques sont des phénomènes émergents dont l’objectif principal est de maintenir
à tout prix leur contrôle sur les agences de pouvoir. Il est donc tout à fait
naturel pour un parti de se battre pour sa propre survie. Mais cette bataille
que se mènent les partis américains prouve aussi de leur manque de légitimité.
Il suffirait de très peu pour faire basculer le système par-dessus bord et
voir plonger le pays dans une guerre civile plus déconcertante et insoluble
que celle que nous avons traversée dans les années 1860.
Les évènements et les
circonstances forcent les Etats-Unis vers la folie. Littéralement. Nous ne
pouvons pas établir de consensus concernant ce qui nous arrive aujourd’hui,
et ne pouvons donc pas former de plan cohérent pour y remédier. Notre
problème principal est que notre dette a désormais dépassé notre capacité à
générer suffisamment de capital pour la rembourser, et nos tentatives de le
contourner au travers de la fraude de la Réserve fédérale ne font qu’aggraver
la situation de jour en jour et d’heure en heure. Et le tout ne fait qu’affaiblir
le moral et le niveau de vie national, tout en nous forçant vers une crise
que j’ai il y a un certain temps déjà baptisée la Longue urgence.
J’ai du mal à croire que la
Russie puisse tirer quoi que ce soit de bénéfique de voir les Etats-Unis
devenir le taureau fou de l’effondrement de l’économie globale. La
diabolisation de la Russie ne semble en réalité qu’être la projection des
insécurités et des contradictions de notre propre pays. Nous semblons par
exemple penser que maintenir la Syrie déstabilisée est préférable à la
restauration de l’ordre dans la région par son gouvernement légitime. La
Russie tente de soutenir le gouvernement d’Assad alors que nous faisons tout
notre possible pour garder interminablement toute une variété d’opposants en
état de guerre. Les politiques des Etats-Unis en Syrie ont été tout aussi
incohérentes que tragiques pour les Syriens.
Les Russes sont restés sur le
banc de touche quand les Etats-Unis ont détruit l’Irak, l’Afghanistan et la
Libye. Nous leur avons montré que plonger des nations souveraines dans le
chaos civique n’est pas le meilleur moyen de résoudre les tensions
géopolitiques. Pourquoi serait-il une si mauvaise chose pour les Etats-Unis
de ne pas intervenir en Syrie et d’attendre de voir si les Russes pourront la
sauver de l’échec ? Parce que la Russie pourrait y établir une base
navale ? Nous avons des bases tout autour du monde.
Il est assez facile de comprendre
pourquoi les Russes semblent inquiets quant aux intentions des Américains.
Nous avons eu recours à l’OTAN pour effectuer des exercices militaires menaçants
sur la frontière de leur pays. Nous avons provoqué l’Ukraine – anciennement
province de l’Etat soviétique. Nous en avons fait un Etat déchu, pour
finalement nous plaindre de l’annexe de la Crimée par la Russie – la Crimée
ayant aussi été un territoire de la Russie soviétique et impériale des
siècles durant. Nous avons imposé des sanctions à la Russie, et avons rendu
très difficile pour les Russes de participer au système bancaire et au
commerce international.
Je trouve assez comiques ceux
qui s’offusquent à l’idée que la Russie ait recours à internet pour se mêler
de nos affaires – comme si les Etats-Unis ne menait pas de cyberguerre et
autres opérations contre les Russes (et bien d’autres, n’oublions pas ce qui
est arrivé au téléphone d’Angela Merkel). Flash info : tous les pays qui
ont accès à internet sont engagés les uns contre les autres dans une course
contre la montre de piratage informatique. Tout le monde s’y adonne. C’est
peut-être là une projection de l’hystérie américaine pour le harcèlement
sexuel. Nous nous pensons être les victimes très spéciales de cette activité
universelle.