Pourquoi les billets qui se
trouvent dans vos poches valent-ils quoi que ce soit ? Selon certains
experts, ces billets ont de la valeur parce que le gouvernement au pouvoir en
a décidé ainsi. D’autres sont d’avis que s’ils ont de la valeur, c’est parce
que les gens les acceptent comme moyen de paiement.
Dire que la valeur de la monnaie
dépend d’un gouvernement ou de conventions sociales est absolument insensé. A
vrai dire, ce que déclarent ici les experts, c’est que la monnaie a de la
valeur parce qu’elle est acceptée. Mais pourquoi est-elle acceptée ?
Parce qu’elle l’est…
La différence entre la monnaie
et les autres biens
La demande en biens découle de
leurs bénéfices perçus. Par exemple, les gens demandent de la nourriture
parce qu’elle leur permet de se nourrir. Pour ce qui concerne la monnaie, les
gens en demandent non pas pour leur consommation directe, mais afin de l’échanger
contre d’autres biens et services. La monnaie n’est pas utile en soi, mais
uniquement parce qu’elle a une valeur d’échange ; elle est échangeable
en termes d’autres biens et services. La monnaie fait l’objet d’une demande
parce qu’elle fournit un bénéfice sous la forme de son pouvoir d’achat (ou
son prix).
Pour qu’un bien puisse être
accepté comme monnaie, il doit avoir un pouvoir d’achat préexistant. Comment
quelque chose que le gouvernement déclare avoir une valeur d’échange peut-il
obtenir un tel pouvoir d’achat ou prix ?
Nous savons que la loi de l’offre
et de la demande justifie le prix d’un produit. De la même manière, cette loi
justifie le prix de la monnaie. Mais cette façon de voir les choses pose
problème, parce que la demande en monnaie naît de son pouvoir d’achat (ou de
son prix). Si la demande en monnaie dépend de son prix préexistant, ou de son
pouvoir d’achat, comment son prix peut-il être expliqué par la demande ?
Nous sommes pris dans un piège
circulaire, dans lequel le pouvoir d’achat de la monnaie est expliqué par la
demande en monnaie, alors que cette demande est expliquée par son pouvoir d’achat.
Cette circularité semble apporter du crédit à l’idée selon laquelle l’utilisation
de la monnaie est la conséquence d’un décret gouvernemental et de conventions
sociales.
Mises nous explique comment est
établie la valeur de la monnaie
Dans ses écrits, Mises nous
explique comment la monnaie en est venue à être acceptée.1 Il
commence son analyse en notant que la demande en monnaie d’aujourd’hui est
déterminée par son pouvoir d’achat d’hier. En conséquence, pour une offre
donnée de monnaie, la demande en monnaie d’hier a été déterminée par son
pouvoir d’achat du jour précédent.
La même règle s’applique à n’importe
quelle autre période passée.
En remontant ainsi dans le
temps, nous en arrivons éventuellement au moment où la monnaie n’était qu’une
marchandise ordinaire, et où l’offre et la demande en déterminaient le prix. Cette
marchandise avait une valeur d’échange en termes d’autres marchandises, c’est-à-dire
que sa valeur d’échange était déterminée par le troc. Pour dire les choses simplement,
le jour où une marchandise devient monnaie, elle dispose déjà d’un pouvoir d’achat
ou d’un prix en termes d’autres biens. Ce pouvoir d’achat nous permet d’établir
une demande pour cette marchandise en tant que monnaie.
Pour une offre monétaire donnée,
le pouvoir d’achat de cette marchandise est déterminé le jour où elle
commence à circuler en tant que monnaie. Une fois le prix de cette monnaie
fixé, il est utilisé pour en déterminer le prix le jour suivant. Sans aucune
information relative au prix de la monnaie d’hier, le pouvoir d’achat d’une
monnaie ne peut pas être établi aujourd’hui.
Pour ce qui concerne les autres
biens et services, l’Histoire ne nous doit pas de justifier les prix actuels.
Une demande en biens naît des bénéfices perçus de leur consommation. Or, les
bénéfices fournis par la monnaie sont qu’elle puisse être échangée contre des
biens et services. En conséquence, il nous est nécessaire de connaître le
pouvoir d’achat passé d’une monnaie pour en établir la demande actuelle.
Selon l’explication de Mises,
aussi connue sous le nom de théorème de régression, nous pouvons en dire qu’il
est impossible pour la monnaie d’apparaître en conséquence d’un décret
gouvernemental ou de conventions sociales. Ce théorème infère que la monnaie
émerge toujours en tant que marchandise.
Voici ce que nous en dit
Rothbard :
Contrairement aux biens
consommés directement, la monnaie doit avoir un prix préétabli sur lequel
baser la demande. Mais la seule manière d’obtenir un tel prix est de
commencer par utiliser une marchandise utile dans le cadre d’opérations de
troc, puis d’ajouter une demande en moyen d’échange à la demande de
consommation directe préexistante. Ainsi, le gouvernement ne peut pas créer
de monnaie pour son économie. La monnaie ne peut qu’être développée par le
processus de marché libre.
Mais comment ce que nous avons
vu jusqu’ici peut-il être appliqué au dollar ? A l’origine, la monnaie
papier n’était pas perçue comme une monnaie, mais comme représentant de l’or.
Des certificats papiers ont longtemps représenté de l’or déposé dans les
coffres des banques. Les propriétaires de ces certificats pouvaient les
échanger contre de l’or sur simple demande. Parce que les gens trouvaient
plus utile d’utiliser des certificats papiers pour se procurer des biens et
services, ils ont fini par être perçus comme de la monnaie.
Ces certificats ont tiré leur
pouvoir d’achat de l’or qu’ils représentaient. Notez que selon le théorème de
régression, une fois que le pouvoir d’achat d’un certificat est établi, ce
dernier peut fonctionner en tant que monnaie quel que soit le rôle de l’or,
parce qu’une demande en monnaie peut être établie. Souvenez-vous que la
demande en monnaie dépend du pouvoir d’achat de cette monnaie.
Les certificats papiers qui sont
acceptés comme moyens d’échange ouvrent la porte à des pratiques
frauduleuses. Les banques peuvent se trouver tentées de stimuler leurs
profits en prêtant des certificats qui ne sont pas garantis par l’or.
Dans une économie de marché
libre, une banque qui émet trop de certificats papiers voit rapidement la
valeur d’échange de ses certificats décliner en termes de biens et services.
Pour protéger leur pouvoir d’achat, les propriétaires de ces certificats
tentent de les convertir en or. S’ils demandent tous leur or en même temps,
la banque émettrice se retrouve vite en banqueroute. Au sein d’un marché
libre, la menace de banqueroute empêche les banques d’émettre des certificats
papiers non-garantis par de l’or.
Le gouvernement peut, en
revanche, contourner la discipline du marché libre. Il peut émettre un décret
qui rend légal pour une banque émettrice de ne pas échanger ses certificats
contre de l’or. Une fois les banques autorisées à émettre des certificats
non-garantis, les opportunités de profits qui en découlent poussent les
banques à poursuivre l’expansion de l’offre de certificats papiers. Cette
expansion incontrôlée multiplie les chances de voir se développer une hausse
des prix des biens et services, susceptible de faire s’effondrer l’économie
de marché.
Pour empêcher un tel
effondrement, l’offre de monnaie papier doit être contrôlée. L’objectif
premier de cette gestion de l’offre monétaire est d’empêcher les banques en
compétition d’émettre trop de certificats papiers et de se plonger
mutuellement en situation de faillite. Cet objectif peut être atteint par l’établissement
d’une banque monopolistique – une banque centrale – responsable de la gestion
de l’expansion de la monnaie papier.
Pour établir son autorité, cette
banque centrale introduit ses propres certificats papiers, qui viennent
remplacer ceux émis par les autres banques. Le pouvoir d’achat de la monnaie
de cette banque centrale est déterminé grâce à celui des autres certificats
papiers, qui tirent eux-mêmes leur pouvoir d’achat de leur lien historique
avec l’or. Les certificats de la banque centrale sont garantis par les certificats
des banques, qui sont historiquement liés à l’or.
C’est seulement en raison de
leur lien historique avec l’or que les morceaux de papier imprimés par les
banques centrales ont aujourd’hui de la valeur.
Contrairement à ce que beaucoup
pensent, la valeur du dollar papier tire ses origines de l’utilisation d’une
marchandise comme monnaie – qui se trouve être l’or – et non d’un décret
gouvernemental ou de conventions sociales. La monnaie fiduciaire que nous
utilisons aujourd’hui ne pourrait pas apparaître naturellement sur le marché.
Ce que le marché a créé – une devise garantie par l’or – a été détruit par le
gouvernement pour être remplacé par une monnaie papier dont la valeur en tant
que devise dépend des pratiques de la banque centrale.
- 1.
Ludwig von Mises. 1998. Human Action, éditions
Scholars. Chapitre 17.