Il existe
certains liens entre économie et psychologie. Ainsi, des psychologues
de renom ont pu s’intéresser au phénomène
marchand. C’est le cas de Peter H. Lindsay et de Donald A. Norman qui
ont écrit un ouvrage volumineux en cette discipline, intitulé Traitement de l’information et
comportement humain. Y est décrit le processus de « marchandage »
sous un angle psychologique – même si cette approche ne
diffère pas de celle de l’analyse économique classique. Ils
définissent ledit processus comme étant « à
la fois compétitif et coopératif ».
Compétitif, disent-ils, « parce que deux opposants –
un acheteur et un vendeur – veulent maximiser leurs propres profits par
la négociation ».
On peut
regretter l’emploi du terme « opposants », sans
doute un peu exagéré. Mais il est vrai que chaque partie
à l’échange va penser, avant tout, à
défendre ses propres intérêts, et que,
nécessairement, les intérêts du vendeur et de
l’acheteur vont quelque peu s’opposer.
Toutefois, si
les parties décident – bien que chacune sera toujours un peu
insatisfaite de l’accord trouvé – de procéder
à l’échange, c’est qu’elles y trouvent
mutuellement leur compte et que la situation
« post-contrat » est préférable pour eux
à la situation « ante-contrat ».
Il serait
évidemment naïf de dire que tout échange
s’avère toujours bénéfique pour l’un ou pour
l’autre. Souvent, une des parties regrettera amèrement
d’avoir conclu une transaction. Quelquefois, dans des cas
extrêmes, le consentement aura pu être arraché de
façon dolosive – à savoir par la tromperie – voire
violente. En l’espèce, il conviendra alors d’annuler le
contrat et même, d’accorder des dommages-intérêts
à la victime de telles manœuvres.
Dans
d’autres cas malgré l’inexistence d’erreur, de dol
ou de violence viciant le consentement, une partie peut quand même
être amenée à se dire qu’elle n’aurait jamais
dû signer le contrat en cause. Par exemple, un acquéreur aura acheté
une maison dont la valeur baisse soudainement ou, vice-versa, un vendeur se
mordra les doigts d’avoir cédé son bien immobilier dont
il ne pouvait pas imaginer la prise de valeur. Mais c’est là
qu’intervient l’incertitude. Peter H. Lindsay et Donald A. Norman
évoquent ce phénomène de façon implicite :
« Dans une situation de marchandage, chaque participant ne
possède que des connaissances partielles de la situation : aucun
des deux participants ne connaît la table de profits de
l’autre. ».
Cette
définition de l’incertitude est incomplète. Il ne suffit
pas d’additionner les connaissances du vendeur et de l’acheteur
pour obtenir une connaissance parfaite de la situation. Même si les
deux parties se décidaient à échanger entièrement
toutes les informations dont elles disposent sur l’objet du contrat,
une grande part d’incertitude continuerait à planer sur elles.
L’école
autrichienne d’économie est sans doute le courant ayant le mieux
défini ce qu’est l’incertitude, lui trouvant même
des vertus insoupçonnables. Ludwig von Mises
s’exprima en ces termes, à son propos :
« L’action tend toujours vers des états de choses
futurs et par conséquent, incertains, elle est ainsi toujours une
spéculation. L’homme en agissant regarde pour ainsi dire
l’avenir avec des yeux d’historiens. ».
En ces temps
critiques pour la finance, le terme
« spéculation » pourrait paraître malvenu.
Toutefois, Mises a surtout voulu montrer que toute
action humaine comportait des risques. Il est utopique de vouloir supprimer
le risque. Les penseurs de gauche, favorables à la suppression de la
spéculation, se drapent dans une utopie peu souhaitable. Ceux,
un peu plus réalistes, qui se contentent d’appeler à une
réglementation plus poussée pour prévenir les effets
pervers de la spéculation, omettent le fait que la
réglementation cause des problèmes encore plus
importants et insoupçonnés que ceux qu’elle est
censée résoudre.
Pour en
revenir à l’ouvrage de Lindsay et Norman, ces auteurs ont aussi
le mérite de reconnaître le côté coopératif
de l’échange dans le sens où les deux parties à
l’échange communiqueront en vue de parvenir à un accord.
On pourra néanmoins regretter que Lindsay et Norman succombent
à cette antienne marxiste selon laquelle l’échange est
toujours défavorable à une des parties.
Les ponts
entre économie et psychologie sont nombreux. Le règne du
paradigme néo-classique, en économie, a pu nous faire douter de
ces liens, ledit courant néo-classique ayant eu la triste tendance de
mettre de côté la psychologie humaine.
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