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Le
phénomène de fixation des schémas mentaux est dû
à l’action des spécialistes des politiques
publiques : les hauts fonctionnaires. Véritables communautés
de production et diffusion de connaissances[1],
ces élites sont à la base de la dépendance au sentier.
Aussi, le poids de la structure bureaucratique est décisif dans la
constitution des politiques publiques.
Des chercheurs
ont investigué les réalités de la dépendance au
sentier, et se sont intéressés à des cas historiques
passionnants.
Le chercheur
en science politique de Harvard Peter Hall a ainsi mené une
étude sur la diffusion, dans différents pays occidentaux, des
théories keynésiennes. Son constat est sans appel :
celles-ci se répandirent bien mieux dans les administrations disposant
de structures institutionnelles ouvertes, c’est-à-dire largement
perméables en termes d’idées et de mobilité des
individus aux expertises externes (universitaires, think
tanks, intellectuels, etc.).
Dans une étude comparant la
France avec le Royaume-Uni, il a aussi démontré que « En arrivant au pouvoir, chaque
gouvernement, même radical, hérite d’un appareil
institutionnel qui a été construit par un réseau de
configurations sociétales qui sont déterminées par l’histoire.
Les structures de pouvoir et la rationalité implicite dans ces
configurations institutionnalisées de relations peuvent avoir un
impact profond sur la capacité du gouvernement à formuler et
à mettre en œuvre des politiques innovantes».
Pour lui, les changements au sein des politiques
publiques peuvent être de 3 ordres différents :
-
Ceux de premier ordre. Petites
modifications institutionnelles voire techniques, elles sont
réalisées dans un contexte au sein duquel les élus ne
sont pas très autonomes vis-à-vis de leur administration, et
disposent d’un pouvoir limité ;
-
Ceux de second ordre. Les changements
concernent ici les outils de politiques publiques, ce qui a un impact
déjà plus fort. Mais cela, sans influer véritablement sur la
hiérarchie des politiques publiques menées, et sur le paradigme
institutionnel ;
-
Ceux de troisième ordre. Il
s’agit ici d’évolutions majeures, dont l’impact est
majeur et qui se concrétisent par un changement de mode de
pensée, une nouvelle hiérarchie de valeur pour les agents en
place. Cela est le cas, par exemple, avec le passage du keynésianisme
au monétarisme au Royaume-Uni pendant les années Thatcher.
L’historien Angus Burgin a, quant à lui, travaillé –
entre autres – sur la révolution reaganienne, et
l’institutionnalisation des idées libérales dans les
politiques publiques de l’État fédéral
américain. Ses conclusions recouvrent assez largement celles de Hall,
en ce sens que sans une administration et organisation institutionnelle
particulièrement ouverte comme ce fut le cas aux États-Unis,
une telle diffusion des idées n’aurait pas été
possible.
Dans ce cas précis, l’héritage
du spoil system est particulièrement
important. A travers le transfert de milliers d’experts de la
société civile vers des postes de haut niveau au sein de la
nouvelle administration présidentielle, ce phénomène a
permis un véritable changement de spectre idéologique.
L’épistémologue
Thomas Kuhn estimait pour sa part que les changements radicaux en termes de politiques
publiques était comparable à celle des sciences
« dures », à ceci près que les
déterminants seraient avant tout sociologiques[4].
Changer de représentation du monde dépendrait avant tout de
l’identité des experts et des hommes politiques, et de leur
position hiérarchique et institutionnelle.
L’ensemble
des travaux des politologues spécialistes de la dépendance au
sentier, tout autant que ceux menés par des chercheurs dans
d’autres disciplines, permettent d’affirmer que plus un pouvoir
– qu’il soit politique, managérial, scientifique,
militaire, etc. – est centralisé, peu à
l’écoute des avis extérieurs, et structuré, moins nombreux et profonds seront les
changements..
Plus précisément, nous
concluons que la mise en place de changements profonds de politiques
n’est rendue possible que par 2 éléments :
l’arrivée massive aux meilleurs échelons de
l’administration d’individus amenant avec eux la vision
construite de la « nouvelle vision du monde » (ils
formeront entre autres les ressources de base pour le nouvel apprentissage
social), et la mise en place de mécanismes institutionnels à
même d’ouvrir au maximum les administrations aux influences
extérieures, et aux idées nouvelles.
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