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A chaque épisode de crise budgétaire, le
thème de l'augmentation des impôts pesant sur les plus riches
revient en force.
A tel point que certains riches demandent à ce que l'on augmente leurs
impôts. Comme si l'état pouvait faire de cet argent un meilleur
usage qu'eux-mêmes... Bon, il y a certainement une grosse part
d'hypocrisie dans l'expression d'amour de l'impôt de certains d'entre
eux, mais cela donne du crédit à ceux qui, parmi les politiciens,
prétendent qu'il "suffirait de faire payer les riches" pour,
comme par magie, redresser les comptes de la nation, "sauver" les
retraites, etc...
Cette affirmation ne résiste pas à un examen sommaire. Et comme
le thème est récurrent, je me contenterai de recycler un
article déjà paru ici même il y a 18 mois, centré
sur la France (le problème est à peu près le même
aux USA, d'où est repartie l'idée). A quelques mots
près, ce qui suit est donc du recyclage : c'est tendance !
Les riches paient déjà !
L'INSEE livre une étude statistique des plus hauts revenus en 2007.
Les ordres de grandeur n'ont pas beaucoup évolué depuis, ils
peuvent servir de base à la réflexion.
L'étude est difficilement exploitable seule, car elle moyenne les
revenus par "unité de consommation(1)" selon la définition
de l'INSEE, ce qui ne facilite pas les comparaisons, et non par personne dans
le foyer, mais en la croisant avec les statistiques des déclarations
de revenu de la même année, publiées par le
ministère du budget, j'ai pu tirer le tableau suivant avec quelques
arrondis grossiers, les pourcentages des colonnes en italique sont à
+/-10% près (un pourcentage indiqué à 8% se situera
entre 7,2 et 8,8).
* Tous revenus confondus, 2007
** Mon estimation du nombre de déclarants peut être
faussée par des doubles comptes que je n'ai pas les moyens de
détecter. Environ 48 millions de déclarants individuels, dont
25 millions déclarant en couple. Voir également note (1) en bas
de page.
*** précaution de lecture : les moyennes d'une ligne
"incluent" les gens des lignes situées en dessous. Les
lignes ne s'additionnent donc pas.
A noter : produit fiscal IRPP 2007 # 49 Mds€, total des revenus
déclarés, environ 820 Mds€, mais il s'agit du revenu
"fiscal de référence" - incluant certaines
déductions- qui n'est pas le revenu exact. Les chiffres sur le site de
Bercy, qu'il faut additionner soi-même à la main, donnent
plutôt 870Mds.
Quelques remarques
Tout d'abord, savoir que le seuil pour appartenir aux 10% des meilleurs
revenus est de 3 000 Euros par mois en dit long sur la nullité des
salaires, et la platitude de leur échelle, dans ce pays. Et que le
seuil des 1% se situe à 7000 Euros par mois prouve qu'à
l'évidence, la France n'est pas un pays ou beaucoup peuvent
s'enrichir. Et c'est très dommage, car les enrichis sont un bon
indicateur du dynamisme de l'économie : des entrepreneurs et cadres
supérieurs riches en grand nombre indiquent qu'il y a plus
d'entreprises qui marchent, et donc plus de cadres moyens, plus
d'employés très qualifiés, de commerciaux bien
commissionnés, etc...
Ensuite, s'il est connu que seuls 50% des ménages (environ) paient la
totalité l'impôt sur le revenu, le fait que les 10% les mieux
dotés en paient à eux seuls 47% (soit 4,7 fois plus que leur
part de la population adulte), ou que les 4800 super-riches paient 3,1% du
total, soit 310 fois plus que leur part de la population, montre que
l'impôt sur le revenu est extrêmement progressif. Et encore les
chiffres ci-dessus ne concernent que l'IRPP et donc n'incluent pas l'ISF.
Notez au passage que les "0,01%" (super-riches) réussissent
à ne pas augmenter leur pression fiscale moyenne par rapport aux
"0,1%" (très-riches) : Les niches fiscales leur sont
certainement très familières...
Un matraquage fiscal supplémentaire des "riches" ne
rapporterait rien
Enfin, si on doublait l'imposition des 10% les plus riches (soit toute
personne à plus de 36000 Euros/an... ce qui donne une
définition particulièrement basse de la "richesse"),
ce qui serait énorme, en supposant que miraculeusement, aucun d'entre
eux ne partirait de France ou ne diminuerait son revenu malgré ce
matraquage, le surcroît de produit fiscal serait de 23 milliards, soit
à peine plus de 1,1% du PIB. Notre déficit 2011 devrait tourner
autour de 110 (6%), après 150 en 2010 (8%) et les prochaines
années verront les déficits de l'assurance vieillesse exploser
bien au-delà de ce niveau si rien de significatif n'est entrepris pour
arrêter l'hémorragie.
On voit donc que même dans le cas "idéal" totalement
utopique où l'augmentation de pression fiscale n'inciterait pas les
plus aisés à échapper à tout prix au fisc, faire
payer les riches ne ferait rentrer dans les caisses que 1/6 ème du déficit actuel de l'état,
où même uniquement la moitié des déficits constatés
avant la crise : "faire payer les riches" ne résout rien.
Mais surtout, l'effet "Laffer",
déjà largement commenté, et empiriquement souvent
vérifié jouerait de façon négative dans ce cas.
Même un chercheur peu suspect de sympathies libérales comme Thomas
Piketty reconnait qu'une hausse des taux marginaux supérieure à
10% sur les très hauts revenus provoquerait un effet Laffer négatif (exode fiscal, moindre
appétence au travail rentable) tel que le surcroît de
rentrées fiscales résultant serait au mieux très
décevant, au pire... Négatif. Des recherches
indépendantes ont montré que l'ISF coûte sans doute 4
à 8 fois plus que ce qu'il rapporte à cause de tous les
impôts non perçus sur les revenus des capitaux
délocalisés à l'étranger depuis son instauration.
Enfin, à long terme, des taux marginaux trop élevés
tueraient tout espoir de croissance en décourageant l'investissement
productif, l'esprit d'entreprise et la formation de capital. Il y aurait
moins de très riches, mais aussi et surtout moins de "petits"
riches, alors qu'une société fonctionnelle devrait au contraire
donner au plus grand nombre la possibilité d'atteindre une certaine
aisance matérielle. Et une société qui encourage
l'égalité dans la médiocrité n'est en rien
préférable à une société permettant un bon
espoir d'élévation individuelle au fur et à mesure que
la vie avance.
Notre classe politique doit cesser de considérer celui qui s'enrichit
comme un accapareur à qui il faut faire rendre gorge, mais un
symptôme de réussite dont la multiplication est non seulement un
signe, mais une condition sine qua non de bonne santé
économique et d'harmonie sociale. Punir le succès est le plus
sûr chemin vers une société de la
médiocrité.
Conclusion
"Faire payer" les plus riches (2) plus qu'ils ne le font
déjà ne permettra pas de résoudre nos
déséquilibres budgétaires, et accentuera à long
terme des effets tout à fait désastreux déjà
observables pour l'économie de ce pays, à commencer par un
exode massif des meilleurs diplômés, les plus mobiles, qui
manqueront cruellement pour apporter au pays le sang neuf et les gains de
productivité dont il a tant besoin.
Vincent
Bénard
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