Je reviens brièvement sur mon
poisson d'avril de cette année. Oui, je sais,
beaucoup auraient voulu que ce soit vrai, cette histoire de plateforme
bancaire de mise en relation directe de prêteurs et d'emprunteurs avec
services bancaires associés. L'embryon de ces banques de demain existe
grâce aux sites de Peer To Peer Lending, cités dans l'article.
Mais le concept pourrait être poussé bien plus loin.
Et je prend le pari que cette banque là (avec d'autres innovations
auxquelles je n'aurai pas pensé) existera bien plus vite que ne le voudraient
les grands réseaux traditionnels.
Essayons
d'imaginer le futur... Un futur encore bien traditionnel, ceci dit.
---------
2000 : Monsieur
X. a besoin d'emprunter 50 000 Euros pour monter l'entreprise qui va
déchirer. Il va voir sa banque, propose son projet, apporte des
garanties, la banque lui prête après de longues palabres 30 000
Euros à 9%.
2009 :
Monsieur X. a besoin d'emprunter 75 000 Euros (l'inflation...). Il se rend
sur Prosper.com et lance son projet. une dizaines de prêteurs lui prêtent
chacun une partie de la somme (sans se concerter), pour le bon total,
à 8-9%.
2012, banque
G-bank: Idem. Monsieur X. émet des obligations aux
enchères inversées, soit 1000 coupons de 75 euros chacun.Toute
la "tuyauterie" est assurée par G-Bank, il a monté
son opération en 30 minutes et quelques clics. Un nombre
d'investisseurs qu'il ne connait pas achète des coupons.
Monsieur X. paie 7,0% car il est très bien noté - Il en est
à son troisième emprunt sans anicroche), les investisseurs sont
rémunérés 6,7% sans assurance défaut (marge
d'intermédiation de 0,2% - taxes 0,1% ).
2013: les coupons
des Monsieur X. peinent à trouver preneur à un prix
abordable car la conjoncture est difficile, le taux exigé par les
investisseurs en direct monte à 7,5%. Mais des pooleurs de prêts
vont faire de la titrisation en ligne et réunir les coupons de
Monsieur X. et ceux de 1000 autres emprunteurs dans un fond émettant
lui même des bons au paiement garanti. La mutualisation des risques
permet de faire descendre le prix demandé par les investisseurs
à 6,0%. Le pooleur prend 0,4% d'intermédiation, G-Bank monte sa
marge à 0,3%, plus les 0,1% de taxes. Coût total
pour Monsieur X.: 6,8% au lieu de 7,5% !
Mieux encore,
comme le prêt de Monsieur X est titrisé, G-Bank peut se
permettre de proposer des CDS à prix attractifs sur les obligations
émises par le fond de titrisation. Les investisseurs qui veulent une
sécurité maximale se rémunèreront donc à
4,5-5%.
2014 :
Monsieur X. lance une première augmentation de capital sur la
plateforme et obtient 200 000 euros demandés pour une dilution de
seulement 10% de son capital (sa
PME, "Objectif Liberté Media", OLM, marche du feu de
dieu) en moins de trois jours. Moins de 1% de commission par
G-Bank. les actions OLM sont cotée de gré à gré
sur la plateforme à des coûts ridicules, le tout avec une
sécurité juridique de premier ordre. Inutile de dire qu'une PME
de sa taille n'aurait jamais pu espérer rentrer sur une bourse traditionnelle.
Nyse-Euronext annonce une hémorragie de clients et est au bord du
dépôt de bilan.
2020 : la PME a
grossi, l'actionariat est désormais très large, le flottant
représente plus de 80% de la capitalisation boursière. Un
certain Silvère T. lance via la plateforme une OPA hostile sur
OLM.
Silvère T.
n'en est pas à son coup d'essai. Cet ancien ingénieur
informatique émigré en Floride s'est fait la
spécialité de recruter dans son réseau social financier
des investisseurs raiders qui ciblent des boites mal gérées ou
des start ups qui ont grandi trop vite. Il monte des financements express sur
la plate forme G-bank pour des opérations éclair sur des small
et mid-caps. Son raid sur OLM est son huitième raid réussi sur
10 tentés.
Ceci dit, G-bank a servi à des opérations bien plus
énormes: en 2019, un financier de 30 ans (uniquement connu par son pseudo Twittbook 4.0,
"Warren Jobs") a racheté Microsoft,
l'étoile déchue de Redmond, pour 50 milliards de gold-dollars,
grâce à un pool de raiders monté via G-bank !
Mais revenons
à Monsieur X. Il vend ses 15% d'OLM pour 8 millions et s'empresse de
placer ses pépettes dans une gamme de fonds d'emprunteurs de risque
variables compris entre 5,5% et 8%.
2022 :
Monsieur X. est en partie ruiné par une escroquerie montée par
un certain Matéoff sur la plateforme : Une classique arnaque de Ponzi.
Heureusement, il avait acheté des CDS vendus par G-Bank sur la
moitié de ses obligations, lorsqu'ils n'étaient pas trop chers:
il limite sa perte à 50% de ses investissements. G-bank a
découvert l'escroquerie de Matéoff bien avant qu'elle ne prenne
des proportions tragiques, car des milliers d'internautes l'ont alerté
sur des anomalies comptables du fonds Matéoff. Lorsque G_bank a
annoncé qu'elle suspendait la vente de CDS sur ce fond, celui ci s'est
écroulé, et l'escroquerie est apparue au grand jour.
La SEC, l'AMF et
les agences de notation n'avaient bien sûr rien vu, mais tout le monde
s'en fiche. Cela fait longtemps que ces survivances bureaucratiques
n'intéressent plus les investisseurs.
----------
Bon, cette vision
ne sera sans doute pas traduite telle quelle (surtout en ce qui concerne Ob'Lib' Media !),
mais l'idée est là: permettre à des petits entrepreneurs
ou des particuliers d'accéder aux produits naguère
réservés au "gros" et vendus au prix fort.
Aujourd'hui, de telles plateformes d'intermédiation financière
sont techniquement parfaitement réalisables.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Vincent Bénard est Président de l'institut Hayek
(Bruxelles) et Senior Fellow de Turgot
(Paris), deux thinks tanks francophones dédiés à la
diffusion de la pensée libérale, et sympathisant des deux seuls
partis libéraux français, le PLD et AL.
Publications
:
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec
Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen",
2003, La doc française, avec Pierre de la Cos