Une vidéo circule depuis quelques
jours sur internet. Il s’agit d’une campagne d’Action
contre la Faim
destinée à promouvoir le sens du partage. La campagne prend la
forme d’une expérience, mettant en scène plusieurs
groupes de deux enfants filmés à leur insu, qui se retrouvent
chacun devant une assiette recouverte d’une cloche. Au moment de
soulever la cloche, surprise : une assiette est garnie d’un
sandwich, et l’autre est vide. Sans aucune hésitation, tous les
enfants présentés dans le clip se lancent dans un partage plus
ou moins adroit du sandwich, et en offrent une moitié gentiment
approximative à leur voisin. L’image est touchante, et les
sourires innocents des enfants sont désarmants de candeur et de
gaieté. Puis vient le message : « nous devrions
apprendre ». Apprendre le partage dans la
spontanéité des enfants.
En mettant en
scène ces enfants qui font le choix du partage en toute
liberté, cette vidéo est en réalité un formidable
plaidoyer pour la société libérale, de liberté et
de responsabilité individuelle. Car c’est bien parce qu’il
est volontaire que le don est émouvant. L’expérience
n’aurait pas le moindre intérêt si le partage avait
été fait au préalable, et la nourriture rigoureusement
répartie.
On peut
légitimement tirer la conclusion suivante : c’est en
étant directement et individuellement confronté à la
question du partage que l’enfant va cultiver ce sens du don. Or,
c’est précisément contre l’assèchement de
cette solidarité originelle qu’Action contre la Faim se mobilise. La
campagne est efficace, et on peut penser qu’elle aura un effet direct
sur les dons privés et donc volontaires.
On apprend,
par ailleurs, dans le rapport financier de l’association que la part
des ressources provenant de subventions publiques s’élève
à 54,6%. Or, à la différence des dons privés, les
subventions issues de prélèvements obligatoires pourraient bien
être la cause de cette démision
collective face à la pauvreté que l’association
dénonce. N’est-ce pas effectivement en croyant faire advenir par
la force « une société plus
généreuse » que l’on se retrouve avec des
hommes et des femmes moins généreux ?
La simple
observation des chiffres de la générosité dans le monde
est édifiante. Dans le livre très documenté
« De la culture en Amérique », Frédéric
Martel présente les résultats d’une étude sur
les chiffres de la philanthropie aux Etats-Unis. Si le degré de
générosité était corrélé au niveau
de prélèvement (56,7% du PIB en France en 2009 contre 42,6 aux
Etats-Unis selon l’OCDE),
on devrait logiquement constater un niveau de générosité
considérablement plus élevé en France. On y apprend
qu’en 2005, les Américains ont donné 250 milliards de
dollars pour des opérations philanthropiques, soit 2% de leur PIB.
Pour être aussi généreux, les Français auraient
dû donner 36 milliards d'euros. En fait, ils ont donné dix fois
moins!
La
réalité est sans appel : en pesant aussi lourdement sur
les revenus, l’Etat prive la solidarité spontanée de tout
moyen.
Il faut donc
effectivement réapprendre le don dans les regards et les gestes des
tout petits, mais ne pas se tromper de cible. Tant qu’une association
comme Action contre la Faim
dépendra de l’argent public, elle sera complice de cette
société où notre innocence d’enfant se tarit
à mesure que l’impôt nous déresponsabilise.
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