Lors du
« débat d’entre-deux-tours » de la
primaire socialiste entre François Hollande et Martine Aubry, une
phrase du député de la Corrèze n’a pas retenu
l’attention qu’elle aurait dû.
François
Hollande, après avoir affirmé que l’État grec
n’honorerait jamais ses dettes, a poursuivi en disant qu’il
fallait « punir » ses créanciers.
L’idée
implicite est que la Grèce ne peut pas respecter ses engagements non
pas parce que ses dirigeants publics ont dépensé et
emprunté beaucoup plus qu’ils n’auraient dû, mais
parce que ceux qui ont prêté à l’État grec
(notamment des banques françaises, comme le Crédit agricole, la
BNP ou la Société générale) l’ont fait avec
des taux d’intérêt trop élevés.
Cet argument a
également été avancé à l’occasion de
la sortie des films Cleveland vs. Wall
Street et Inside Job, fin 2010.
Les deux longs métrages insistaient sur les taux
d’intérêt très élevés des hypothèques
« subprime ».
Dans les deux
cas (la crise des subprime et la crise grecque), un appel a donc
été lancé pour que les taux d’intérêt
soient baissés et pour que ceux qui ont prêté à
des taux d’intérêt élevés soient
sanctionnés.
Cela
révèle une incompréhension radicale de ce qu’est
le taux d’intérêt. L’économiste Pascal Salin
aime le qualifier de « prix du temps ». Dans un
système bancaire qui fonctionnerait normalement, la banque
rémunérerait l’épargnant, celui qui renonce pour
un temps à l’utilisation de son argent, avec les
intérêts de l’emprunteur, que ce dernier paierait avec le
gain de l’investissement pour lequel il avait sollicité un
emprunt. Le taux d’intérêt de l’emprunt est
supérieur à celui de l’épargne pour
rémunérer la banque et s’assurer contre le risque
d’un éventuel défaut de l’emprunteur.
Aujourd’hui,
ce fonctionnement sain n’est plus en vigueur. Cependant, et bien que
les deux candidats socialistes prétendent réformer le
système bancaire, aucun ne remet en cause le fait que les banques,
aujourd’hui, prêtent un argent qu’elles n’ont pas
(elles le créent ex nihilo)
à des gens qui ne pourront pas le rembourser, comme
c’étaient les cas de nombreux emprunteurs subprime et
de l’État grec.
Martine Aubry proposait,
pour éviter cette situation, de fixer un taux de 2,5 % pour les
prêts à l’État grec, sans voir l’injustice
d’une telle mesure. Si les taux d’intérêts sur la
dette grecque se sont envolés, c’est parce que les
créanciers de l’État grec ont jugé le risque
d’un défaut de paiement trop élevé et qu’ils
devaient se protéger contre ce risque. L’évolution
à la hausse des credit default swaps (CDS), ces assurances
contre le défaut de paiement, témoigne de ce
phénomène.
Imposer aux
créanciers de l’État grec de lui prêter à un
faible taux, ce serait refuser de prendre en compte l’information que
donne l’évolution des taux d’intérêt
(à savoir la méfiance de ceux qui décident de
prêter leur argent ou celui de leurs clients à la Grèce)
et, une fois le défaut de paiement arrivé, les dépouiller
de leurs prêts.
Puisque le
défaut de paiement de l’État grec est un scénario
plus que probable, ceux qui ont prêté à
l’État grec seront de toute façon floués :
soit en tant que contribuables au nom desquels les États
européens ont prêté, et prêteront encore, à
Athènes; soit en tant que consommateurs et épargnants, avec la
monétisation de la dette grecque par la Banque centrale
européenne, source d’inflation; soit encore en tant que clients
de banques qui pourraient faire faillite et être sauvées par les
États et la BCE, ce qui retombera au final sur les mêmes.
Les socialistes
ne cessent d’invoquer un changement qui se résume pour
l’essentiel à un « more of the same ».
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