JPM en prisons sa suffit
par les tracker de nos usuels suspect.
Pris sur : l'édito des matières premières.
Il est un peu long, mais je le considère extrêmement probant réaliste et bien étayé. Cet article peu probablement aidé certains de nos concitoyens candide à ouvrir les yeux.
Tracker or : entre aberrations, manipulations et coïncidences étranges
Par Yannick Colleu
Le scandale MF Global a été très peu médiatisé…
… en particulier de ce côté de l’Atlantique, bénéficiant sans le vouloir de ce que toutes les caméras et micros de la planète étaient et sont encore aujourd’hui tournés vers l’agonie de l’euro.
Pourtant ce scandale, car c’en est un, mérite toute votre attention. Toute.
Pour faire court :
Le courtier américain MF Global a déposé le bilan fin octobre dernier à la suite de l’annonce des mesures de sauvetage de la Grèce ; le pari que MF Global avait pris sur le dette grecque s’étant révélé mauvais. Rien d’étonnant jusque-là, la vie, même financière est faite de naissances et de décès.
Néanmoins MF Global (1) était aussi membre de la chambre de compensation du Groupe CME (Comex). Une chambre de compensation a un rôle important sur un marché à terme. Non seulement celui-ci est de s’assurer de la solvabilité des acheteurs et des vendeurs mais aussi de gérer les dépôts de produits des vendeurs.
Premier scandale :
La mise en liquidation de MF Global a fait apparaître très rapidement que le courtier avait utilisé environ 20% des fonds et dépôts disponibles sur les comptes de ses clients pour alimenter ses propres opérations soit environ 1,2 milliard de dollars.
Mais selon moi le véritable scandale n’est pas là…
Le vrai scandale se cache ailleurs…
Le vrai scandale se cache dans la façon dont le Groupe CME a géré cette situation. Les engagements de CME sont pourtant clairs dans les textes.
La toute première phrase du document (2) “Garanties financières de la chambre de compensation du CME” commence par cet engagement sans ambiguïté : “La gestion des risques et la surveillance financières sont les principales fonctions du système de garanties financières de la chambre de compensation du CME. Les garanties sont conçues pour offrir le plus haut niveau de sécurité et de la détection la plus précoce possible de pratiques financières infondées. Les garanties visent à protéger et à atténuer les conséquences pour les membres assurant le rôle de compensateurs et leurs clients, des défaillances d’un participant“.
Malgré ces belles paroles le CME a été incapable, non seulement d’anticiper la faillite de MF Global, mais surtout d’assurer à ses clients la parfaite continuité des opérations de marché en se substituant au courtier défaillant. Vous connaissez sans doute la suite :
– Non seulement cette situation a entraîné des liquidations involontaires de positions, et laisse des clients toujours en quête de leurs fonds ;
– Mais surtout elle révèle l’insécurité des marchés à terme ou pour le moins l’insécurité du fait de pratiques occultes et illégales sur le CME.
Intermédiaire = risque
Dans ces conditions les investisseurs, que nous sommes, sont en droit de penser, qu'hormis la détention directe de produits physiques, la présence d’intermédiaires est un véritable risque.
Je pense tout particulièrement au marché des métaux précieux et encore plus précisément à la détention de métaux précieux via ces promesses que constituent les trackers (appelés aussi exchange trading funds ou ETF).
Illustration : vos trackers métaux précieux
Un tracker est une obligation, qui s’échange comme une action sur les marchés financiers, censée représenter un peu de produit physique. L’investisseur ne détient en fait qu’une “promesse” de se faire livrer, s’il le souhaite, l’équivalent en produit physique.
Ainsi le célèbre SPDR Gold Trust (code GLD) offre aux investisseurs la possibilité de détenir via une obligation un dixième d’once d’or. Cet or est acquis ou vendu et détenu par le dépositaire, HSBC en l’occurrence, (qui étonnamment détient par ailleurs une des plus grosses positions vendeuses d’or sur le CME) au fur et à mesure que les lots d’obligations sont mis ou retirés du marché.
Et si le dépositaire…
L’expérience de MF Global a montré de façon magistrale que même avec les plus grands, on pouvait être déçu. Quelle protection auriez-vous si HSBC vendait “votre or” et ne pouvait remplir son obligation de le livrer ?
Bien entendu tout ceci n’est que pure fiction et n’est absolument pas destiné à jeter l’opprobre sur HSBC.
Creusons un peu plus… cela devient très intéressant
Pour avoir la réponse à ma question, il vous suffit d’aller jeter un oeil dans le prospectus du SPDR Gold Trust. Vous y découvrirez que les détenteurs de parts de la fiducie (trust en anglais) “ne bénéficie pas de la protection associée à la propriété des parts dans une société d’investissement enregistrée en vertu de l’Investment Company Act de 1940 ou des protections accordées par le CEA (Commodity Exchange Act ou Loi sur les transactions de matières premières)“.
Vous pensiez être à l’abri ?
Évidemment vous pensiez que cette ligne de SPDR Gold Trust amoureusement constituée dans votre portefeuille était “assurée” par l'Etat contre les malversations, au même titre que vos autres lignes constituées d’actions d’entreprises. Et bien non !
Confiant dans ces intermédiaires qui vous ont vendu ce papier, vous y avez souscrit pour son côté pratique : stocker de l’or physique c’est pas votre truc, et puis une grosse banque ça ne peut pas être malhonnête au point de ne pas faire un geste pour vous si les choses tournaient mal à son insu.
Et malheureusement pour vous…
Malheureusement, un peu plus loin dans le prospectus vous découvrez que : “La fiducie peut ne pas avoir les ressources adéquates si son or est perdu, endommagé, volé ou détruit et le remboursement peut être limité, même dans les cas de fraude, à la valeur marchande de l’or au moment de la découverte de la fraude.“
En résumé : en cas de problème ne cherchez pas d’aide, c’est VOTRE problème et rien que VOTRE problème.
Mais vous l’aviez bien compris, tout ceci n’est qu’une fiction construite à partir d’un scénario absolument extravagant… comme l’était celui de la faillite de Lehman Brothers ou de MF Global.
Poursuivons un peu plus encore…
Vous voilà donc propriétaire d’un papier vous donnant le droit de demander un équivalent en or ou en argent si vous le souhaitez.
En attendant, le vrai propriétaire de l’or ou de l’argent ce n’est pas vous mais un dépositaire comme HSBC ou JPMorgan Chase.
Et que croyez-vous que font des établissements financiers dépositaires de ces énormes quantités de métaux précieux ?
Pensez-vous qu’ils laissent ce trésor dormir sans lui faire cracher un peu de rendement ? Personnellement j’en doute.
Certes les prospectus de ces produits financiers affichent presque à chaque page que “La fiducie n’investit dans aucun produit dérivé… “, mais rien ne semble interdire le dépositaire d’opérer sur les marchés à terme.
Quelle étrange coïncidence…
D’ailleurs comment expliquer que HSBC et JPMorgan Chase soient d’un côté les détenteurs des plus gros stocks privés d’or et d’argent dans le monde, tout en étant les plus gros vendeurs de contrats à terme d’or et d’argent sur le CME (ce qui au passage est un évident conflit d’intérêt qui ne semble pas gêner le régulateur américain, la Commodity Futures Trading Commission ou CFTC).
L’analyse au jour le jour des listes des barres de métal détenues par HSBC ou JPMorgan Chase permet de mettre en évidence des entrées et des sorties qui coïncident étrangement avec des sorties et des entrées de la chambre de compensation du CME.
Il est donc fort probable que ces stocks physiques de métaux servent à la construction des positions vendeuses de ces deux dépositaires sur le CME.
Manipulations des cours des métaux précieux ?
Les manipulations sur le marché à terme de l’argent révélées par Andrew Maguire il y a bientôt deux ans sont restées sans suite à ce jour. Le 4 novembre dernier Bart Chilton, le commissaire de la CFTC en charge de cette enquête, déclarait sans grande conviction : “Je crois qu’il y a eu des tentatives répétées d’influencer les prix sur le marché de l’argent.”. Il lui aura fallu tout de même près de deux ans pour en arriver à ce début de conclusion. Les manipulations peuvent donc continuer encore quelques temps.
Mais vous n’avez encore rien vu !
Les trackers sont apparus au début des années 2000.
Et dès février 2005, le NYMEX publiait (3) avec l’avis favorable de la CFTC que dans le cadre de transactions dites “d’échange de contrats à terme pour du physique” (ou “Exchange for Physical” ), qui sont des transactions de gré à gré permettant à des protagonistes d’échanger simultanément une position à terme pour une position physique — impliquant des contrats à terme sur l’or, les trackers or seront acceptés au même titre que le métal.
Vous avez bien lu : sur le marché à terme du CME, marché par destination de livraison de matières physiques, le papier peut remplacer le physique.
Dit autrement :
Le papier (tracker) qui représente du physique, lequel permet d’ouvrir des contrats de vente à terme, qui eux-mêmes sont dénoués par du papier (tracker) : tout ça me fait penser à un chien qui court après sa queue.
Dès lors l’investisseur est en droit de se poser la question de la réalité des chiffres et des stocks, des uns et des autres, dans cette boucle.
La faillite de MF Global a montré que tout était possible
Du moins aux yeux des derniers naïfs qui malgré la faillite de Lehman Brothers, la faillite de Bear Stearn, la faillite de Dexia, la faillite de la Grèce, etc., doutaient encore que ce monde puisse produire des évènements exceptionnels et qui ne peuvent absolument pas être anticipés.
L’investisseur qui détient certains trackers de métaux précieux (tous les trackers ne sont pas égaux !) doit impérativement se persuader qu’il est plus malin et plus rapide que ses confrères qui se sont faits coincer sur le CME en octobre dernier avec MF Global. La méthode Coué peut dès lors devenir une démarche d’investissement…
Au moins, êtes vous prévenu.
(1) MF Global était aussi soumissionnaire de premier rang (primary dealer) auprès du Trésor pour les émissions d’obligations d’Etat américaines.
(2) CME Clearing Financial Safeguards
(3) Notice numéro 05-50 du Nymex en date du 22 février 2005: Interpretation of Comex Division EFPS: Gold-backed exchange-traded ETF shares accepted as cash leg of EFP.