Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Vous savez quoi… la crise serait en passe d’être
finie… Ça faisait quoi, une semaine environ que l’on
n’avait pas osé nous resservir ce discours désormais
totalement éculé ? Eh bien voilà, ça
recommence. Cette fois, c’est Moscovici qui se fend d’une
déclaration pour nous dire que tout va mieux que bien. D’un
autre côté, vu que la fin du monde c’est dans 29 jours
maintenant, il est grand temps de rassurer les masses populaires.
Alors, une fois n’est pas coutume, l’actualité
économique est aujourd’hui très riche… en drames et
psychodrames notamment européens, puisque aux États-Unis
c’est la journée du « Merci-donnant »
(Thanksgiving) et que tout est fermé y compris Wall Street.
Il est vrai que le Président du monde libre Barack Obama a fait
preuve d’une auguste mansuétude en graciant deux dindes…
Il y a des informations que je dois vous donner. C’est important.
Non, ce qui est important, c’est la dernière
déclaration de Moscovici. Il en a sorti une bien
bonne aujourd’hui.
Zone euro :
les conditions de sortie de crise « en passe »
d'être réunies
Figurez-vous donc que le ministre de l'Économie, Pierre
Moscovici, a dit jeudi devant le Sénat que « les conditions
d'une sortie durable de la crise de la zone euro semblent en passe
d'être réunies ».
Bon, heureusement, il tempère vite ses ardeurs, partant du
principe que ce que ma grand-mère disait était juste, à
savoir que si le ridicule ne tue pas, il peut quand même faire mal
(elle était très forte ma grand-mère). Donc il
précise sa pensée : « Je le dis avec prudence
mais détermination, au lendemain d'une réunion avec l'Eurogroupe où nous n'avons pas tout à fait
réussi à trouver une solution pour la Grèce, mais nous
le ferons dès lundi », a déclaré le ministre
en présentant le premier budget du quinquennat Hollande aux
sénateurs.
Là, il y a deux choses drôles dans la phrase.
« On n’a pas tout à fait réussi à
trouver une solution pour la Grèce »… Sans blague.
Cela fait cinq ans qu’ils essaient désespérément
de sauver un pays condamné. La deuxième, c’est
« nous le ferons lundi »… entre temps,
l’agenda est chargé, vu qu’ils se rencontrent tous ce soir
nos mamamouchis pour tenter de se mettre d’accord sur un budget
européen… Pas gagné tout ça.
Donc Moscovici continue avec un « il est fondamental que ce
pays qui a fait tant d'efforts trouve du côté de ses partenaires
européens la solidarité dans le bon respect des finances
publiques de nos États », a-t-il ajouté.
Je comprends donc qu’il faut que l’on aide la
Grèce, mais sans que cela ne nous coûte d’argent, ce qui
vu la situation de la Grèce et la liste de ses créanciers
(c’est-à-dire nous) va s’avérer relativement
complexe, d’où le blocage actuel.
L’idée c’est donc qu’il faut trouver une
idée pour faire croire à tous que l’on aide la
Grèce (et surtout aux marchés) mais sans débourser un
centime d’euro ou presque… Compliqué.
Pour mémoire, les ministres des Finances de la zone euro se
sont réunis dans la nuit de mardi à mercredi pour se mettre
d'accord sur le versement d'un prêt à la Grèce de 44
milliards d'euros, et trouver un terrain d'entente avec les autres
créanciers publics, en premier lieu le Fonds monétaire
international (FMI).
Oui car le FMI aussi a donné pas mal de sous à la
Grèce et le problème du FMI, c’est que même si
Christine Lagarde est française, les actionnaires du FMI ne sont pas
qu’européens et tous les autres ont sifflé la fin de
partie. Le FMI, ce n’est pas un FME (européen)
réservé à l’Europe. Or les engagements du FMI
à l’égard de la Grèce se comptent en dizaine de
milliards de dollars.
D’où la déclaration de Lagarde :
« Des progrès ont été faits, mais il en faut
encore un peu plus. »
Enfin, juste pour information, alors que déjà la
moitié de la dette grecque avait été effacée,
elle devrait quand même atteindre 190 % du PIB en 2014 !! C’est
ballot.
Mais ce n’est pas tout : il y a aussi le psychodrame du
budget européen. Et là, cela s’annonce coton, surtout
quand les Britanniques s’en mêlent. Le propre des Anglais
étant de vouloir soutirer le maximum d’avantages à
l’Union Européenne, en payant beaucoup moins que les autres.
Thatcher avait d’ailleurs obtenu une très grosse exemption pour
le Royaume-Uni.
Budget de
l'UE : le sommet des grands ciseaux
Les 27 chefs d'État et de gouvernement de l'UE ont
entamé jeudi à Bruxelles un sommet marathon pour un grand
marchandage sur le projet de budget européen pour la période
2014-2020, mais aucun accord ne pourra être obtenu sans sacrifice des
uns et des autres.
D’après l’AFP, le premier arrivé, le Premier
ministre britannique David Cameron, a donné en trois phrases le ton du
sommet et mis la pression sur ses partenaires.
« Je ne suis pas content du tout [des propositions sur la
table], je vais négocier durement pour obtenir un bon accord pour les
contribuables britanniques et européens et je veux conserver le rabais
britannique », a-t-il déclaré avant un entretien de
plus d'une demi-heure avec le président du Conseil européen,
Herman Van Rompuy.
M. Cameron s'est gardé de prononcer le mot « veto »
comme il avait menacé de le faire lors du dernier sommet des
dirigeants européens le 19 octobre.
C’est sûr que le mot
« véto », tout de suite, ça a tendance
à limiter la phase de dialogue « constructif »
pour nous faire rentrer directement dans la phase de crise aiguë.
Il s'est ensuite réuni avec deux de ses alliés, le
Suédois Fredrik Reinfeldt et le
Néerlandais Mark Rutte, comme lui partisans
d'une réduction drastique des dépenses proposées.
Le concept britannique est de réduire les dépenses de
l’Europe d’environ 20 % et de faire peser une forte partie de la
rigueur sur l’Europe qui, du coup, diminuerait ses aides et ses
programmes, mais ce qui allègerait d’autant les finances
publiques des grands états qui sont aussi les plus gros contributeurs
au budget européen.
David Cameron a demandé à M. Van Rompuy
que l'on taille dans le budget alloué aux grandes interconnections
transfrontalières pour les Transports, l'Energie et l'Internet et que
l'on réduise le nombre de fonctionnaires européens, a-t-on
appris de source diplomatique.
Remarquez, la réduction du nombre de fonctionnaires
européens n’est pas forcément une mauvaise idée.
Très, voire trop bien payée, plein d’avantages, et
pléthoriques, la fonction publique européenne n’est pas
l’une des plus économiques au monde, ni l’une des plus
efficaces. Sauf peut-être pour nous pondre des lois sublimes sur la
taille minimum de la noix de Corrèze… (Si si,
cette règlementation existe je vous assure.)
Paris cherche le soutien de l'Allemagne, car Cameron a dans son
collimateur l'enveloppe allouée à la Politique agricole commune
(PAC), premier poste de dépense du budget, ardemment défendue
par la France.
C’est vrai que la PAC c’est le moyen pour la France de
retrouver une grosse partie de ce que l’on donne et cela
représente une part non négligeable des revenus de nos
exploitants agricoles.
Le problème de la PAC, c’est qu’elle coûte
effectivement une fortune à l’Europe. Se poser la question de sa
réforme n’est pas absurde mais… un président normal
ne voudra jamais la voir remise en cause, car cela serait de nature à
provoquer quelques manifestations paysannes d’ampleur.
Déjà que le nouveau pouvoir se met à dos les opposants
au mariage pour tous, et les opposants au vote pour tous… si en plus
les paysans se rebiffent, cela finira par faire beaucoup. Or nos amis
socialistes détestent avant tout… les problèmes.
« Nous n'aurons pas d'accord avant vendredi soir, au mieux »,
a estimé le Premier ministre finlandais Jyrki
Katainen.
La perspective d'un échec du sommet n'est pas exclue par Angela
Merkel. « Un nouveau sommet
européen sur le budget est possible début 2013, en cas
d'échec », a-t-elle déclaré mercredi.
« On ne peut rien exclure », a confirmé
le Premier ministre belge Elio di Rupo. « Nous avons tous nos
propres souhaits. Je ne suis pas certain qu'on y arrivera. La
négociation est très complexe », a renchéri
son homologue néerlandais Mark Rutte.
C’est sûr que vu comme cela, ils ont tous l’air de
partir vainqueurs !!
Le président de la Commission européenne, José
Manuel Barroso, s'est ému mercredi de la tournure prise par les
négociations, dans lesquelles les pays les plus riches ne jurent que
par une baisse des dépenses. « Couper, couper,
couper. Tout le débat porte sur la façon de réduire. On
ne discute pas de la qualité des investissements », a-t-il
déploré.
C’est vrai qu’il peut déplorer Barroso, le petit
souci, c’est que plus personne n’a d’argent dans la mesure
où depuis cinq ans les finances des plus gros états sont
exsangues en raison notamment d’un soutien massif aux banques.
Tiens ! Justement, à propos des banques, revoilà
Dexia et son univers impitoyablement moisi…
L'enfer
Dexia : la potentielle dissolution prochaine de la banque belge menace tout
le système financier européen
Le site Express.be nous apprend que récemment, la banque Dexia
a été éliminée de la liste des banques
systémiques, celles dont le dépôt de bilan pourrait
constituer une menace pour l’économie toute entière.
C’est le conseil de Stabilité Financière (FSB) qui a
considéré que la banque en démantèlement
n’était plus « too big to fail ».
Ce qui est très drôle une fois ce postulat posé,
c’est la suite de l’article, tout en sachant je le rappelle que
Dexia est la banque qui a tout raté sauf les stress tests…
Pour autant, les problèmes de fond n’ont pas
été résolus. Le
21 décembre prochain, (je ne suis pour rien si cela
coïncide avec la fin du monde, au moins ça fera diversion donc il
faut que je vous en parle quand même) les actionnaires réunis en
assemblée générale extraordinaire ont été
appelés à statuer sur la poursuite des activités de la
banque ou sa dissolution, et à valider le principe d’une
augmentation de capital de 5,5 milliards d’euros. Dans un rapport
détaillé, le conseil d’administration de la banque, qui
souhaite la poursuite de ses activités, les a avertis qu’une
dissolution de la banque pourrait avoir des « conséquences
systémiques très graves », que l’Express
n’hésite pas à qualifier d’ « apocalyptiques
». C’est à la 35e page de ce rapport (.PDF) que
l’on en prend toute la mesure :
« Si la banque ne parvient pas à obtenir les 5,5
milliards d’euros d’augmentation de capital, elle sera mise en
dissolution. Celle-ci entraînerait la revente en urgence de ses actifs
bradés, ce qui entraînerait de fortes pertes.
Mais sa dissolution rendrait également immédiatement
exigibles l’ensemble des dettes contractées par la banque :
celles-ci se montaient à 386,5 milliards d’euros au 30 septembre
2012. Il faut également ajouter les contrats de produits
dérivés dont le montant théorique à la même
date s’élevait à 605 milliards d’euros. Au total,
la banque devrait donc payer 991,5
milliards d’euros. Dexia ne parviendrait jamais à
réunir une telle somme et serait donc en situation de défaut.
Compte tenu de la taille de la banque, ce défaut constituerait une
véritable menace pour l’ensemble du système financier
européen, indique le rapport. Il impacterait l’ensemble de la
zone euro, affectant la liquidité des opérateurs du
marché financier, suscitant un mouvement de panique « avec un
risque important de contagion dans la zone euro », précise-t-il.
Comme elle détient un portefeuille de 20,049 milliards
d’euros au 30 septembre, la liquidation de ce portefeuille à
prix décotés aurait un impact sur la valeur des obligations de
plusieurs pays de la zone euro (plus de 70 % de ce portefeuille est
constitué d’obligations de la zone euro), et elle
déstabiliserait les marchés secondaires de plusieurs pays de la
zone euro.
Le défaut de Dexia entraînerait le déclenchement
des garanties accordées par les gouvernements de la Belgique, de la
France et du Luxembourg le 9 octobre 2008 pour certains financements obtenus
par ses filiales DCL (Dexia Crédit Local), DBB (Dexia Banque Belgique,
aujourd’hui Belfius Banque et Assurance), et
BIL (Dexia Banque Internationale à Luxembourg, aujourd’hui
Banque Internationale à Luxembourg), plus d’autres garanties
octroyées le 16 décembre 2011 pour des prêts obtenus par
Dexia et DCL. Au total, ces garanties obligeraient ces pays à payer
immédiatement 73,4 milliards d’euros.
La dissolution de Dexia pose aussi le problème social
inhérent au licenciement des quelque 3 600 salariés du groupe
répartis entre la France et la Belgique. »
Je ne sais pas si vous avez bien lu les chiffres. On parle de presque
1 000 milliards d’euros. Soit 4 années de recettes de
l’État français (on ne parle même pas de nos
pauvres amis belges) ou encore 50 % de notre PIB.
Dexia tombe, la France tombe, la France tombe, l’Europe
s’effondre. L’Europe s’effondre et c’est la fin du
monde… Le tout le 21 décembre 2012.
Il n’y a pas à dire, ces Mayas, ils étaient forts
tout de même !!
Charles SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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