Voilà, c’est fait : cela fait 100 jours qu’Emmanuel Macron, probablement plus surpris qu’on ne le pense par sa propre performance, est parvenu et exerce à la plus haute marche du podium étatique. Si cette période est un peu courte pour tirer un bilan définitif ce son quinquennat (il faudra encore plus de 1700 autres jours pour cela), au moins peut-on déjà dresser quelques constats et analyser la tendance générale.
Et ces constats s’imposent d’autant plus qu’un nombre important de Français a placé dans ce nouveau président beaucoup d’espoirs : espoir d’un renouveau en politique, espoir d’une meilleure gestion des relations internationales, espoir de réformes structurelles essentielles dans le pays, espoir d’une meilleure communication entre l’Etat et le peuple. Quant au reste des Français, ceux qui votèrent pour lui par défaut plus que par envie, et ceux qui ne votèrent pas pour lui voire contre lui, eux aussi sont à l’affût des marques de différences avec les précédents quinquennats.
Il faut dire qu’on revient de loin.
Le quinquennat Chirac fut désastreux d’immobilisme en matière de réformes profondes. La France, sur ce sujet, sera véritablement placée en mode « pause », pendant que sur d’autres thèmes, environnementaux par exemple, la pédale d’accélérateur sera copieusement écrasée. Le principe de précaution, introduit en 2005 dans la Constitution, continue de faire des ravages encore aujourd’hui.
Le suivant, fébrilement secoué par Sarkozy, fut l’occasion pour le pays de voter pour un président qui entendait faire des réformes au pas de charge et aller chercher la croissance avec les dents, et qui concrétisera cette vibrante volonté électorale par une enfilade de bricolages millimétriques, des moulinets de bras et des mouvements de menton frénétiques, ainsi qu’une avalanche de taxes particulièrement puissante (Rappelons au passage que cette avalanche est toujours choisie plutôt que l’explosion des impôts, car une explosion laisse des victimes qui couinent très fort là où l’avalanche ensevelit tout le monde dans un silence sépulcral).
Le quinquennat suivant aura été savamment abruti à coup de pantoufles chaudes par un Hollande aussi onctueux qu’inutile en terme de réformes. Préférant utiliser son temps présidentiel pour enfiler les déclarations consternantes, ridiculiser le pays à l’international et distribuer l’argent des autres en continuant les pluies de taxes et d’impôts que Sarkozy avait démarrées, le pédalomane blagueur ne trouvera jamais la force d’une quelconque remise à plat des épaisses couches législatives et, par paresse intellectuelle, laissera s’en ajouter de nouvelles.
Trois quinquennats pour rien ; quinze années pendant lesquelles les taxes, les impôts et la dette françaises auront grossi dans des proportions inimaginables. Seules les Trente Glorieuses, en propulsant la France dans l’opulence, lui auront permis d’éviter un effondrement complet à la vénézuélienne. Mais la trajectoire ne fait aucun doute.
Dans ce contexte, l’arrivée aussi inopinée qu’artificiellement médiatique de Macron laissait une lueur d’espoir : tout allait changer, évidemment.
Cent jours plus tard, on peut cependant rester dubitatif.
L’espoir d’un renouveau en politique commence à s’étioler.
En fait de renouveau, on assiste à un simple renouvellement des têtes mais pas vraiment des pratiques. Au sein du nouveau parti, beaucoup d’adhérents et de militants reprochent déjà l’organisation très pyramidale et l’autoritarisme permanent de la structure mise en place pour propulser Macron à la tête de l’Etat et lui fournir une ribambelle de députés tous frais. Ces défauts sont suffisamment présent pour qu’un nombre croissant d’adhérents quittent le parti. Quand aux députés novices, ils ont accumulé les bourdes pendant ces trois mois.
Bref : en terme de renouveau politique, on a essentiellement renouvelé le flacon et changé son étiquette. Son contenu, en revanche, ressemble à s’y méprendre à ce qu’on trouvait dans la mignonnette « Modem », la gourde « Les Républicains » et le cubitainer « Parti Socialiste » à la précédente législature.
L’espoir d’une meilleure gestion des relations internationales est mal engagé.
Si, fort heureusement, notre nouveau président n’a pas enquillé les maladresses et les approximations coûteuses comme jadis Hollande ou Sarkozy, Macron n’en a pas pour autant fait des étincelles mirobolantes. Rappelant un peu l’arrogance crâneuse de Sarkozy lorsqu’il déboulait dans les Sommets européens en prétendant piloter les discussions et diriger l’Union d’une main ferme, Macron a plusieurs fois tenté de faire croire qu’il pourrait imposer son agenda et les préoccupations franco-françaises à l’ordre du jour européen.
Las. La situation économique piteuse de la France ne lui a guère permis de concrétiser quoi que ce soit dans le domaine. Pour le moment, la Chancelière allemande aura poliment mais fermement rappelé le jeune politicien à l’ordre et les institutions européennes auront continué leur petite marche guillerette sans tenir compte le moins du monde des petits caprices du jeune premier.
Bien sûr, cent jours, c’est trop peu pour déceler une tendance en ce domaine mais la stature internationale de Macron, tout en marketing et en communication et très légère en matière de leviers politiques, ressemble beaucoup à celles d’autres leaders attachants de naïveté (Justin Trudeau vient à l’esprit, mais pas seulement). En somme, on retiendra sa poignée de main virile avec Trump, mais pas pourquoi l’un et l’autre se la serraient. Un peu court.
L’espoir d’une meilleure communication entre l’Etat et le peuple s’évanouit petit à petit.
Une nouvelle (bonne) peut en cacher une autre (nettement moins) : en choisissant de trier très sélectivement (comme les déchets) les journalistes qui auraient accès à ses petites aventures, Macron montrait avoir compris que la presse ne serait pas forcément une alliée sur le long terme. C’était plutôt rassurant en ce que cela pouvait annoncer de grandes manœuvres (par exemple : des réformes !) généralement aussi peu populaires qu’elles sont nécessaires et pour lesquelles cette presse se serait empressée de brocarder le président. Du reste, le résultat global est satisfaisant notamment par contraposée avec ses prédécesseurs : Macron semble tenir sa stature. Hélas, la communication qui fut minutieusement choisie n’aura pas empêché que soit écornée son image par ses propres bévues, maladresses et autres boulettes pendant ces cent jours.
On pourra citer rapidement la gestion présidentielle des efforts budgétaires demandés à l’Armée, qui aura sérieusement amoché toute bonne entente qui aurait pu régner entre le président et ses soldats. On pourra rappeler la communication désastreuse (pour ne pas dire foutraque) de la baisse rikiki des APL et le brouhaha incompréhensible qui s’en suivra entre le président, son gouvernement et ses députés avant un rétropédalage pitoyable.
Ce qui se traduit inévitablement par une véritable dégringolade de sa popularité dépassée seulement par Jacques Chirac lors de son deuxième mandat, alors qu’il était déjà passablement émoussé par sept années d’exercice du pouvoir : Macron ne réunit maintenant plus que 36% d’opinions favorables.
Bref : espérons que ces ratés magistraux ne soient dû qu’à un apprentissage encore en cours sans néanmoins oublier qu’en matière de communication, ces 100 jours ont été décisifs pour les trois précédents quinquennats…
Enfin et surtout, l’espoir de réformes structurelles essentielles dans le pays est tout sauf conforté.
On passera rapidement sur les réformes fiscales : rapidement rejetées aux calendes grecques, de vraies et solides baisses d’impôts ne verront jamais le jour. N’en parlons plus.
Oui, certes, youpi, une loi de moralisation de la vie politique est en place. Mais entre ce qu’elle aurait dû être et ce qu’elle est, l’écart est monstrueux. Apparemment, réclamer un casier judiciaire vierge à nos parlementaires comme pour tout le reste de la fonction publique semble chose impossible…
Alors, oui, youpi, des choses semblent enclenchées avec ces ordonnances concernant le Code du Travail, depuis trop longtemps obèse. Mais à l’évident écart entre ce qu’on aurait souhaité (des simplifications massives du Code, par exemple) et ce qu’on obtient (un peu de cosmétique sur les Prudhommes, des modifications finalement timides dans les définitions des contrats de travail, et quelques autres mesures certes pratiques mais finalement assez difficilement qualifiables de fondamentales), on sait déjà qu’un nettoyage vraiment impactant n’est pas à l’ordre du jour.
D’autant qu’il y a loin de la coupe aux lèvres : ces modifications diverses (et notamment le changement, modeste, de rapport de force entre les accords de branches et ceux d’entreprise) seront toutes critiquées et âprement combattues par les syndicats avec, à la clef, d’inévitables sessions de grillades de merguez et barbecues citoyens dans les rues de Paris.
Macron tiendra-t-il bon ou, comme pour les APL, mettra-t-il La République En marche Arrière et dos au mur ?
Cent jours se sont écoulés. Au contraire des précédents quinquennats, reconnaissons que ce ne sont pas trois mois de perdus : des discussions ont eu lieu, de la communication aura été fournie, des projets ont été lancés. Mais l’analyse de ces discussions, de ces communications et de ces projets montre encore une timidité maladive et un manque de courage particulièrement flagrant du Président et de son gouvernement.
Les réformes essentielles (et maintenant vitales) ne pourront se faire sans affronter la frange la plus radicale, immobiliste et passéiste du pays. Beaucoup trop peu d’éléments montrent que nos dirigeants ont pris conscience de cette réalité.
Ce n’est pas rassurant du tout.
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