“La peur, M. Bond, retire l’or de la
circulation et le met en réserve pour se protéger d’un
jour funeste. Dans une période de l’histoire où
n’importe quel jour à venir pourrait bien être ce jour
noir, il est juste de dire qu’une bonne portion de l’or sorti
d’un coin de la terre est ensuite ré-enterrée dans un
autre coin… »
Goldfinger (1959), par Ian Fleming
Il y a cinquante ans, -
alors que l’agent de fiction 007 contrecarrait le plan d’Auric Goldfinger qui prévoyait de vider Fort Knox et de
ramener l’or américain à Moscou-, le Trésor
américain craignait une perte réelle de ses réserves
d’or physiques.
Le rôle de
l’or en tant qu’actif ultime d’assise du pouvoir national
était pratiquement à son apogée. En 1966, la
moitié de tout l’or jamais extrait du monde était
stockée dans les coffres des gouvernements.
La peur l’y a mis.
La peur est susceptible de conserver ce qu’il en reste
aujourd’hui.
Réserves d’or des banques centrales, US et reste du monde
Sous l’accord de Bretton Woods
–signé en 1944- le dollar tout puissant garantissait le
système monétaire mondial.
Toute autre monnaie
majeure dans le monde était évaluée en termes de billet
vert, et l’or alors garantissait le dollar – ou plutôt, il
couvrait 25% des émissions de dollars, comme le fixait la loi de la
Réserve Fédérale.
Ainsi, ce
n’était qu’en détenant soit de l’or soit des
dollars (ou mieux beaucoup des deux) que les gouvernements souverains
pouvaient espérer équilibrer leurs dépenses
internationales et leurs dettes réciproques. « L’or
et les monnaies couvertes par l’or [devinrent] la fondation de notre
crédit international » comme l’explique le colonel Smithers de la Banque d’Angleterre à James
Bond dans Goldfinger.
“Nous ne pouvons
dire quelle est la véritable valeur de la Livre, et les autres pays ne
peuvent le dire que s’ils connaissent la quantité de devises en
réserve qui garantit notre monnaie ».
Au sommet de ce
système, le “système de change basé sur
l’Etalon Or” comme on le désigne parfois, le dollar US
s’agrippait à cette position en tant que monnaie mondiale
n°1 grâce à la seule taille des réserves nationales
d’or. Elles avaient triplé entre le milieu des années
1920 et la défaite du Japon, atteignant plus de 20 000 tonnes à
la fin des années 1940.
A leur plus niveau le
plus élevé, les réserves américaines d’or
nationalisées, – la plus grande quantité d’or
jamais thésaurisée-,
représentaient environ un quart des onces extraites du sol
depuis le début de l’histoire du monde. Mais « la
couronne pèse à celui qui la porte » comme nous le
rappelle Shakespeare et pour la plus grande partie de la période de Bretton Woods, de la fin de la
seconde guerre mondiale à 1971, Washington vivait dans la
terreur :
La terreur de l’or
s’échappant des réserves US, transférant de
réelles richesses à l’étranger et prenant par
là même au dollar sa position de « chef de
file ».
Le dollar garanti par le plutonium plutôt que
l’or
“Maintenant nous
avons de l’uranium et du plutonium raffiné pour une valeur de
plus de 21 milliards” dit un Dwight Eisenhower
désespéré lors d’une réunion de
fonctionnaires de haut vol à la Maison Blanche le 9 Novembre 1960.
« Ceci représente une valeur future énorme en tant
que source de pouvoir ».
“Est-ce ça
ne pourrait pas remplacer l’or” demanda le président, qui
proposait une nouvelle roche primitive pour garantir les réserves
monétaires US – et donc du monde.
La question
d’Eisenhower - bien que stupide et “poliment
rabrouée” comme nous le relate Francis Gavin dans son excellent
livre d’histoire publié en 2004 L’or, le Dollar et le Pouvoir- était urgente. L’arsenal
nucléaire américain supportait déjà son pouvoir
politique. Le plutonium pouvait-il soutenir de même la puissance
monétaire américaine ?
Eh bien...non.
« La chose la plus importante qu’il faut se rappeler
concernant l’or » comme le dit le colonel Smithers dans Goldfinger,
« c’est qu’il est la matière première
possédant le plus de valeur et qui est la plus facilement
négociable du monde ». Et ceci est toujours vrai cinq
décades plus tard.
La vente en gros de
lingots d’or,
–négociés par des marchands professionnels, des
raffineries et des banques habilitées à négocier
l’or (les Bullion Banks)-, représente l’un des
marchés de capitaux les plus profonds et les plus liquides. Il existe
toujours un « prix d’équilibre» sur lequel les acheteurs et les
vendeurs se mettent d’accord. Parce que la valeur intrinsèque de
l’or, le fait qu’il ait une valeur intrinsèque
plutôt que d’être une créance sur quelqu’un
d’autre, est sa seule utilité.
Son usage industriel ou
médical compte peu par rapport au volume d’or détenu pour
sa valeur monétaire. Alors qu’une monnaie garantie par de
l’uranium, du pétrole brut, du plutonium ou du cuivre serait
instantanément utilisée en raison de la valeur industrielle de
ces matières premières.
Ce sont des choses rares et de valeur, c’est certain, mais dont
la valeur réside avant tout dans leur usage productif.
Retournons en novembre
1960, entre temps, le secrétaire d’Etat Christian Anderson avait
convoqué une réunion à la Maison Blanche parce que les
réserves d’or détenues par le gouvernement – au
cours fixé par la loi depuis 1933 de 35 $ l’once – risquaient
de passer en dessous des 18 milliards de $ « pour la
première fois depuis des années ».
La raison? Le
déficit de la balance commerciale américaine. Plutôt que
d’accepter les dollars US à leur valeur nominale et
d’accumuler le papier en paiement, la France et l’Allemagne
demandaient de l’or en échange. Et c’était leur
droit sous l’accord de Bretton Woods, un droit exercé chaque fois que
l’offre de dollars semblait forcer à une
réévaluation de sa couverture or. Ce droit fut finalement perdu
quand Richard Nixon mis fin à la convertibilité du dollar pour
l’étranger en août 1971.
Dévaluation
du dollar de 100%
La décision prise
par Nixon de remplacer l’or pour les créditeurs du monde entier
par la seule foi dans le dollar est souvent considérée comme un
“crime”, un affront fait à une monnaie honnête et
juste. Nixon a fourvoyé les créditeurs de
l’Amérique en dévaluant le dollar de 100% par rapport
à cette promesse de ratio de 35$ l’once. Une inflation galopante
suivit ensuite, quand les dollars US inondèrent le monde, car des
« actifs solides » faisaient défaut pour limiter leur
expansion.
En moins d’une
décade la valeur en or du dollar chuta de 96% et poussa le prix de
l’or au sommet à 850$ l’once.
Mais en mettant fin au
“guichet d’or ” de la Réserve Fédérale
- et en détruisant le système d’échange standard
de Bretton Woods-, Nixon
avait en fait seulement accompli le dernier pas d’un processus
commencé juste avant le début de la première guerre
mondiale.
Il enferma les
réserves d’or de l’Amérique au fonds des coffres-forts du gouvernement, à l’abri des
attaques des gouvernements demandant des actifs solides en paiement de leur
dette. De manière plus cruciale sous l’angle plus
général de la politique du 20ème
siècle cependant, Nixon conservait l’or américain hors de
la circulation privée de la richesse qui avait eu lieu les cinq
décades précédant la « guerre
totale » en Europe et Asie et avant ces jours funestes où
les bureaucrates du monde entier se rassemblaient pour empêcher toute
circulation libre de l’or, l’enfermant profondément dans
les chambres fortes nationalisées, à l’abri des
décisions libres des individus de se déplacer et
dépenser leur richesse – sous forme de lingots- comme bon leur
semblerait.
“Le roman de Ian
Fleming” écrit Francis Gavin – un professeur de
l’Université d’Austin Texas, et un expert du New York
Times de la Guerre Froide – “le sinistre Goldfinger,
assisté de main de maître par Pussy Galore, complotait pour dérober aux
Américains leur or à Fort Knox. »
“Le film [de 1964]
ajouta une petite déformation intéressante au scenario peu
probable du livre...Goldfinger dit à
l’agent 007 qu’il n’a même pas à
dérober l’or physiquement. Au lieu de cela, il lui suffirait de
s’infiltrer dans Fort Knox et d’y installer une bombe
nucléaire à retardement fournie par la République
Populaire de Chine. »
“La bombe
irradierait tout l’or à l’intérieur du
bâtiment et le rendrait inutilisable...la liquidité
internationale se gripperait, le commerce et les systèmes
monétaires occidentaux s’effondreraient ».
Heureusement pour le
monde libre, James Bond et Pussy Galore s’allièrent pour contrecarrer le plan
de Goldfinger, désarmant la bombe et
laissant l’or américain de réserve intacte. Mais en
réalité, Richard Nixon ne réalisa rien de moins que le
plan diabolique de Goldfinger en août
1971….et sans le charme fruité de Pussy
Galore comme récompense !
La décision de
Nixon le 15 Août 1971 d’interdire la fuite de l’or des
Etats Unis mit l’or américain en sécurité et hors
de portée des gouvernements étrangers mais mit également
fin à un système essentiel à la liberté
économique.
Adrian Ash
Directeur de la Recherche
Bullionvault.com
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