Or, bourse, taux d’intérêt, Brexit, élections américaines, l’année
2016 fut particulièrement noire pour les prévisionnistes économiques qui ne
savent désormais plus à quels modèles se fier.
Finalement, il en va désormais des prévisionniste économiques comme des
météorologues ou des instituts de sondage : ils sont particulièrement doués
pour expliquer comment une situation devrait théoriquement évoluer, mais
beaucoup plus démunis lorsqu’il s’agit de prévoir ce qu’il va
réellement se passer. Or, au même titre qu’on décide de s’habiller
plus ou moins chaudement en fonction des prévisions météo, on est tentés de
suivre les avis d’experts prétendument avisés avant de procéder à nos arbitrages
en matière d’investissement ou d’épargne. Et le moins qu’on puisse
dire c’est que notre portefeuille a eu maintes fois l’occasion de prendre
froid cette année, en grande partie parce que les experts de tout poil ont
pour la plupart été incapables de prévoir les nombreux coups de vent
économiques et politiques que nous avons essuyés en 2016.
Morosité des marchés boursiers
À l’heure où j’écris ce billet, le CAC40 flotte aux alentours de
4530 points, après avoir connu un point bas à moins de 3900 points
en février et un point haut un poil au-dessus des 4600 points deux mois plus
tard. Au final, non seulement l’amplitude reste mesurée, avec une variation
de plus ou moins 5% environ sur l’année, mais le niveau
global de l’indice parisien des valeurs phares de l’économie française évolue
désormais très en-deça de ce qu’il était à la fin de l’année dernière. Or, à
l’époque, sous la conjonction des taux bas et d’une politique très
accommodante des banques centrales, on prévoyait un retour de la
croissance (modérée) pour l’année 2016, en particulier sur les marchés
financiers notamment dont on sait maintenant qu’ils orientent assez fortement
les marchés en général.
La réalité, c’est que tout le monde s’est trompé : la BCE
qui pensait relancer l’économie en l’inondant de monnaie,
les politiques qui juraient leurs grands dieux que la croissance était de
retour, les banquiers centraux qui ont inventé les taux d’intérêts
négatifs pour favoriser la consommation au détriment de l’épargne
improductive, ils se sont tous retrouvés stupéfaits devant une réalité qui ne
suivait plus leurs prévisions. Aujourd’hui, le CAC40 peine à se stabiliser
au-dessus des 4500 points, comme s’il s’agissait d’une barrière qu’on ne
pouvait plus franchir qu’à grands coups de stimulations artificielles et de
perfusions politico-médiatique, à base (d’un peu) de manipulation
bancaire et de (beaucoup !) de méthode Coué.
Anglais et Américains alliés… pour plus de protectionnisme
Sur le plan politique, du moins dans sa composante susceptible
d’influer sur l’économie, nos experts se sont là aussi
magistralement plantés ! Le Brexit ? Allons donc ! Jamais le
Royaume-Uni ne votera pour une sortie de l’Union Européenne, il s’agit juste
d’une énième provocation (un chantage ?) de ce pays historiquement frondeur
et particulièrement indépendant qui souhaite simplement continuer à
bénéficier des largesses communautaires sans pour autant en subir trop les
contraintes. Sauf que le Brexit a été voté par le peuple britannique et les
conséquences sont encore trop énormes pour être totalement appréhendées.
Enfin, pas pour tout le monde puisque la livre anglaise a brutalement
dévissé pour se retrouver à ses niveaux des années 80 et que les
entreprises anglaises sont de plus en plus nombreuses à envisager de
déménager leur siège social. L’ennui c’est également que, même si la
Grande-Bretagne n’est pas dans la zone euro, son renoncement à l’égard de
l’Union fragilise considérablement cette dernière… et avec elle la
monnaie unique, qui perd encore un peu de sa crédibilité.
Mais heureusement, il y a eu les Américains pour sauver l’honneur… en
faisant pire que les Anglais. Il y a 18 mois, quand Donald Trump
a annoncé qu’il allait briguer la Maison Blanche, tout le monde n’y a vu que
la nouvelle lubie du milliardaire à la mèche orangée et personne ne lui
donnait ne serait-ce qu’une chance de dépasser le stade des primaires. Même
les Républicains, dans le camp desquels il s’était positionné, le
considéraient comme, au mieux, un pauvre type inculte et égomaniaque, au
pire, comme un dangereux fauteur de troubles susceptible de casser la
machine Amérique. Aujourd’hui, il est le 45e président des
États-Unis… La « bonne » nouvelle, c’est que le dollar
s’est fortement apprécié, rendant du même coup l’euro un peu plus
« compétitif ». Mais là encore, personne n’avait prévu ce qui est
en train de se passer et même ceux qui envisageaient (discrètement)
l’éventualité d’une victoire de Trump imaginaient un tsunami boursier
(pas de vague à l’horizon), un effondrement des marchés obligataires
(bof…) ou l’équivalent d’un « Brexit puissance 3 » (calme
plat sur le CAC40 par exemple, alors qu’il avait chuté de 8 points après le
Brexit, et les indices américains frôlent les records). Bref, la seule chose
qui est sure, c’est que le monde s’oriente vers davantage de
protectionnisme, ou tout au moins vers une profonde volonté de
réguler et de canaliser la mondialisation débridée que nous connaissons
depuis une quinzaine d’années. Bonne ou mauvaise chose, l’avenir le dira.
L’or, valeur refuge que plus grand monde ne connaît
Reste l’or, dont on a dit à peu près tout et son contraire. La première
chose qui a surpris c’est son incroyable rebond durant le premier
semestre 2016, que certains ont mis sur le compte de la baisse des
marchés traditionnels à la même époque. Et c’est vrai que son statut de
valeur refuge a pleinement joué son rôle auprès de ceux qui
anticipaient une chute brutale de l’économie, liée notamment
à des contraintes exogènes : pétrole, terrorisme, feu de paille des BRICS
(Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Mais ce qui a surtout échappé
aux « experts » c’est que le monde est entré dans une nouvelle ère,
et qu’avec elle, c’est toute la conception de l’économie vécue par
les gens normaux qui a changé également. Monnaies complémentaires,
économie collaborative, ubérisation, baisse d’intérêt pour le modèle
salarial classique au profit de l’activité indépendante… et surtout défiance
caractérisée envers toutes les promesses de jours meilleurs dont on nous gave
depuis 40 ans sans autre résultat concret qu’une détérioration progressive de
nos conditions de vie. À ce titre, l’or a retrouvé son statut de
valeur sure, celle sur laquelle on pourra toujours compter, qui a
traversé les siècles sans jamais perdre de son aura et qui garantit, sinon de
gagner de « l’argent », tout au moins de ne pas trop en perdre
pendant la tempête.
Or, ça non plus, les experts ne l’avaient pas vu arriver, tout engoncés
qu’ils sont dans leurs convictions idéologiques et académiques, misant sur
leurs modèles (dont la plupart datent de plus d’un siècle, au passage) pour
prédire sans rougir la réalité de demain. Depuis le début du mois, l’or a
brièvement reperdu quelques points, en particulier sous le jeu des marchés
qui ont fait mine de croire aux bonnes résolutions affichées par Donald Trump
(lequel annonce littéralement un Nouveau Plan Marshall pour les USA). Mais
une fois l’euphorie retombée, le bon sens reprendra le dessus,
et tandis que le nouveau président des États-Unis se battra pour bâtir son
mur à la frontière mexicaine et que le futur président français se demandera
ce qu’il est venu faire dans cette galère (au vu de la dette colossale et le
marasme socio-économique laissés par son prédécesseur), les
investisseurs auront pris la mesure de la fugacité de l’embellie boursière,
qui ne vit que de belles promesses et se nourrit de rêves bien vendus. Ils
reviendront alors vers les valeurs sures au nombre desquelles l’or
garde et gardera toujours une place privilégiée. À ce moment-là, il
y aura ceux qui en possédaient déjà et ceux qui chercheront à en acquérir
dans un contexte de plus en plus en tendu où les plus pragmatiques (les
Chinois notamment) amassent depuis longtemps des quantités phénoménales de
métal jaune, au risque de le rendre de plus en plus « rare »… et
donc de plus en plus cher.