« Les soubresauts
spectaculaires et toujours plus grands du métal jaune, le métal le plus
précieux pour l’homme, sont presque devenus ordinaires : de 400 $ l’once
en octobre (1979, ndt) à 500 $ fin décembre pour atteindre 600 $ début
janvier. La semaine dernière, l’or a même laissé les spéculateurs les plus
frénétiques bouche bée. Au cours de 5 jours de trading imprévisibles, il a
fait un saut incroyable de + 34% et termina la semaine à 808 $ à New
York, à 823 $ à Hong Kong et 835 $ à Londres et Zurich.
Ce fut une des ruées vers
l’or les plus spectaculaires de l’histoire et on a sous-estimé
l’attrait psychologique persistent du métal jaune comme le métal le plus
recherché en période de crise et d’incertitude. Le sociologue Neil Smelser,
auteur de la théorie du comportement collectif, affirme que : « La
ruée sur l’or est un cas classique de panique. Les gens qui achètent de l’or
le font en s’imaginant que la structure économique mondiale va s’effondrer.
Ils vivent du mythe que la seule chose qui va résister, c’est l’or. » Le
psychologue d’Harvard, Roger Brown, compare la panique à la ruée aux portes
du concert de Who à Cincinnati qui avait fait onze morts. Il dit :
« Les gens ont piétiné d’autres personnes par peur d’arriver trop tard
et qu’on les laisse dehors ».
L’or avait fait un bond de 250
$ l’once pour dépasser les 800 $ sur les douze derniers mois. Ainsi, la
« panique sur l’or et l’argent » ne peut plus être ignorée par le
Comex ou les autorités de Francfort. Mais à la différence de la
thésaurisation des pièces d’or au début des années trente, la montée rapide
du pouvoir d’achat de l’or est poussée par des spéculateurs possédant un
levier financier. Et pousser dans ses retranchements le trader fortement
endetté entrainerait une fin rapide de la hausse des cours du métal par effet
de levier aussi.
« La commission d’échange
des matières premières de New York a stoppé tous les contrats sur l’argent
(métal) à l’exception des positions déjà en liquidation » a annoncé le
FT le jour suivant. « Elle a également augmenté le taux de couverture
exigé de 5 000 $ à 15 000 $ par contrat sur l’or. Il y a un an,
elle était à 750 $ ».
La semaine dernière, les autres métaux précieux ont continué à
profiter de cet effet positif. L’argent, qui avait suivi le cours de l’or,
est passé dans la semaine de 39 $ à 47 $ l’once. Le platine, le métal le plus
précieux de tous et beaucoup utilisé également dans l’industrie, a atteint un
autre record à 918 $ l’once.
Les actions des compagnies
minières dans l’or et l’argent ont grimpé à Wall Street tout comme de
nombreuses actions d’autres compagnies dites d’actifs lourds. A la différence
des sociétés financières, de services et d’assemblage, les sociétés qui
possèdent du charbon, du pétrole, du bois, du cuivre ou tout autre matière
première possèdent des actifs qui gardent une certaine valeur quelque soit le
niveau d’inflation, le cours du dollar ou la santé de l’économie.
Cependant, la demande en métaux précieux reste importante et en
l’absence presque totale de vendeurs, le marché est resté erratique pendant
des semaines. Autour de la corbeille octogonale et entièrement tapissée de
moquette bordeau de la bourse d’échange des matières premières de New York,
une pandémie sans précédent a fait rage car, chaque jour, le prix mondial
atteignait des records. Les brokers et les négociants s’égosillaient pour placer
des ordres d’achat dans un bruit assourdissant de 9h25 le matin jusqu'au
tintement de la cloche de fin des cotations à 2h30 l’après midi.
Le 22 Janvier, les
spéculateurs furent forcés de couvrir les appels de marge ou de vendre leurs
positions. Après le bond de 52% des cours de l’or depuis le premier
janvier, la vapeur s’échappa rapidement du marché. La faillite des
frères Hunt sur le marché de l’argent ne fit qu’accélérer la sortie du marché
de nombreux autres acteurs. Et cela s’est transformé en une ruée quand la
Réserve Fédérale a finalement commencé à défendre le dollar a l’aide de taux
d’intérêts à deux chiffres dépassant le taux d’inflation sur les actifs
liquides.
Fin février 1980, le cours
de l’or était revenu à 630 $ atteignant presque les 400 $ l’été suivant. Les
taux d’intérêts réels aux USA rapportaient dans les dix pourcent après
inflation. Qui aurait eu besoin d’or ou d’argent que ce soit au comptant ou à
crédit ?
Cet article est une adaptation d’un article de Times
de 1980 qui relate particulièrement bien la situation du marché de l’or à
l’époque, au moment où le prix de l’or s’envolait chaque jour.
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