Indépendamment des fins de mois difficiles que subissent un nombre croissant de ménages français, bien peu connaissent la réalité de la dette énorme qui plane au-dessus de nos têtes, et dont le montant par individu dépasse désormais de beaucoup le revenu annuel disponible de 90% d’entre nous.
Au début du mois, l’Insee publiait ses dernières statistiques en matière de dette publique et le résultat est loin d’être satisfaisant. En effet, malgré l’effondrement des taux d’intérêt, qui a momentanément allégé le coût de l’endettement (le montant des intérêts qui continuent à s’accumuler), la dette de l’État a encore grossi de 50 milliards l’an dernier, s’établissant finalement à 2 147,2 milliards d’euros au 31 décembre 2016.
L’État éternel emprunteur
L’ennui c’est que, même si cette situation est née des politiques erratiques de ces 40 dernières années, menées par des individus pour qui l’État n’est finalement rien d’autre qu’une grosse machine à financer leur train de vie, c’est bien sur l’ensemble des citoyens français que repose l’obligation de garantir la dette accumulée, notamment par le biais de l’impôt. D’ailleurs, c’est bien parce que la France dispose toujours de moyens coercitifs forts à l’égard d’une population soumise à l’une des taxations les plus élevées du monde, que le reste de la planète continue à lui faire confiance en dépit de sa gestion catastrophique.
Et comme se plaisent à le rappeler les experts autorisés à communiquer sur la question, l’État français n’a pas fait défaut sur sa dette depuis 1797. Autant dire que l’historique joue en sa faveur, car à la différence des entreprises ou même d’un individu, la durée de vie d’un État est théoriquement infinie : il peut donc toujours se ré-endetter pour rembourser les dettes passées.
Un risque réel de surendettement pour les citoyens
Le surendettement est caractérisé par « l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles ou à échoir ». C’est ainsi que la loi présente une situation qui concerne malheureusement de plus en plus de Français. Ce qu’elle ne dit pas, en revanche, c’est qu’on peut se retrouver injustement chargé d’une dette par l’État lui-même. Bien sûr, beaucoup diront qu’il ne s’agit que d’une vue de l’esprit, que le remboursement de la dette publique ne nous sera jamais imputable en tant qu’individus. Sauf que l’exemple récent de la Grèce montre à quel point les institutions supranationales peuvent parfois se montrer promptes à décider du sort d’une nation pour permettre aux banksters qui dirigent le monde de retomber sur leurs pattes. Et s’il arrive un jour qu’on demande à la France de rembourser, ou au moins de garantir une partie de sa dette, il faudra bien trouver l’argent quelque part. Sans faire un gros effort de politique-fiction ou d’anticipation économique, on peut parier que ce sera dans nos poches.
De fait, nous sommes directement concernés par la dette contractée au nom de l’État. Une dette qui représente aujourd’hui environ 37 000 euros par personne. Or, en 2017, on estime que le revenu disponible moyen des ménages français est revenu aux alentours de 36500 euros par an, c’est à dire le même niveau qu’en 2007, après une décennie catastrophique sur le plan économique. Mais surtout moins que le niveau d’endettement public par individu.
Plus fort encore, l’Insee qui aime bien les chiffres précis a pour habitude de classer la population en déciles, c’est-à-dire en dix groupes d’effectifs égaux dont on va déterminer le niveau de revenus. On a ainsi une photographie plus fine de la situation financière des Français, depuis les 10% les plus pauvres jusqu’aux 10% les plus riches. Et sur ce point, la conclusion qui s’impose est pour le moins inquiétante car ce n’est qu’à partir du 7e décile (correspondant aux Français qui gagnent plus que 70% de la population) qu’on arrive à des niveaux de revenu disponible équivalents à la dette publique par individu. Rappelons au passage que l’on parle ici de revenu par ménage (lequel peut être constitué d’un ou plusieurs individus) alors que la dette de 37000 euros est à considérer… par personne !
Seuls 10% des ménages pourraient assumer cette dette
En réalité, le revenu disponible par ménage ne peut être pris en compte dans son intégralité car chaque ménage doit au minimum assurer les dépenses élémentaires de logement et d’alimentation, lesquelles représentent respectivement 22.2% et 20.4% du revenu disponible. Ainsi, si l’on voulait être plus en accord avec la réalité, il faudrait déduire 42.6% du revenu pour obtenir la capacité de remboursement des ménages. Et là, il faut aller jusqu’au 10e et dernier décile, c’est à dire correspondant aux ménages qui déclarent plus de 63 000 euros de revenu disponible par an, pour que les 37000 euros d’endettement public soient couverts. Ainsi, hormis cette ultime tranche de revenus, les 90% de ménages français se situant en-deçà peuvent être considérés comme potentiellement surendettés, dans le sens où ils gagnent moins que ce qu’ils doivent.
On pourrait encore affiner ces chiffres en partant du revenu disponible par personne, et non plus par ménage. Mais avec 28 millions de ménages en France pour 66 millions d’habitants, cela rendrait 98% d’entre nous incapables d’assumer la dette qui plane au-dessus de chacune de nos têtes. Le tableau est déjà suffisamment sombre sans avoir besoin d’en rajouter…