François
Hollande a confirmé que le gouvernement va proposer l’adoption
d’une loi organique (qu’une simple loi ne peut défaire)
afin d’adopter la règle d’austérité
budgétaire, au prétexte avantageux qu’elle est
provisoire. A plusieurs reprises dans l’histoire contemporaine
française, des dispositions spéciales ont été
adoptées en raison de leur importance présumée sans
jamais laisser de bons souvenirs.
Au
même moment, le débat européen continue de pivoter pour
se recentrer sur le désendettement des banques. On apprend grâce
au Wall Street Journal que la BCE aurait conseillé aux ministres
européens des finances, lors de leur dernière réunion,
de faire participer les détenteurs de créances seniors au
renflouement des banques espagnoles. Un tournant à 180 degrés
qui n’a pas été suivi d’effet, car le projet de
mémorandum qui devrait être adopté lors de la prochaine
réunion du 20 juillet de l’Eurogroupe
n’en fait pas état.
D’après
les informateurs du quotidien, les ministres n’auraient pas voulu
suivre Mario Draghi qui participait à la
réunion, de peur de la réaction des marchés. Par
crainte, également, que le gouvernement irlandais ne demande à
bénéficier d’une égalité de traitement.
Car, pour sauver les banques européennes, en particulier britanniques,
le gouvernement irlandais a dû emprunter pour rembourser les
créanciers seniors des banques du pays. Les gouvernements grec et
portugais n’auraient également pas manqué de vouloir
monter dans le train.
En
changeant son fusil d’épaule, la BCE implique davantage le
système bancaire dans son propre sauvetage et contribue à
soulager la peine des États. N’est-ce pas tout simplement la
reconnaissance qu’il ne peut plus en être autrement, leur barque
ne pouvant être davantage chargée ?
Menacée
dans ses prérogatives par le projet de confier la surveillance des
banques à la BCE, l’Autorité des banques
européennes (ABE) vient de son côté de se rappeler au bon
souvenir de celles-ci et des gouvernements qui les protègent. Suite
à son annonce que « la grande majorité » des 27
banques dont elle avait demandé le renforcement de leurs fonds propres
y était parvenue dans les temps, elle a décidé que ces
mesures initialement présentées comme étant provisoires
étaient désormais permanentes.
Après
celui lancé par la BCE, c’est un second pavé dans la
mare, alors que ces mêmes banques exercent d’intenses et
discrètes pressions auprès du Comité de Bâle afin
que la nouvelle réglementation soit assouplie. Tout au plus est-il
consenti que, si une banque dans les clous venait à en sortir du fait
de ses pertes, elle devrait seulement présenter un plan de
renforcement de ses fonds propres sans nécessité de les
reconstituer immédiatement.
Par
contraste avec la France, le débat fait rage outre-Rhin à
propos des modalités de la stratégie de désendettement
à adopter, alors que les observateurs se demandent si Angela Merkel va être en mesure de
bénéficier au Bundestag de la « majorité de la
chancelière » (les seules voix de son propre camp) à
propos du sauvetage des banques espagnoles qui doit encore être
adopté pour pouvoir entrer en vigueur. Le SPD et les Verts voteront
pour, garantissant son adoption.
Mais
le débat porte également sur l’étape
d’après, à propos de l’éventualité
d’un sauvetage direct des banques par le MES qui divise. Angela Merkel tente d’éluder la question en
annonçant contre toute vraisemblance que la question n’a pas
été discutée au niveau européen, contredisant
avec le leader de la CSU, Horst Seehofer, le futur
directeur du MES, Klaus Regling. Qui prendra le
risque associé à de nouveaux renflouements des banques est la
question clé : l’État où leur siège social
est implanté ou le MES, c’est à dire la
collectivité des États dont celui-ci est issu ? Le débat
sur la mutualisation rejaillit à chaque instant.
Éclairage
significatif mais passé largement inaperçu, EADS (le groupe de
défense et d’aéronautique) étudie une demande de
licence bancaire afin de devenir sa propre banque et gérer par lui-même
ses 10 milliards d’euros de trésorerie. Une façon de la
mettre à l’abri.
La
question suivante, qui est sur toutes les lèvres mais celles-ci
restent encore serrées, concerne l’Italie. Comme leurs
consœurs espagnoles, les banques italiennes sont gavées de la
dette souveraine de leur pays, fragilisant à l’extrême
l’édifice financier du pays. Comment l’Italie va-t-elle
passer l’été, son programme de financement de la dette ne
pouvant indéfiniment attendre ? Va-t-elle pouvoir éviter de
demander à son tour – sous une forme ou sous une autre, depuis
que l’Espagne a montré que tous les chemins mènent…
à Rome – une aide financière européenne ?
L’éventualité de cette perspective pourrait expliquer
l’insistance avec laquelle Jean-Claude Juncker, le chef de file de
l’Eurogroupe, a demandé au Conseil
constitutionnel allemand de presser sa validation de l’approbation par
le Bundestag de la création du MES. Car le FESF ne ferait pas le
poids, s’il fallait aider l’Italie, ses moyens par ailleurs déjà
mobilisés pour aider les banques espagnoles. Le Conseil vient
d’informer que sa décision serait annoncée le 12
septembre prochain.
Jouant
ses dernières cartes, le gouvernement italien a mis sur pied un
programme de vente d’actifs de 120 milliards d’euros d’ici
2017. Vittorio Grilli, le ministre des finances, a
fait valoir que le projet prévoyait de vendre
l’équivalent de 1% du PIB du pays chaque année, omettant
de mentionner que la contraction prévisible de celui-ci en raison de
la récession était supérieure. Les impôts et taxes
ne cessent d’être augmentés et les coupes
budgétaires d’être réalisées, mais le
coût du service de la dette croit, le taux de celle-ci à dix ans
étant autour de 6%. La dette italienne était de 120% du PIB en
2011 et continue d’augmenter, ce qui explique le fort impact de la
hausse de ses taux obligataires au fur et à mesure de son
refinancement.
L’exposition
des banques françaises à la dette italienne publique et
privée, au premier rang d’entre elles BNP Paribas, est telle
qu’elles subiraient une secousse majeure en cas d’accident. En ce
sens, la prise de position de la BCE à propos de l’Espagne prend
toute son importance, si elle devait être alors renouvelée et
suivie d’effet. Le moment serait arrivé où le jeu de la
patate chaude touche à sa fin, surtout quand il fonctionne toujours
dans le même sens.
A
Madrid, une manifestation spontanée de plusieurs milliers de personnes
à démarré
hier via les réseaux sociaux, du siège du Parti populaire au
pouvoir à l’Assemblée nationale, aux cris de «
mains en l’air, ceci est un hold up! »
et « ils ne nous représentent pas ! ».
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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