Les
années 1970 sont marquées par une brève période
d’inflation aux États-Unis et en Europe. Au début de
cette période, des taux d’intérêt bas ont
incité les banques à chercher de meilleurs rendements
ailleurs ; ce qu’elles ont fait en investissant dans des pays en
voie de développement. Les banques, échaudées par la
crise de la dette de ces mêmes pays au début des années
1980, profitent de la hausse des taux d’intérêt dans les
pays occidentaux pour y rediriger leurs investissements. Pendant ce temps,
les banques de détail s’engagent de plus en plus dans le
métier de banque d’investissement, notamment via la souscription
des titres financiers innovateurs et la création de nouveaux
schémas d’investissement. Le point de départ visible de
ce « Big Bang » financier
remonte à 1986 avec les réformes de la place financière
de Londres.
Le boom
financier des années 1980 a d’abord été
caractérisé par l’irruption de schémas dits de crédit
syndiqué. Ce genre de schéma permettait à un
investisseur, associé à des banques ou fonds
d’investissement, d’acheter des grandes entreprises tout en
limitant l’engagement de ses propres fonds. Ceci était possible
grâce à l’effet de levier. Les
banques associées à l’opération levaient les fonds
nécessaires grâce à la souscription d’obligations
et par la création de nouveaux crédits. Évidemment, le
montage visait le rachat d’entreprises à fort potentiel
(valorisation boursière et rentabilité élevée) et
se justifiait par des
anticipations de gains élevés.
S’il est
vrai que les États-Unis constituaient le principal marché de
ces opérations, force est de constater qu’elles étaient,
en général, gérées par des banques
européennes, par des filiales européennes de banques
américaines et par des banques japonaises. Le Glass-Steagall Act
imposait, en effet, une séparation stricte aux Etats-Unis entre les
métiers traditionnels de la banque et ceux de la banque
d’investissement. Par conséquent, elles ne pouvaient pas participer à ces
opérations via la
souscription de titres, mais rien ne les empêchait d’y
concourir par la création
de crédit. L’intensité de la concurrence
internationale entre banques à réserves fractionnaires conduira
le système à financer de plus en plus d’opérations
risquées. Le crash boursier de 1987 va cependant tirer la sonnette
d’alarme sans pour autant mettre fin à l’explosion de ces opérations à
levier financier.
Face à
ces prises de risques de plus en plus importantes, la BIS (Bank of International Settlements) qui
observe l’accumulation d’actifs de plus en plus risqués
dans le bilan des banques depuis
la fin des années 1970, va essayer de les discipliner. C’est ainsi qu’avec les principales banques centrales du
monde, ils décident du
premier accord de Bâle, dit Bâle-I, en 1988 – suivi de Bâle
II en 2004 et Bâle III en 2010-2011. Cet accord établit que les
banques commerciales doivent détenir sous forme relativement liquide
8% du montant total de leurs actifs, pondérés par le risque en
capitaux propres. L’objectif est de rendre le système plus
stable.
La
réponse des banques
commerciales aux nouvelles dispositions en vigueur va être des
schémas financiers plus innovants encore. C’est ainsi qu’on voit
apparaître des SIVs (Structured Investment Vehicles)
et des SPVs (Special Purpose Vehicles)
qui ont la particularité de permettre aux banques de faire
disparaître de leurs bilans
les actifs les plus risqués et donc les plus gourmands en capitaux
propres, selon les critères de Bâle.
Un SIV vise
à profiter des écarts de rendement entre des créances de
court-terme et des produits financiers structurés de long-terme. Le
SIV émet des créances à court-terme, continûment
renouvelées, dont les
recettes servent à acquérir des actifs de long-terme, moins
liquides, mais plus rentables. En général, le SIV a un
partenariat avec une banque qui fournit le levier nécessaire aux opérations et peut ainsi valoriser des créances peu rentables.
Tant que le flux de recettes lié aux placements à long terme
– remboursements de
crédit hypothécaires et autres crédits à la
consommation – se maintient, le SIV peut rembourser ses créances
à court terme et dégager un profit.
Un SPV est
quant à lui une succursale de banque. Il est
généralement créé pour isoler certains actifs de
la banque de ses activités courantes. Avec les accords de Bâle,
les banques ont utilisé les SPVs pour y
transférer leurs actifs les plus risqués –souvent des
crédits hypothécaires et autres crédits de consommation.
Ces derniers serviront de base
à l’émission de produits dérivés. Les
recettes de la vente de ces dérivés sont inscrites sous forme
de liquidité dans le bilan des banques. Ici, le schéma ne peut
être maintenu que si les crédits sous-jacents des
dérivés sont remboursés.
Tant les SIVs que les SPVs sont
considérées comme des entités externes et
indépendantes des banques
qui les ont créées et ne sont donc pas soumises aux
dispositions des accords de Bâle. Leur création est tout
à fait légale et a permis aux banques de respecter les accords
de Bâle. Une chose est cependant certaine. Les banques savaient
très bien que leurs bilans étaient criblés de mauvais
actifs et elles n’avaient aucune intention d’en cesser la
création. Pour preuve, les banques ont continué,
jusqu’à l’écroulement du système en
2008, à créer
à tour de bras des crédits
qu’elles transféraient à leurs véhicules
d’investissement pour se débarrasser du risque et obtenir des liquidités
additionnelles. À suivre la
conclusion sur la culpabilité de la crise.
Voir la 1ère
partie et la 2ème
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