Il semble que la fin du mois de janvier ne se déroulera pas aussi calmement que ce que pouvaient prévoir les socialistes au gouvernement, concentrés qu’ils étaient sur les réformes sociétales indispensables à une France apaisée. En effet, pendant qu’ils alignent les projets de lois tous plus consternants les uns que les autres, le reste du monde, lui, continue d’afficher une santé délicate et quelques soubresauts récents laissent plus que perplexes.
À l’international, il devient difficile d’ignorer ce qui se passe en Amérique du Sud, en Chine, et en Ukraine dans une moindre mesure.
Si l’on peut arguer que les troubles ukrainiens n’ont pour le moment qu’un impact modéré sur l’économie mondiale, on peut cependant comprendre que toute escalade des violences là-bas se ressentira indirectement à mesure que le grand frère russe pourrait s’agiter et que l’Union Européenne pourrait émettre des inquiétudes.
Cependant, de l’autre côté du globe, la situation de deux pays sud-américains s’est passablement détériorée en quelques semaines.
Il y a tout d’abord l’Argentine, dont la monnaie s’est effondrée à tel point que le gouvernement (socialiste, est-ce nécessaire de le rappeler) argentin a été obligé d’abandonner le contrôle des changes.
La situation du pays, globalement mauvaise depuis plusieurs années, et particulièrement dégradée depuis le début des années 2000, s’est notoirement effondrée ces dernières semaines avec une inflation indomptable ; la récente décision des autorités argentines de limiter dans des proportions drastiques les importations de biens achetés en ligne montre la nervosité du pouvoir en place ; comme à chaque fois qu’un pays choisit résolument le tournant socialiste ferme et définitif, la faillite complète n’est plus très loin, et cela se sent déjà dans les rues des principales villes de ce pays qui fut pourtant, au début du 20ème siècle, l’un des plus riches du monde.
Au Venezuela, le chavisme joyeux et triomphant, perpétué par un Maduro aussi compétent que son prédécesseur, continue de se traduire concrètement par des petits soucis pour à peu près tout le monde, État compris. Tout comme en Argentine, l’inflation galope gentiment (autour de 300%) et le contrôle des changes — instauré pour faire rendre gorge au méchant capitalisme qui met systématiquement le socialisme en défaut — continue de ne pas porter ses fruits : les dollars américains, qui servent pour les importations, sont cruellement rationnés ce qui entraîne mécaniquement des problèmes d’importations et de pénuries sur à peu près tout sauf le pétrole. Ces pénuries entraînent là encore logiquement des hausses de prix, mises sur le dos de méchants spéculateurs, qu’on combattra « efficacement » avec un contrôle des prix qui aggravera le problème. La révolution bolivarienne suit donc le même chemin que la révolution des Kirchner en Argentine, c’est-à-dire celui de la catastrophe.
Les problèmes de ces pays ne sont évidemment pas sans conséquence pour les pays voisins : la bourse brésilienne s’est un peu pris les pieds dans le tapis jeudi dernier, dérapage provoqué par les craintes que les problèmes argentins pourraient déborder sur l’économie brésilienne.
De façon générale et comme le note un article récent de Bloomberg, difficile de ne pas voir que les signaux d’alertes s’accumulent sur les pays émergents qui semblent tous plus ou moins touchés par les problèmes économiques, et d’inflation notamment. L’impression folle de dollars américains suite à la multiplication des opérations de Quantitative Easing semble finalement aboutir à des effets pervers dans les économies émergentes ; en effet, au peso argentin et au bolivar venezuelien, il faut ajouter le real brésilien, la lire turque, le rand sud-africain ou le rouble russe qui montrent tous des signes de fièvre.
Quant à la Chine, il semble qu’on assiste à un discret bank-run dans certaines mutuelles coopératives : des déposants de ces fonds ont été incapables de récupérer leurs avoirs, pour des montants de « plusieurs centaines de millions ». Manifestement, la Chine, dont on avait noté les sur-investissements dans l’infrastructure, l’immobilier et l’industrie, voit la conjoncture (et le vent) tourner, et pas forcément à son avantage ; la récente contraction de l’industrie chinoise indique un net essoufflement de l’empire communiste.
Ces problèmes (en Chine et en Argentine notamment) ont décidé les autorités sud-coréennes (le ministre des finances, le gouverneur de la banque nationale coréenne et le régulateur local) à tenir une réunion d’urgence le 26 janvier pour étudier les problèmes des marchés émergents et se préparer en cas d’impact sur l’économie sud-coréenne. Les déclarations qui ont suivies cette réunion sont sans ambiguïté : le gouvernement sud-coréen a noté que l’anticipation de la fin des QE américains ainsi que le ralentissement économique chinois entraînaient des instabilités financières dans les marchés émergents comme l’Argentine et la Turquie.
Peut-être les Coréens ont-ils vu, eux aussi, les problèmes qui s’accumulent actuellement dans l’économie mondiale, et peut-être voient-ils dans la récente dégringolade (une trentaine de pourcents !) du Baltic Dry Index (l’indice du prix du fret par cargo) une preuve suffisante d’un arrêt global assez brutal, à l’instar de ce qui fut constaté en début 2008. En effet, si l’on sait que, traditionnellement, cet indice décroit après les fêtes, la chute constatée ces derniers jours est la plus forte depuis 1984.
Pendant ce temps, en Europe, les affaires ne semblent pas brillantes pour le dire gentiment. Il y a bien sûr les situations économiques de l’Espagne et de l’Italie qui ne sont pas aux mieux de leur forme, avec des taux de chômage particulièrement élevés. De son côté, la France montre aussi de belles contre-performances en matière d’emploi (je crois qu’il n’y a pas besoin de revenir sur les records que le pays enregistre actuellement), en matière de gestion de ses déficits (le dérapage continue). Et le petit « ouf » de soulagement, discrètement poussé par Moscovici à Davos alors que Moody’s aura laissé identique la note de la dette française, ne change absolument rien. En pratique, le pays est toujours sous observation négative, et l’état général de ses finances montre surtout qu’on n’a gagné qu’une poignée de semaines ou de mois tout au plus avant la dégradation inévitable.
De façon générale, la situation européenne est aussi médiocre que celle qu’on vient d’aborder pour les pays émergents. De surcroît, Christine Lagarde, toujours directrice générale du Fonds Monétaire International, s’est ouvertement inquiétée à Davos des niveaux extrêmement faibles d’inflation constatée en Europe, avec, selon elle, le risque évident que le continent sombre dans la déflation, qui est probablement la pire des choses qui puisse arriver aux élites politiques dont la place dépend ultimement de la création de crédit, très ralentie dans un tel contexte.
Ajoutons enfin que la banque HSBC vient de réduire les possibilités de retraits de ses clients à un minimum ridicule. Bien évidemment, cette banque s’abrite derrière le prétexte commode d’une lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent pour empêcher ses clients de retirer de larges sommes de leurs comptes, mais le constat reste : les clients de cette banque ne sont plus propriétaires des fonds qu’ils y déposent. Or, cette banque n’est pas à proprement parler en bonne santé financière. Et déjà, certains s’alarment d’une éventuelle faillite…
Tout ceci est, sans aucun doute, parfaitement rassurant. Encore plus rassurant est l’obstination des médias à parler des futilités habituelles : la France reste ainsi bloquée dans l’observation des soubresauts de la cour élyséenne, pendant que les signes économiques catastrophiques s’entassent à la porte des gouvernants qui semblent terriblement absorbés à s’occuper de leur image et de leur compte en banque.
Mais détendez-vous, de toute façon, tout ira bien : comme en Argentine et au Venezuela, ce sont les Gentils qui dirigent.
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