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Le
magasin Sephora des Champs-Élysées est interdit
d’ouverture au-delà de 21h le soir. Les syndicalistes n'ont
absolument pas rendu service aux salariés dont ils prétendent
pourtant défendre la condition.
Nous avions
évoqué l’affaire Bricorama l’an passé, qui
avait vu des organisations syndicales extérieures à
l’entreprise obliger une enseigne à fermer ses portes le
dimanche après saisine de la justice. C’est au tour de
l’enseigne Sephora de voir, dans des circonstances similaires, son
magasin phare des Champs-Élysées interdit d’ouverture par
voie de justice au-delà de 21h le soir. Je ne vais pas revenir sur
l’ensemble des arguments traités à l’époque,
mais rappeler deux points généralement peu ou pas
traités par les autres médias.
Un des "arguments"
des syndicats qui luttent pour empêcher des employeurs de proposer des
postes de travail après 21h, ou le dimanche, est que la demande
agrégée n'augmente pas en fonction des heures d'ouverture, et
que donc fermer les activités commerciales à 21h, voire
à 17h comme chez certains voisins, est bien suffisant. Un syndicat
sait évidemment mieux qu’un propriétaire de commerce ce
qui est bon pour lui.
Cette façon de penser
oublie que le "pouvoir d'achat" des consommateurs ne se mesure pas
seulement à l'aune de leur rapport revenu/niveau des prix. Il se
mesure aussi en accessibilité de l'offre, en temps disponible pour les
comparer, etc.
Du point de vue de l'offreur,
permettre à un magasin déjà ouvert du lundi au samedi
d'ouvrir le dimanche n'augmente son temps de mise en vente "que" de
16%. Négligeable, me rétorquera le
cégétiste anti-ouverture. Mais du point de vue d'une personne
salariée peu libre d'organiser son temps, cette ouverture
supplémentaire peut augmenter son "temps disponible pour le
shopping" de 50% et plus. Voilà qui lui permettra de passer plus
de temps à comparer les offres, ou lui permettra de dégager du
temps pour accéder à d'autres services (loisirs, culture, vie
sociale, etc.) aux heures ouvrables "habituelles". C'est donc un
gain de "pouvoir d'achat", pouvoir d'achat étant ici compris
au sens le plus large.
Une personne qui, grâce
à une disponibilité supérieure des offres,
"achète mieux", est une personne dont le niveau de vie
augmente, et qui peut utiliser les sommes économisées à
effectuer d’autres achats qu’elle n’aurait pu entreprendre
sans cela.
Application concrète :
le touriste asiatique qui visite la boutique Sephora des
Champs-Élysées le soir préfère sans doute
utiliser sa journée pour visiter la Tour Eiffel ou le Louvre. En
ouvrant largement ses portes en début de nuit, Sephora (ainsi que ses
confrères commerçants) attire cette clientèle peu
disponible en journée, et augmente les choix disponibles desdits
touristes. Sephora fait 20% de son chiffre d'affaires après 21h, mais,
ce faisant, permet à d'autres qui offrent une amplitude moins large de
faire également plus de chiffre. En ce sens, l'ouverture
élargie des commerces les plus attractifs est une source de business
supplémentaire aussi pour les autres activités.
L'autre "argument"
brandi par les camarades syndiqués est que les salariés, qui
sont nécessairement "exploités" par un vil patronat,
seraient forcés de travailler le dimanche contre leur volonté,
sous la menace d'un licenciement. Ce genre de pression inamicale existe, il
serait idiot de le nier. Mais il y a aussi des dizaines d'employés
(étudiants notamment) qui jugent que le bénéfice qu'ils
retirent de ces opportunités d'emploi est supérieur à
leur coût. Et à en juger par les réactions de
dépit de nombre de salariés de Sephora depuis l'annonce du
verdict de la cour d'appel (vidéo), ceux-ci
ne partagent pas du tout l’avis des syndicalistes qui ont saisi la
justice, qui sont des bureaucrates syndicaux détachés du monde
du travail. Ajoutons que les "patrons abusifs" le sont en
général pendant toute la plage d'ouverture, et pas uniquement
pendant les horaires élargis. Un patron plus incliné à
maintenir une relation sociale digne de ce nom avec ses salariés aura
plutôt tendance à gérer l'ouverture élargie de
façon humaine. Et un patron qui s'inscrit dans le long terme a
plutôt intérêt à faire fructifier l'énergie
de ses salariés, et donc à bien les traiter.
Le seul moyen efficace de
lutter contre les inévitables "patrons abusifs" qui n'ont
pas beaucoup de respect pour leurs salariés est de rendre facile, pour
un employé mal traité, de changer d'emploi. Pour cela, il faut
une économie dynamique, où des opportunités d'affaires
se créent constamment, où le chômage est bas et de courte
durée, "frictionnel". Or, l’ouverture nocturne ou
dominicale des commerces participe de cette dynamique. Ce n'est pas en tuant
toute possibilité de faire du commerce au-delà d'une norme
étroite établie par la CGT que l'on créera cette
société d'opportunités. Au contraire, dans une
économie où la peur du chômage est forte, le "petit
chef" autoritaire et anxiogène est roi. Les syndicalistes qui
réduisent l’enveloppe globale de travail ne rendent absolument
pas service aux salariés dont ils prétendent pourtant défendre
la condition.
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