On l’a dit, on le répète : la situation est grave parce que l’austérité
frappe la France de plein fouet, pif, paf. Partout, les élus, âpres à la dépense
et conscients de leur énorme responsabilité si un déficit trop gros venait à
obérer les finances publiques, font assaut d’inventivité pour tailler dans
les services obèses, couper les charges indues et affûter les budgets au plus
près.
Bien sûr, cela provoque de la grogne, des cris et des grincements de dents
chez ceux qui sont les premiers touchés par ces mesures courageuses. Ainsi,
le ministère de la Culture a-t-il pu mesurer les difficultés à assécher les
robinets d’argent public et l’impitoyable dureté des éléments se déchaînant
sur le monde des Arts a même fait l’objet d’une carte dédiée. Dans les collectivités territoriales,
la main ferme de l’État refuse d’ouvrir un peu la bourse publique, et les
élus locaux sont donc confrontés à de douloureuses décisions et doivent faire
preuve de créativité pour dégager des marges de manœuvre et faire des économies. Il faut dire que d’après la Cour des
comptes, ces collectivités n’ont encore fait que peu d’efforts pour réduire
leurs dépenses de fonctionnement (notamment en personnel). Serrer la vis
s’impose donc avec urgence pour redresser les finances du pays.
Et les résultats sont là ! Grâce à ces mesures inédites dans un pays jadis
habitué à la dépense, Christian Eckert, le secrétaire d’État au Budget, a eu
le plaisir d’annoncer que la masse salariale des collectivités
locales avait bondi de 4% l’an dernier après une progression de 3.1% en 2013
ce qui est très … heu… Bondi ? Quoi ? Hein ?
Vous voulez dire qu’en cette période de disette budgétaire et alors que le
déficit de l’État pour cette année ne devrait pas être inférieur à 70
milliards d’euros, nos élus sont infoutus non seulement d’arrêter les
embauches, non seulement n’arrivent pas à se contenter d’embaucher autant que
l’année précédente, mais qu’ils sont infoutus de s’empêcher
d’augmenter encore le nombre d’embauches d’une année à l’autre ?
Non ! Ce n’est pas possible. Si cela se savait, cela déclencherait, à n’en
pas douter, un mouvement de grogne sans précédent chez ces Français qui
payent, chèrement, ce genre de gabegies.
Et alors qu’on entend partout l’orchestre philharmonique d’instruments à
vent, pipeaux et flûtes de l’Élysée, jouer sa célèbre rhapsodie « On
fait 50 miyards d’économies », il est impensable de lire en parallèle que les dépenses publiques ont encore
augmenté, pour atteindre 57.7% des richesses produites, un chiffre
jamais atteint auparavant.
Pourtant, pourtant, rappelez-vous, on a bien dit partout que l’austérité
frappe les Français ! On a même entendu, partout, sur les plateaux télé,
à la radio, on a lu dans moult éditoriaux d’une presse massivement
subventionnée que la crise obligeait des économies dans les services publics
(que le monde nous envie) à tel point que ces services sont menacés au moment
même où les Français en ont le plus besoin (bien sûr) !
Nous aurait-on menti ? Nos élus nous bobarderaient-ils le visage sans
vergogne ? Ne se foutrait-on pas un petit peu de notre gueule ?
Oh, ce serait du populisme que dire ça. Il semble évident que, derrière
les masses ventripotentes qui siègent à l’Assemblée et au Sénat se cachent
des hommes et des femmes respectueux des Français et de leurs finances, qui
n’ont à cœur que le bien-être du contribuable si souvent mis à mal.
D’ailleurs, c’est précisément pour cela que jamais, ô grand jamais, ces élus
ne voteraient, en pleine crise, une loi pour augmenter encore (encore
!) les indemnités de certaines catégories de hauts fonctionnaires.
Jamais.
Ah tiens, si.
Apparemment, même en période de crise, on peut être élu de gauche, qui
pense au peuple qui trime, ou de droite, qui fait attention aux deniers
publics, et voter dans une belle décontraction une augmentation pour des
hauts fonctionnaires alors qu’il est plus que temps que toute
augmentation, toute nouvelle embauche soit parfaitement et totalement
proscrite.
Mais à bien y réfléchir, peut-être que ces votes d’augmentations,
peut-être que ce déni des uns et des autres (Delaunay, qui estime sans
rire que « L’État et les collectivités sont générateurs d’emplois »
ou Philippe Laurent, président de la Commission des finances de l’AMF,
Association des maires de France, qui rétorque simplement qu’« Il ne
peut pas en 2014 y avoir 4% de progression de la masse salariale »),
peut-être que cette parfaite déconnexion avec la réalité explique assez bien
le constat sans échappatoire possible que, non, non, l’austérité n’a
toujours pas commencé en France ?
Peut-être cette préoccupation à continuer le train-train quotidien des
dépenses fumistoïdes, des gabegies décontractées et le déni douillet qui les
accompagne expliquent-ils que non, loin s’en faut, le gouvernement, les
politiciens et les administrations sous leur responsabilité ne font
absolument pas ce qu’il faut, et ont même la furieuse tendance à accroître le
problème ? Par exemple, alors que tous ceux qui ont encore un contact avec le
réel ont bien compris que l’un des gros problèmes qui plombent le pays est le
poids des charges, comment interpréter un petit amendement ajouté lors du
vote de la loi de finance de Sécurité sociale pour 2015, petit amendement qui
ouvre grand la porte à l’obligation de payer des cotisations pour les
gérants minoritaires non salariés ? Tout comme les
centaines de bonnes idées précédentes (depuis la loi Macron jusqu’à la loi Consommation en passant par d’autres), toujours motivées par les meilleures
intentions, et déclenchant toujours les pires catastrophes, comment ne pas
voir ici à l’œuvre une bonne dose de crétinerie ou un désir pervers
d’emmerder encore un peu plus certaines personnes ?
Comment ne pas voir, devant l’accumulation de ces débilités néfastes, que
nos élus sont maintenant prêts à raconter n’importe quelle bêtise pour faire
perdurer la situation tant qu’elle leur est profitable ? Comment ne pas voir
leur déni, et comment ne pas voir qu’au final, … ce pays est foutu ?
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