Les
mêle-tout qui souffrent d’une déficience intellectuelle et peuplent les monts
et vallons de l’univers des commentaires, des informations câblées, de la blogosphère
et des vestiges pathétiques du journal papier s’extasient partout de la
baisse du prix de l’essence. Ajoutez à cela le mythe de l’indépendance
énergétique des Etats-Unis, mélangez le tout à l’approche de l’hiver dans la
région pétrolière du nord du Dakota, décorez le tout du vortex polaire du
début novembre, et vous avez là de quoi briser toutes les attentes.
La
baisse du prix du pétrole est un symptôme de l’escalade de l’instabilité de
par le monde. Après des années de stagnation, de complaisance et de prétendus
officiels, la matrice de systèmes dont dépend le fonctionnement de notre
société techno-industrielle se retrouve mise en pièces. Les officiels
américains eux-mêmes ne sont pas certains de ce à quoi ils assistent, ou ne
veulent pas que nous sachions ce qu’ils en pensent. Les tensions entre
l’énergie, la monnaie et l’économie sont entrées dans une nouvelle phase de
destruction.
L’économie
globale a attrapé l’équivalent financier de l’Ebola : la déflation, qui
n’est autre que la reconnaissance du fait que la dette ne pourra jamais être
remboursée, que les obligations ne pourront être satisfaites et que les
contrats ne pourront être honorés. En conséquence, le crédit s’évapore et les
activités commerciales effectives sont en déclin. Qui pourrait bien vouloir
envoyer une cargaison de bauxite vers Guanghzou si personne au port d’arrivée
n’est prêt à payer cette livraison par chèque certifié ? L’Ebola
financière fait que les tissus conjonctifs du commerce commencent à se
dissoudre ; et très bientôt, les économies nationales commenceront
doucement à se vider de leur sang.
Tout
cela se manifeste entre autres dans les fluctuations violentes des valeurs
comparatives des monnaies. Le yen japonais et l’euro baissent, et le dollar
grimpe. Tout s’est passé en l’espace de quelques mois, ce qui n’est rien de
plus qu’un instant dans l’univers monétaire. Les meneurs américains pensent
que la montée en puissance du dollar est comparable à l’amélioration du score
d’une équipe de football de la NFL n’importe quel dimanche de l’année.
« On est les champions ! » Mais ça n’a rien à voir. L’économie
globale n’a rien à voir avec une compétition de football insignifiante.
Quand
la valeur des devises fluctue très rapidement, comme au cours de ces derniers
mois, les grosses banques font face à de gros problèmes. Leurs sources de
revenus sont liées à ce que nous appelons les « carry trades », qui
consistent en de grosses sommes de monnaie empruntées en une devise
particulière afin de parier sur d’autres. Lorsque la valeur d’une devise
fluctue brutalement, les carry trades explosent. Il en va de même pour les
produits dérivés comme les paris sur les différentiels de taux d’intérêt.
Lorsque les sommes impliquées deviennent grotesquement larges, les parties
impliquées découvrent qu’elles n’ont jamais eu la capacité de rembourser
leurs paris perdants, et que tout n’était qu’un jeu de prétendu. A dire vrai,
l’idée que leurs paris puissent mal tourner n’a jamais été prise en compte
dans leurs calculs. La conséquence nette de cette ridicule irresponsabilité
est que les banques se retrouvent incapables de s’accorder une confiance
mutuelle quel que soit le type de transaction impliqué.
Et
lorsque cette situation se présente, le flux de crédit que nous appelons
« liquidité » s’assèche, et nous entrons une phase de crise
financière. Personne ne peut plus rembourser personne. Personne ne fait plus
confiance à personne. Des fortunes se perdent. De lourds éléphants titubent,
s’écrasent au sol et meurent. Et beaucoup de « petites gens » se retrouvent
écrasés sur le sol poussiéreux.
Les
réjouissances qui accompagnent la baisse du prix du pétrole à la pompe,
combinées à l’instabilité des marchés des devises, finiront par faire se
déferler une vague de destruction sur le miracle du pétrole de schiste.
L’industrie du pétrole de schiste s’est longtemps reposée sur des
financements toxiques aux rendements élevés pour financer ses opérations de
forage et de fracturation – qui sont impératives en raison de l’épuisement
rapide des puits de pétrole de schiste. La production de pétrole de schiste
n’a depuis 2006 jamais été une opération profitable. A moins de 80 dollars le
baril, ceux qui éprouvaient déjà des difficultés à enregistrer des profits
lorsque le prix du baril était de 100 dollars se retrouvent en grande
difficulté. Une majorité de ces investissements toxiques ne vaudront bientôt
plus rien, et la « communauté de l’investissement » devrait bientôt
ne plus en réclamer davantage. Voilà qui laissera le gouvernement des
Etats-Unis dans le rôle d’investisseur de dernier recours. Voilà qui devrait
être l’élément déclencheur du prochain programme de QE. La destination ultime
de tout cela ne sera rien de plus que la crise financière de 2015.