|
Depuis sa
conception et son introduction, l’Euro a été la cible de
nombreuses critiques, issues de différents courants économiques
incluant les keynésiens et les néoclassiques. Ces critiques se
concentrent surtout sur des questions de forme plutôt que de fond. Plus
que sa nature – à savoir, une monnaie papier produite par une
banque centrale – c’est la gestion de l’Euro qui est
généralement visée, l’indépendance de la
BCE vis-à-vis des gouvernements des membres de la zone Euro, ses objectifs
(stabilité
monétaire et stabilité des prix versus croissance
économique) et les méthodes de refinancement des banques
commerciales.
Ces critiques
ne remettent pas vraiment en question la faisabilité ou la
désirabilité de la monnaie unique considérée comme
un élément supplémentaire d’union entre les pays
européens et comme une garantie contre les politiques de dévaluation
pro-exportation typiques de l’entre-deux guerres et de la
période post-Bretton Woods.
À
l’inverse, seuls les économistes dits de l’École d’économie
autrichienne se sont montrés critiques à l’égard
de la nature même du système monétaire européen
mis en place depuis 1999. Ils sont critiques du fait qu’une banque
centrale monopolise la production de papier-monnaie et soutienne un
système bancaire à réserves fractionnaires.
Quatre ans
après le début de la crise grecque, devenue entretemps une
crise de la dette publique européenne et par conséquent une
crise de l’Euro, les critiques contre l’Euro sont revenues avec
plus de force de la part de tous les spectres politiques. L’École
d’économie autrichienne revient alors aux esprits des critiques.
La gauche s’approprie la critique autrichienne qui vise l’aide apportée
par la BCE au système bancaire à réserves
fractionnaires. La droite, quant à elle, souligne un aspect de la
critique Autrichienne, à savoir que cette monnaie supranationale a
échoué à apporter une quelconque stabilité
monétaire dans la zone euro et qu’elle a plutôt affaibli
les pays membres en contribuant à leur endettement.
Chacun prend
ce qui convient à sa rhétorique mais tous évitent
d’embrasser la critique de fond du système actuel défendu
par les autrichiens, à savoir que le problème de l’Euro
est avant tout lié au monopole dont il fait l’objet. À
gauche, loin de déplorer ce fait, il s’agit de garder une
monnaie papier monopolisée par l’État, mais de se garder
d’aider systématiquement les banques. À droite, le monopole ne pose
problème qu’en ce qu’il n’est pas dans les mains
d’un État national. À
gauche comme à droite, il est entendu que la monnaie papier doit
assurer financement direct, et inflationniste, des dépenses publiques.
Ce sont
là des positions très éloignés de celles de l’École
d’économie autrichienne. Nous pouvons distinguer trois propositions
autrichiennes alternatives à l’Euro. Malgré leurs
différences, ces propositions ne réservent pratiquement aucun
rôle fondamental pour un quelconque monopole étatique de la
production monétaire – sauf pour la troisième qui lui
réserve un rôle mineur.
Une proposition,
fondée sur les écrits de Murray N. Rothbard,
Jesus Huerta de Soto et en partie sur ceux de
Ludwig von Mises, recommande de remplacer l’Euro
par un étalon-or pur.
Cet étalon-or rétablirait le statut de l’or comme base
monétaire de l’économie ainsi que sa circulation
monétaire. Le papier-monnaie pourrait toujours exister, mais serait
équivalent à des certificats de dépôts en or auprès
d’une banque (nationale ou pas). Les banques de dépôt
devraient garantir la couverture totale des dépôts à vue
par des réserves en or. L’État dans un tel système
ne peut pas faire de politique monétaire. La production
monétaire dépend uniquement des producteurs d’or.
Une
deuxième proposition, fondée sur les travaux de Friedrich A. von Hayek, Lawrence White, George Selgin
et en partie sur ceux de Ludwig von Mises, consiste
tout simplement à abolir le monopole monétaire de l’État
et à libéraliser totalement la production monétaire dans
le marché. Selon ces auteurs,
nous verrions alors apparaître une diversité de producteurs de
monnaie ainsi qu’une diversité de monnaies. Ces producteurs
peuvent être des banques, des exploitants de métaux
précieux, des informaticiens, etc. L’important est
d’assurer la libre concurrence entre les différentes monnaies.
Les réserves fractionnaires ne seraient pas interdites, mais les
banques qui en feraient usage ne seraient plus couvertes par une banque
centrale qui disparaît du modèle proposé. Tout moyen de
payement dérivé d’un dépôt bancaire doit
être totalement remboursable dans sa monnaie de base. La plupart des
auteurs cités ci-dessus croient alors à une évolution de
ce système vers un étalon métallique. Encore une fois,
l’État perd sa capacité d’utiliser la politique
monétaire.
Finalement, la
proposition d’Antal Fekete (dont l’appartenance au mainstream autrichien reste à débattre)
consiste en un hybride entre l’étalon-or du 19ème
siècle et le Plan
de Chicago. L’or reste la base monétaire dans
l’économie tandis que le papier-monnaie doit forcément
être convertible en or à la demande. Les banques à
réserves fractionnaires restent autorisées et la banque
centrale existerait toujours, mais les conditions de leur fonctionnement
changent. Les banques peuvent créer des crédits afin de
financer le commerce de marchandises par
le financement à court terme d’instruments négociables et
de lettres de change. En outre, ces instruments financiers de court terme
doivent être remboursables en or et non en papier-monnaie. Ainsi, le
crédit créé par les banques aurait une double
garantie : celle d’être auto-liquidable au bout de la
maturité traditionnelle de 91 jours du marché monétaire,
et celle de l’existence concrète des marchandises derrière les instruments du
marché monétaire. Si jamais les banques présentent des
difficultés, la banque centrale serait prête à escompter en
or des instruments et lettres dans leur bilan, mais rien d’autre. Aucun
titre de long terme ne serait donc éligible au financement bancaire ou
à l’escompte de la banque centrale. Puisque la base
monétaire est l’or, dont la production resterait privée,
l’État perd là encore sa capacité à
utiliser la politique monétaire.
Comme nous
pouvons le constater, aucune des propositions autrichiennes n’est
compatible avec les alternatives à l’Euro prônées
par la gauche ou la droite en Europe. En effet, pour les autrichiens, les
alternatives actuellement proposées sont aussi critiquables que le
système actuellement en œuvre et un auteur comme Jesus Huerta de Soto, pragmatique, défend
même l’Euro contre les propositions qui viseraient à
sortir de l’Euro pour redonner aux gouvernements les moyens d’une
politique monétaire encore plus inflationniste.
|
|