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Les
récents événements
en France ont peut-être eu tendance à nous faire oublier
qu’en Norvège, il y a quelques mois, un autre extrémiste,
Anders Behring Breivik, s’était
adonné à des tueries beaucoup plus sanglantes
encore que Mohamed Merah. Soixante-dix-sept
personnes avaient ainsi perdu la vie de son fait. De façon sadique, Breivik s’était, entre autres, fait passer
pour un officier de police cherchant à protéger la
sécurité de jeunes participants du Parti travailliste avant de
leur tirer dessus sauvagement. Certains d’entre eux, apeurés,
ont alors plongé dans un lac glacial mais une partie des nageurs
n’ont malheureusement pas survécu.
Ambitieux et
ayant décidément la dent dure contre le parti au pouvoir, le
tueur avait même, au moyen de bombes, endommagé
les sièges des ministères des Finances et du Pétrole
norvégiens. Les vitres du bureau du Premier ministre, Jens
Stoltenberg, avaient également quelque peu souffert des
déflagrations.
Aujourd’hui,
le procès de Breivik est en cours. Il ne nie
pas les attaques. Il les assume pleinement, estimant qu’elles visaient
« des traîtres à la patrie ».
Ces attaques, Breivik les avait minutieusement
préparées depuis de longues années, preuve qu’il
était un homme absolument rationnel et intelligent. La façon
dont il a élaboré son plan est remarquable de cruauté.
Ce n’est pas pour rien s’il s’agit de la plus grave attaque
en Norvège depuis la Seconde Guerre mondiale.
Pourtant,
assez curieusement, deux experts-psychiatres mandatés par la justice
norvégienne, fin novembre, avaient estimé
que Breivik devait être reconnu
pénalement irresponsable de son geste ! Loin de nous
l’idée de nous substituer à ces experts,
professionnellement plus au fait de ces questions et du dossier que nous,
mais on peut trouver étrange ce rapport.
Il semblerait
de plus en plus qu’aujourd’hui, on refuse catégoriquement
d’accepter le fait que des individus sains d’esprit et
intelligents puissent véhiculer des idéologies haineuses.
Est-ce le meilleur moyen de combattre ces idées que de
décréter que seules des personnes folles et irresponsables
peuvent les défendre ? Pas si sûr… De plus, si,
aujourd’hui, le champ des idées assimilées à la
folie est restreint, il se peut qu’à l’avenir, il tende
à s’accroître indéfiniment…
Par ailleurs,
si, effectivement, ces experts ont conclu à
l’irresponsabilité pénale de Breivik,
en revanche – et cela tend à appuyer nos questionnements
à ce sujet – les psychologues et psychiatres chargés de
son suivi en prison ont dit ne pas avoir relevé chez lui de signes de
la « schizophrénie paranoïde »
mentionnée dans le rapport officiel. Il est alors somme toute logique
que les avocats des victimes aient exigé une nouvelle expertise
psychiatrique, d’autant que ledit rapport éviterait à Breivik une peine de prison.
La Cour
d’appel d’Oslo confirmera
ensuite une décision du tribunal de première instance selon
laquelle Breivik devait subir une nouvelle
évaluation psychiatrique. Pourtant, le Parquet norvégien a
indiqué être prêt à reconnaître
l’irresponsabilité pénale de Breivik.
Le recours
à l’irresponsabilité pénale est devenu un travers
contemporain un peu trop commode dans les sociétés occidentales.
Seule la Suède a eu le courage, en 1962, de faire des
troubles mentaux, uniquement une circonstance atténuante justifiant
l’application d’une peine particulière. Toutefois, la
peine de prison est écartée pour les personnes souffrant de
telles affections.
Pour le coup,
sans être un grand fan de ce philosophe, je ne peux que souscrire
à la pensée de Hegel en la matière, lequel expliquait
que même le « fou » demeurait un être doué
de raison et, qu’à ce titre, il était normalement
punissable. La médicalisation contemporaine de la
responsabilité n’est qu’un avatar de plus de la
déresponsabilisation plus générale frappant nos sociétés.
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