Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Les journalistes adorent les formules « concepts ».
En France, nous avions donc le Sarkhollande, la
contraction de Sarkozy et de Hollande. L'idée de ce mot concept
était de dire que fondamentalement, la politique qui serait
menée par l'un ou par l'autre serait assez peu différente, dans
la mesure où la réalité économique et des
pouvoirs de forces s'imposent à tous, et qu'en plus bien sûr,
les marges de manœuvre sont faibles.
Obama
Romney, même combat
En pleine élection présidentielle américaine, la
même logique s'applique aux États-Unis. Elle est résumée
sous le terme « d'Obamney »,
la contraction cette fois du président sortant Obama et de son
adversaire républicain Romney.
Alors il semblerait que Romney souhaite le départ du gouverneur
de la Banque centrale américaine (la FED), Ben Bernanke.
Ok et « so what
? », comme diraient nos amis d'outre-Atlantique. On peut remplacer
le coach sans changer la stratégie de jeu ni les joueurs...
En cas de victoire, le camp républicain pourrait-il stopper la
politique de création monétaire de la Réserve
fédérale ? À mon avis, c'est impossible. Pour la simple
et bonne raison que malgré toute l'idéologie libérale
des républicains, laisser faire le marché dans la situation
actuelle c'est vouloir déclencher non pas une récession mais
une dépression bien plus grave que celle de 1929.
Si la FED stoppe ses QE et ses programmes d'assouplissement
quantitatif (j'adore cette expression), alors la bourse de New York
s'effondre en ligne droite. Avec cette chute, c'est la retraite de millions
de retraités américains qui seront drastiquement
diminuées (puisqu'une partie importante du capital placé par
les retraités l’est dans des fonds de pensions investis en forte
majorité sur les marchés actions).
Non, la véritable inquiétude de Wall Street, c'est
plutôt de voir Obama réélu mais sans majorité dans
l'une des deux chambres, ce qui pourrait paralyser l'exécutif et
rendre difficile tout compromis « bipartisans » sur
deux sujets clés, que sont :
1/ La politique fiscale avec le fameux « mur
fiscal » (« fiscal cliff »),
puisque aux États-Unis aussi il va peut être
commencer à être temps de
réfléchir à une façon de payer les dettes.
2/ Le plafond de la dette de l'état fédéral qui
doit être relevé et nécessite un accord des chambres...
donc des républicains.
Une élection de Romney serait donc plus sereine pour les
« marchés » et les « zinvestisseurs ». Il n'est pas impossible
d'ailleurs que cet élément de la majorité
nécessaire pour gouverner pèse dans le vote d'aujourd'hui.
Côté politique étrangère, Romney sera sans
doute moins consensuel qu'Obama, pour autant que l'on puisse dire d'un
président américain qu'il fut consensuel.
Le prochain président US sera le président... US, pas le
Président du Monde. Il protège et défend les
intérêts des États-Unis.
Enfin, le cauchemar pour nos financiers serait un mauvais remake de
l'élection de 2000 où il avait fallu un mois de bataille
juridique avant que la Cour suprême ne déclare (injustement)
« deuble U Bush »
président.
L'incertitude serait, dans le moment actuel, une très mauvaise
chose et aggraverait un climat déjà fortement
dégradé.
Qui est
Romney ?
Comme les surprises ne sont pas à écarter et bien
qu'Obama ait été déjà largement élu et
réélu par les Européens, c'est avant tout au peuple
américain de voter... et le peuple américain n'est pas le
peuple européen (je ne peux pas en dire plus sous peine d'être
immédiatement taxé d'anti-américanisme primaire et
stupide), si vous voyez ce que je veux dire...
Alors voici une petite bio rapide du peut-être futur
président après quelques jours de suspens insoutenables....
C'est un homme intelligent, diplômé d'Harvard (qui n'est
pas une petite fac), qui a fait fortune en participant à la
création de l'un des plus gros fonds d'investissement
américains. Il n'est pas vraiment parti de rien, puisqu'il est un fils
de gouverneur, ceci expliquant beaucoup cela, sans pour autant retirer de
talent à cet homme.
Croyant et rigoureux, c'est un grand travailleur et surtout... un bon
gestionnaire, comme il a pu le prouver en redressant les comptes des JO.
Détaillons donc un peu.
Après avoir passé son enfance à Bloomfield Hills (Michigan), Mitt Romney
réside deux ans et demi en France dans les années 1960, en tant
que missionnaire mormon. En 1971, il participe aux deux campagnes politiques
menées par ses parents et obtient, la même année, un Bachelor of Arts de l'Université Brigham Young, puis un Master of Business Administration
à Harvard, en 1975.
Romney se spécialise dans le conseil en stratégie et
intègre Bain & Company en 1977. Il en
devient plus tard le directeur général et parvient à la
sortir de la crise financière qu'elle connaît.
En 1984, il cofonde et dirige Bain Capital, qui
devient une des plus grandes sociétés d'investissement aux
États-Unis ; son bénéfice net, estimé entre 190
et 250 millions de dollars, permet à Mitt
Romney de financer ses campagnes politiques.
En tant que membre de l'église mormone, Romney est, pendant sa
carrière d'homme d'affaires, évêque de sa
congrégation, avant de devenir président de son diocèse
de Boston. Il abandonne ensuite Bain Capital et son rôle dans
l'Église afin de se consacrer à la politique.
Candidat sans succès du Parti républicain à
l'élection sénatoriale de 1994 dans le Massachusetts face
à Ted Kennedy, il retourne à Bain Capital.
Désigné président du « Comité de
Salt Lake City chargé de l'organisation des Jeux olympiques et
paralympiques d'hiver de 2002 », Romney parvient à redresser les
finances du comité, ce qui relance sa carrière politique. Il
devient gouverneur du Massachussets à
l'issue de l'élection de 2002.
Il est à l'origine d'une réforme
permettant à tous les habitants de bénéficier d'une
assurance maladie avec le choix de souscrire auprès de l'État
ou auprès d'une compagnie privée d'assurance. Il
redresse également les finances de son État, allégeant
le déficit de deux milliards de dollars grâce à une
combinaison de réduction des dépenses, d'augmentation des
impôts et de baisse des impôts sur les PME.
Il ne brigue pas un second mandat de gouverneur en 2006 et
préfère se porter candidat à la
primaire présidentielle républicaine de 2008, qu'il perd
au profit de John McCain, après avoir néanmoins remporté
plusieurs primaires. Une nouvelle fois candidat en 2012, il parvient à
être désigné par le Parti républicain afin d'affronter
le président sortant, Barack Obama, à l'élection
présidentielle. Son colistier est le représentant Paul Ryan.
Mitt Romney est le fils de George W. Romney
(1907-1995) qui fut, notamment, président de American Motors
Corporation de 1954 à 1962, gouverneur du Michigan de 1963 à
1969 et candidat aux élections primaires républicaines pour
l'élection présidentielle de 1968. Sa mère, Lenore LaFount-Romney (1908-1998), était une ancienne
apprentie actrice de la fin des années 1920, et elle fut candidate au
poste de sénateur du Michigan en 1970. Les
arrière-grands-parents de Mitt Romney
étaient des mormons polygames qui avaient fui les États-Unis
pour le Mexique à la fin du XIXe siècle avec leurs
enfants à cause de l’interdiction de la polygamie par le
gouvernement fédéral, à un moment où
l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours
n’avait pas encore renoncé à cette pratique. C'est ainsi
que George Romney naquit au Mexique, dans une colonie mormone.
À la suite de la révolution mexicaine de 1910, la
famille Romney revient aux États-Unis et s'installe dans l'Idaho,
avant de s'établir dans l'Utah à Salt Lake City.
Dernier d'une famille de quatre enfants, Mitt
Romney est élevé dans le strict respect de la foi mormone. Il a
22 ans quand il épouse sa petite amie de l'école secondaire,
Ann Davies, convertie à sa foi et avec qui il aura cinq enfants.
En 1966, il n'a que 19 ans quand il part pour deux ans en France comme
missionnaire mormon. En 1968, il est victime d'un grave accident de voiture en
Gironde, à Bernos-Beaulac. Le
président de mission retourne aux États-Unis suite au
décès de son épouse dans ce même accident. Mitt Romney se voit alors confier la direction des
quelque 200 missionnaires que compte la « mission française
» dont le siège est à Paris ; à cette époque-là
deux autres missions mormones – la « mission franco-belge »
et la « mission franco-suisse » – couvrent une partie de la
France. Il dépassera les objectifs fixés de prosélytisme.
De ce séjour, il garde l'image d'un pays plus archaïque que
révolutionnaire. Il déclare ainsi au Wall Street Journal en
novembre 2007 qu'une victoire de Hillary Clinton à l'élection
présidentielle de 2008 « ferait de l'Amérique la France
du XXIe siècle : une ancienne grande puissance devenue un
second couteau ».
En 1975, il obtient un MBA et un diplôme de droit à
Harvard. Il entre alors chez Bain & Co., un cabinet de stratégie
qui a entre autres clients la firme Monsanto de 1977
à 1985, puis se laisse convaincre par six collègues et amis de
participer à la fondation de Bain Capital, une société
d'investissement. Une photographie faite alors par un journaliste du Boston
Globe qui ne la publiera qu'en 2007, montre les sept fondateurs de Bain
Capital avec des billets dans les poches, entre les dents..., indiquant ainsi
leur statut de golden boys. Il prend alors comme assistant principal T.
Coleman Andrews III, petit-fils de T. Coleman Andrews, un candidat
indépendant à la présidentielle de 1956. À
l'époque, Romney négocie avec Bain & Co. la
possibilité de revenir au cabinet en cas d'échec de Bain
Capital. Ce sera en fait un immense succès, tous les fondateurs et
premiers membres devenant de richissimes hommes d'affaires. Au cours des
années, la réussite professionnelle de Romney lui permet
d'amasser une fortune personnelle estimée à 200 millions de
dollars.
Trois des co-fondateurs de Bain Capital travailleront pour Romney l'homme
politique : Eric Kriss, qui fut son secrétaire des finances, et Fraser
Bullock, également mormon, qui fut son bras
droit pour l'organisation des Jeux olympiques d'hiver de 2002, et surtout Bob
White, qui détient une partie des parts des Boston Celtics
et assiste de près Romney dans la campagne présidentielle de
2012.
En 1999, il est chargé de sauver de la faillite les Jeux
olympiques d'hiver qui auront lieu en 2002 à Salt Lake City, où
se trouve le siège du mormonisme. Il parvient à clore son
budget avec un excédent de 100 millions de dollars et à
rétablir la réputation des JO, jusqu'alors minés par la
corruption.
Voilà, vous savez tout, ou presque, il vous manque bien
quelques rumeurs concernant les rapports entre la société Bain
Capital et la CIA, mais vu que ce sont des rumeurs, nous n'en parlerons pas
dans nos colonnes !!
Charles
SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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