[Maj: 2 avril 2013 - Voir notes de bas de page]
Vous avez tous entendu parler de la tarification progressive de l’énergie
(“loi Brottes”) que vient de voter, après pas mal de vicissitudes, le
parlement, ce 11 mars. Pour une présentation sérieuse de cette loi,
vous pouvez par exemple lire
“le moniteur”, publication certes peu distrayante mais professionnelle.
Pour une critique O combien sérieuse et argumentée, mais malgré tout joyeuse,
de la
débilité de cette loi, rien ne vaut H16.
Quand l’état décide ce que vous avez le droit de consommer.
Pour faire court: l’état va, grâce à des armées de bureaucrates chargés de
recueillir des données sur le nombre de personnes de votre foyer et votre
lieu d’habitation, déterminer ce que devrait être votre niveau de
consommation d’électricité si vous étiez un bon citoyen éco-responsable qui
n’épuise pas les ressources de la planète. Et si, espèce de salaud, vous
consommez plus, parce que, par exemple, vous n’avez pas fait isoler votre
maison correctement, ou vous aimez chauffer votre chambre à 21° plutôt que
19, alors l’état forcera votre vendeur d’électricité à vous appliquer un
tarif plus lourd. Accessoirement, la loi va accélérer le déploiment
d’éoliennes, dont vous savez sans doute qu’elles sont financées par la
“contribution au service public de l’électricité”, une petite ligne en bas de
vos factures qui a vocation à prendre beaucoup d’ampleur dans les années qui
viennent.
Cette loi est évidemment votée officeillement pour des motifs
environnementaux: plus nous produisons d’énergie, plus nous sommes supposés
épuiser les ressources de la planète, et détraquer notre climat. Le député
Brottes et ses confrères (et soeurs) n’est sans doute pas au courant, si
j’ose dire, des avancées décisives en train de se produire dans tous les
secteurs de l’énergie, qui nous garantiront, si les socialistes n’y mettent
pas leurs sales pattes, une électricité produite de façon peu polluante très
abondante et bon marché, qu’il ne sera absolument pas nécessaire de
rationner. Il n’a sans doute jamais entendu parler des doutes exprimés par un
nombre croissant de scientifiques de très haut niveau sur la validité de la
thèse liant nos rejets de CO2 (gaz
non polluant, faut il le rappeler) à un très surestimé réchauffement
climatique, dont le caractère dramatique est lui aussi de plus en plus sujet
à caution. Il réédite l’errreur de tous les catastrophistes de toutes les
époques, rappelée
par le défunt Michael Crichton: imaginer les solutions à d’hypothétiques
problèmes de demain uniquement au travers des seules solutions
existantes aujourd’hui.
Bref, au nom d’une certaine conception de l’écologie qui oublie
soigneusement d’évaluer la qualité de ses fondements scientifiques, les
députés socialistes et leurs amis verts vont progressivement transformer le
quotidien de nombreuses familles françaises en cauchemar, notamment
financier. Et ce n’est pas une vue de l’esprit: en Grande Bretagne, où la
folie des “renouvelables” est paroxystique, 20% des
familles n’arrivent plus à régler leurs factures énergétiques. En
Allemagne, elle fait l’objet de débats... enflammés, et plus de 600 000
ménages se sont vus privés de courant faute de pouvoir payer leurs arriérés.
Et le renchérissement induit du coût de l’énergie menace la sacro-sainte
compétitivité des entreprises du pays.
Si ça marche pour l’énergie, pourquoi pas la viande ?
Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
Deux sénateurs, M. Kiembach (PS, Moselle) et Mme Rougié (EELV, Bouches du
Rhône), s’avisant que la consommation excessive de viande pouvait également,
selon les dires d’organisations parfaitement officielles, provoquer de graves
désordres écologiques, ont décidé de transposer le principe de la loi Brottes
à nos consommations carnées, et proposent, tenez vous bien, d’imposer un
tarif progressif sur la viande de Boeuf et de mouton, pour commencer.
Avant de détailler les modalités ahurissantes que nos deux grosses légumes
ont imaginées pour nous forcer à végétaliser nos repas, voyons à quels
terribles problèmes nos deux don quichotte des boucheries s’attaquent
courageusement.
La viande, une menace pour la planète. Si, si...
Un rapport de la très officielle FAO, “Food and Agriculture Organization” des
nations unies, intitulé “l’élevage dans un paysage changeant”, tente une
analyse prospective des contraintes liées à l’élevage avec une consommation
de viande par habitant qui augmente dans un monde où la population augmente
aussi. Si vous ne voulez pas passer votre week end à lire les
deux volumes PDF de cette publication, quelques ONG bien vertes se
chargent de vous établir un
résumé “orienté peur”, pour bien “éveiller votre conscience”. Et que vous
dit on ? Extrait, faute d’orthographe incluse:
“En 2050, il y aura +34% de bouches à nourrir par rapport à 2009.
L’évolution des comportements alimentaires est inéluctable, poussée par des
hausses de revenus et l’urbanisation croissante, impliquant des changements
dans la production.
Entre 1970 et 2009 la consommation de viande est passée de 25 kg par
personne et par an à 38 kg. Or il faut :
·
4 calories végétales pour produire 1 calorie animale de porc ou
de poulet,
·
11 calories végétales pour le boeuf ou le mouton.
Dans les pays qui s’enrichissent rapidement (Inde, Chine), les nouveaux
riches s’empressent de se mettre à manger de la viande régulièrement, y
compris quand ce n’est pas conforme à leur cuisine traditionnel. L’élevage
d’animaux destinés à la consommation représente 1,7 milliard de têtes.
Ces animaux d’élevage sont la cause de :
·
18% des émissions de gaz à effet de serre,
·
9 fois plus de pollution à l’azote (par les excréments) que
celle causée par toute la population humaine sur Terre,
·
l’utilisation d’un tiers des terres arables de la planète,
Bref, vous l’avez compris: (1) les riches mangent plus de viande que les
pauvres (2) toute calorie “viande” mangée par les riches détourne à leur
profit une part disproportionnée des ressources arables (3) le surcroit de
pollution chimique et climatique (!) engendré par les besoins supplémentaires
en élevage menace la planète.
Il faut donc freiner d’urgence la consommation de viande des méchants
riches (nous) pour mieux répartir les ressources agricoles de notre planète !
Les sénateurs Kiembach et Rougié proposent donc, sur le modèle de la loi
Brottes, de définir un volume de viande annuel admissible en fonction
du nombre d’adultes et d’enfants de votre foyer (50 kg/adulte contre
74 actuellement, un peu moins par enfant), et d’appliquer une surtaxe à
lorsque votre consommation dépassera cette limite.
Mais comment faire pour tracer nos achats de viande ?
La question vient immédiatement à l’esprit: “comment mesurer la quantité de
viande achetée par chaque ménage ?”
C’est là que nos deux édiles font dans le génie diabolique: ils envisagent
tout simplement de doter tout adulte d’une “carte viande” à puce, version
moderne des tickets de rationnement, forçant tous les commerçants vendant du
boeuf ou du mouton, y compris les grandes surfaces, à s’équiper de terminaux
de lecture d’ici 2016. Au moment où vous passeriez en caisse, vous devriez
d’abord faire scanner votre carte viande, puis tout produit comprenant du
boeuf (y compris une lasagne au cheval ?) étant lui même scanné, un “compte
de consommation” serait... alimenté, c’est le cas de le dire, dans les
ordinateurs du ministère des finances.
Pourquoi des finances ? Parce que lorsque vous dépasseriez votre quota,
vous recevriez en fin d’année une notification du fisc vous forçant à payer
une “taxe pour surconsommation annuelle de viande à forte empreinte
écologique”, étalée sur les 10 premiers mois de l’année suivante et additionnée
à votre prélèvement automatique (ou votre tiers provisionnel) d’impôt sur le
revenu. La surtaxe serait de 5€/kilo pour la consommation comprise entre 50
et 75 kilos, soit la moyenne actuelle, et de... 15€/kilo au dessus de cette
limite !
La taxe elle même serait appelée Taxe pour la Réduction de l’Empreinte
Ecologique de l’Elevage, ou TREEE... Voilà qui sonne bien vert, pour qui
connaît l’anglais. Je suggère pour ma part que l’abréviation conserve le “A”
de “TAxe”.
Mais évidemment, toujours sur le modèle de la loi Brottes, le projet
Kiembach-Rougié propose d’instaurer un... “Tarif social de la viande” pour
les familles modestes. Autrement dit, tant qu’elle restera dans son quota,
une famille modeste recevra un avis de taxation négative, évidemment financé
par la surtaxe TREEE... De cette façon, toutes les oppositions politiques au
projet seront critiquées sous l’angle du “défaut de solidarité”, accusation
gravissime qui suffit généralement à amadouer tout politicien de droite qui
aurait quelque velléité de contester la marche inexorable vers un monde
socialement ultra-égalitaire.
Les mots manquent pour qualifier ce projet, que George Orwell n’aurait pas
pu imaginer dans ses anticipations les plus extravagantes. Aurélien Véron,
président du Parti Libéral Démocrate, prévient que “si toutes nos
consommations deviennent ainsi pistables au nom du sauvetage de la planète,
il ne s’écoulera pas longtemps avant que quelque khmer rouge-rose-vert n’en
vienne à utiliser les données collectées pour définir des comportements non
seulement surtaxables, mais aussi criminalisables”. L’institut Molinari
promet de sortir rapidement une analyse complète des effets économiques
pervers d’un tel rationnement, notamment sur la filière française de
l’élevage.
Mais à gauche, l’accueil semble enthousiaste, notamment au cabinet du
ministre de la consommation, Benoît Hamon. Toutefois, on laisse entendre que
les produits issus d’une filière d’élevage biologique pourraient être
partiellement exemptés de la surtaxe TREEE.
Quelques effets pervers... et un peu plus d’Orwell en perspective
Naturellement, le projet de loi n’ignore pas que ce qu’il appelle, doux
euphémisme, un “changement d’habitudes citoyen et maîtrisé” risque de
susciter quelques résistances. Tout d’abord, comment éviter que commerçants
et clients ne s’entendent pour ne pas enregistrer toutes les consommations
des clients ? Et bien, c’est simple: L’administration fiscale, utilisant les
données sur la traçabilité des viandes rendues obligatoires pour des raisons
de sécurité alimentaire, connaîtra précisément le volume de viande entrant
chez chaque détaillant, et, si le volume de viande comptabilisé sur les
cartes viande des clients en sortie n’est pas égal à ce qui est entré, et
bien, le détaillant paiera la surtaxe sur la différence ! Une fois de plus,
notre obsession sécuritaire passée fait le lit des pulsions liberticides
d’aujourd’hui.
Les sénateurs envisagent également de créer un délit de “trafic de viande”
pour, selon eux, éviter que ne se mettent en place des filières parallèles de
contrebande visant à contourner la taxe. Faudra-t-il adjoindre à la brigade
des stups, des unités de lutte contre le trafic de viande ? De la came à la
carne, voilà une belle perspective de diversification pour toutes les mafias
qui vivent de nos surtaxations et prohibitions.
En outre, s’il venait à certaines familles modestes l’idée saugrenue de
revendre en douce leur viande subventionnée à des familles plus riches désireuses
d’éviter la surtaxe, un délit spécifique de “spéculation alimentaire” serait
inscrit dans le code pénal.
Le Boeuf et le Mouton seront seront les premières viandes ciblées car ce sont
celles dont le rapport “calorie végétale nécessaire par calorie viande
commercialisable” est le plus défavorable. Mais le porc ou les volailles
pourraient suivre rapidement.
Serons nous des moutons ?
L’absence de réaction populaire après le vote de la loi Brottes sur le
tarif progressif de l’électricité semble donner des ailes à la faction la
plus idéologue et liberticide de la gauche au pouvoir. De Gaulle disait que
les français sont “des veaux”, citation fort à propos aujourd’hui. Et
apparamment, Kiembach, Rougié et leurs amis pensent que nous ne réagirons pas
plus pour la viande, la droite la plus dure ayant gaspillé ses cartouches
mobilisatrices avec le mariage gay, et le centre étant prisonnier de ses
dissensions internes.
Serons nous des moutons ? Ou bien la folie socialo-écologiste
réveillera-t-elle le mangeur de viande rouge qui sommeille en chacun de nous
? Si ce projet venait à être discuté en séance, espérons que nous saurons
nous mobiliser pour le démolir.