Le
Keynésianisme est le terme que j’utiliserai ici pour
décrire ce qui est en fait la représentation moderne du
mercantilisme. Le mercantilisme a été la pensée
économique conventionnelle en Grande-Bretagne entre les années
1600 et 1750, avant d’être rejetée par les
économistes classiques. A l’heure d’aujourd’hui, une
immense majorité des économistes du milieu universitaire sont
des Keynésiens ou des néo-mercantilistes, bien qu’ils ne
se décriraient eux-mêmes jamais comme tel. Leur principale
stratégie de carrière consiste à faire passer pour des
innovations des idées anciennes.
Dans
les années 1930, l’échec des économistes à
analyser et remédier à la Grande Dépression – dont
ils sont en réalité pour beaucoup responsables, en particulier
du fait de leur amour pour l’austérité et les
augmentations de taxes – ont poussé l’opinion politique à
se tourner à nouveau vers le courant mercantiliste et y demeurer fidèle
jusqu’à aujourd’hui.
Les
Keynésiens sont très attachés aux théories trop
complexes, mais il se trouve que les applications de ces dernières se
résument en réalité à des politiques de
dépenses gouvernementales et d’argent facile – qui
n’est rien d’autre qu’une politique de dévaluation monétaire.
Et
saviez-vous que les Keynésiens eux-mêmes ne conseillent pas
directement la dévaluation monétaire dans leur propre
pays ? Ils ne s’en privent cependant pas lorsqu’il
cherchent des solutions pour de petits pays – comme la
Grèce aujourd’hui, qui selon beaucoup de Keynésiens
aurait besoin de sa propre devise qui pourrait être
dévaluée en fonction de ses besoins. Dans les années
1980 et 1990, le FMI n’a cessé de recommander aux petites nations
du monde de dévaluer leur devise ce qui, bien sûr,
débouchait sans faute sur des problèmes économiques
similaires à ceux que nous rencontrons aujourd’hui.
La
même chose s’est également produite dans les années
1930. Entre 1931 et 1933, les plus grosses puissances économiques du
monde ont toutes dévalué leur devise (la France compta parmi
les retardataires, n’ayant dévalué qu’à
partir de 1936). Ces dévaluations de devise n’étaient pas
conduites par les banques centrales dans le cadre de politiques d’argent
facile et de fixation de taux d’intérêts, de quantitative easing, d’opérations de refinancement sur le
long terme, de swaps, de prêts de dernier recours, d’objectif de
PIB ou d’autre idiotie justifiant un surplus d’impression
monétaire. Elles étaient menées (tout
particulièrement aux Etats-Unis) par la branche exécutive.
La
politique de dévaluation devint rapidement impopulaire. Avant 1934,
les gouvernements commençaient déjà à être
fatigués par la dévaluation constante de leur devise nationale
et décidèrent d’y mettre fin. Ils mirent en place un
nouvel étalon or qui fut formalisé en 1944 lors de la signature
du traité de Bretton Woods.
Ainsi,
lorsque le livre de Keynes ‘Théorie Générale de
l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie’ fut
publié en 1936, la sphère politique avait déjà
laissé derrière elle toute politique explicite de
dévaluation de devise. Je considère davantage son ouvrage comme
un guide expliquant aux économistes comment gagner leur vie dans le
nouvel environnement politique qu’un guide pratique visant à
guider les décisions politiques – il est de toutes les
manières bien trop incompréhensible pour cela. Rappelez-vous
que les économistes étaient à l’époque
très mal vus et aucun d’entre eux ne voulait perdre son travail
en pleine dépression.
Ainsi,
suivant l’exemple de Keynes, les économistes Keynésiens
ont adopté des stratégies très complexes faites de
calculs mathématiques abstrus et de logiques à en donner le
tournis – sans jamais pour autant mentionner les termes tant haïs
que sont ‘dévaluation de devise’ – afin
d’offrir aux hommes politiques ce dont ils avaient besoin. Ce dont les
hommes politiques avaient alors besoin avait déjà
été établi depuis au moins cinq ans : une excuse
qui puisse permettre aux gouvernements d’engendrer des dépenses
déficitaires et un moyen très rapide de remettre
l’économie sur pieds avant la période des
élections, autrement dit, une politique d’argent facile.
La
dévaluation monétaire est un principe très simple
à comprendre et les hommes politiques se sont sentis capables de la
mettre en place sans l’assistance des économistes
académiques. Le caractère complexe des théories
Keynésiennes permit aux économistes de garder leur poste, ce
qui ne posait pas de problème aux yeux des hommes politiques tant
qu’ils parvenaient à obtenir ce qu’ils voulaient.
Les
arguments néo-mercantilistes en faveur de politiques d’argent
facile tournent généralement autour de l’utilisation de
‘faibles taux d’intérêts’ comme moyen de
résoudre le problème du chômage, comme l’explique le
titre du livre de Keynes. Ce qu’il y a de drôle dans tout cela,
c’est que l’étalon or a toujours permis la mise en place
de taux d’intérêts extrêmement faibles. Entre 1825
et 1914, sur une période de 90 ans, le rendement moyen d’une
obligation Britannique était de 3,14% !
L’échéance de ces obligations était infinie, et
non de 30 ans comme celle des obligations Américaines
d’aujourd’hui.
Un
tel rendement était-il assez bas ? Bien sûr que oui.
Le
rendement moyen à long terme (20 – 30 ans) sur obligations
Américaines était de 3,46% en septembre 1929 et de 2,01% en
décembre 1940. Mis à part pour l’épisode de
dévaluation de 1933, ces taux ont uniquement été le
fruit de l’étalon or et non de politiques d’argent facile.
Entre
1934 et 1940, le rendement moyen sur obligations Américaines
était de 0,15%.
Nous
ne pouvons donc déceler sous un système d’étalon
or aucun problème relatif à des taux
d’intérêts trop élevés.
Aujourd’hui
encore, alors que la Réserve Fédérale prend de nouvelles
mesures de ‘réduction des taux
d’intérêt’ à la manière
Keynésienne, le rendement sur obligations Américaines sur
trente ans est de 3,19%. Ne peut-elle pas mieux faire ? En termes d’étalon
or, on peut dire que c’est complètement nul. Même les
Britanniques ont fait mieux que ça, et durant 90 ans,
jusqu’à ce que la première guerre mondiale ne vienne les
distraire. Et tout cela avec des obligations à maturité
illimitée, et non de 30 ans ! Je me demande combien de temps Ben Bernanke pourra surnager.
Tout
investisseur obligataire vous dira que, pour ce qui concerne une devise
stable soutenue par un étalon or, les intérêts sur
obligation ont tendance à chuter en temps de récession. Ainsi,
le déclin des taux d’intérêts fait partie de la
nature d’une économie capitaliste basée sur un
étalon or, et n’a pas besoin d’être
recherchée par l’établissement de multiples politiques
artificielles d’argent facile. Le seul objectif de ces politiques est
de dévaluer la valeur de la devise.
Aucune
des formules magiques monétaires des Keynésiens – tout
particulièrement le déclin artificiel du taux de chômage
imaginé par Keynes – n’est capable de fonctionner. Et
comment le pourraient-elles ? L’étalon or est capable
à lui seul d’apporter de faibles taux
d’intérêts.
En
revanche, plutôt que d’employer des politiques officielles
permettant de déterminer qui est responsable de quoi, il est possible
de faire porter le blâme de la dévaluation de devise aux
‘spéculateurs’ et au ‘marché libre’.
Une
fois que vous aurez traversé la purée de pois qu’est
celle des mathématiques insensées et des arguments trop
complexes des Keynésiens, vous réaliserez que leurs politiques
d’argent facile ne sont autre que des moyens de dévaluation monétaire.
Nathan Lewis
|