A l’occasion de la Journée Mondiale de l’Épargne, j’évoquais les alternatives aux solutions “classiques”, plébiscitées par
les Français. Une question plus que jamais d’actualité avec l’adoption
récente de l’article 21 bis du projet de loi Sapin II qui vise à geler les
contrats d’assurance-vie des épargnants en cas de crise systémique…
L’assurance-vie, le placement préféré des Français
L’encours réel des assurances-vie des Français en support euros s’élève à
1391,2 milliards d’euros au premier trimestre 2016 (source Banque de France).
A lui seul, l’encours total de l’assurance-vie dépasse de 300 milliards
d’euros celui tous les actifs liquides non risqués (numéraire, dépôts à vue,
livrets d’épargne, CEL et titres d’OPC monétaires) qui est de 1066,1
milliards d’euros.
L’encours des livrets d’épargne ne représentent “que” 594,2 milliards
d’euros.
Selon une l’étude menée par OpinionWay pour AuCOFFRE.com en mars 2016, l’immobilier
est le placement préféré de 59% des Français, suivi par l’assurance-vie,
plébiscitée par 55% des personnes interrogées .
Bref, l’assurance-vie, c’est la tendance lourde de l’épargne française,
solidement ancrée dans notre culture. Mais cela pourrait changer, même si
selon nos amis suisses, les Français n’ont pas de très bonnes notions en épargne
! (Merci à Philippe B. au passage pour sa contribution via notre page
Facebook ;-)
Assurance-vie : chronique d’une mort annoncée
Avec l’article 21 bis de la loi Sapin II, l’assurance-vie sent
effectivement le sapin. En dehors de tout jeu de mot très tentant, que dit
cette loi ?
Après la « Directive européenne sur le redressement des banques et la
résolution de leurs défaillances » (ou directive BRRD) passée en douce en
août 2015, et qui autorise une banque à ponctionner votre compte épargne en
cas de faillite, les députés ont adopté fin septembre 2016 l’article 21 bis
de la loi « Sapin 2 ». Cet article autorise le blocage des retraits des sommes placées sur les
assurances-vie […] en cas de « menace grave et caractérisée » du système
financier.
Cette décision a soulevé un véritable tollé aussi bien du côté des
épargnants que des assureurs qui craignent de faire faillite.
Officiellement, les mesures du texte de loi visent à renforcer la solidité
des assureurs afin de “protéger les épargnants” et à prévenir une éventuelle
“crise de liquidité chez des assureurs qui feraient face à des
demandes de remboursement massives de la part de leurs clients”.
Autrement dit, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) redoute un
bankrun…
Dès le premier projet de loi en juin, sous couvert de vouloir protéger
consommateurs et petits épargnants et sous prétexte de vouloir assainir
l’économie, Michel Sapin défendait surtout les intérêts des banques. En
interdisant par exemple la publicité pour « des instruments financiers très
risqués », le but est d’éviter que l’épargne circule en-dehors du circuit
bancaire traditionnel. Comme si les produits financiers proposés par les
banques étaient moins risqués… Mais le problème n’est pas là.
En vrai, voilà ce qu’il en retourne. Cet article explique
clairement que si les taux d’intérêt augmentent ou qu’ils restent bas, c’est
la faillite assurée pour les assureurs. De grands groupes d’assureurs
limitent déjà les placements importants (de 500 000 à 200 000€) qu’ils jugent
trop risqués, redoutant de ne pas pouvoir rembourser les taux d’intérêt.
Le dossier spécial des Echos “Assurance-vie : ce que la loi Sapin II pourrait changer pour
les épargnants” précise par ailleurs que si la rémunération de
l’assurance-vie est jugée “trop élevée dans l’environnement de taux ultra-bas
actuel”, le projet de loi Sapin II autorise le HCSF à la moduler.
Bref, le rendement et la garantie de l’assurance-vie ne sont plus ce
qu’ils étaient.
La spoliation a commencé…
Si vous êtes titulaire d’un contrat d’assurance-vie et que vous avez voulu
effectuer un retrait, vous le savez. Si les rachats partiels sont encore
autorisés (à hauteur de 3000, 5000€…), pour un rachat total de votre encours,
ça se complique sérieusement.
Les assureurs font traîner le retrait pendant des semaines voire des mois,
prétextant l’attente de revalorisation des taux.
En attendant, vous n’avez aucune visibilité sur votre dépôt : où va
l’argent ? A qui profite-t-il pendant tout le temps où vous attendez d’en
disposer ? Aucune visibilité, zéro liquidité …
Mais ce n’est pas tout. Avec les frais d’ouverture, de gestion de dossier
et de sortie, on est loin du rendement miraculeux annoncé par la compagnie
d’assurance. Dans la réalité, les épargnants sont perdants, comme c’est déjà le cas en Allemagne. Vous pouvez rapidement
vous retrouver avec une perte sèche de l’ordre de -3,5% au lieu des 2,3%
promis.
Retraites : vers des fonds de pension à l’américaine ?
Le projet de loi Sapin qui vise aussi le régime des retraites, propose de
créer « un régime prudentiel adapté pour les régimes de retraite
supplémentaires, en maintenant un niveau de protection élevé des assurés ».
C’est en fait la prémisse d’une transformation des régimes de retraite par
répartition vers des fonds de pension à l’américaine…
Ces propositions de réformes génèrent une forte inquiétude chez les
épargnants, qui plus est retraités, qui sont de plus en plus nombreux à
vouloir effectuer un retrait total de leur assurance-vie pour se replier vers
l’or physique.
L’or, le vrai placement de « bon père de famille »
Une enquête réalisée en mars dernier avec OpinionWay et AuCOFFRE.com sur
les Français et les alternatives d’épargne révélait que l’or arrivait en 3e
position des placements préférés des Français (38%), derrière l’immobilier et
l’assurance-vie.
A ce rythme, l’or pourrait prochainement devenir le 2e placement préféré
des Français. Reste la question du rendement – que ne promet pas l’or
physique, car c’est un placement. Mais vu que l’assurance-vie fait désormais
perdre de l’argent, il est plus question de sécuriser son épargne que de
rendement. Il est aussi plus facile et plus certain de réaliser des
plus-values en revendant des pièces d’or d’investissement au moment opportun
qu’effectuer un retrait total ou partiel d’un contrat d’assurance-vie…
surtout en cas de crise grave, comme semble le redouter le Haut Conseil de
Stabilité Financière.