DES FAITS
Mon propos n’est pas de vous faire peur, mais de vous préparer, car
c’est en sachant les choses qu’on peut mieux les gérer.CE QUE L’ON VOIT
Il se passe actuellement quelque chose dans le monde de l’assurance vie,
le « placement préféré des Français ». Comme c’est un sujet qui
fait « vendre du papier », les médias adôôôôrent. Jugez
plutôt :
- « Assurance vie : la flat tax opérationnelle
dès ce mercredi » pour LeFigaro.fr.
- « Assurance vie : la flat tax, c’est
maintenant ! » pour LaTribune.fr
- « La “flat tax” sur l’assurance vie pourrait
s’appliquer dès le 27 septembre » pour LesEchos.fr
- « Assurance vie : le gouvernement veut
appliquer la “flat tax” dès ce mercredi » pour LePoint.fr
- « Assurance vie : entrée en vigueur de la “flat
tax” le 27 septembre 2017 » pour Lecomparateurassurance.com
- « Assurance vie : comment la flat tax va
être calculée » pour cbanque.com
- « Flat tax : vos versements
d’assurance-vie déjà concernés par le PFU » pour Linternaute.com
- « Assurance vie : pouvez-vous encore échapper à
la “flat tax” ? » pour Capital.fr
- « Assurance vie : simulations de l’impact de la
flat tax » pour LeRevenu.com
- « Projet de loi de finances 2018 : quels
impacts sur la fiscalité de l’épargne ? » pour la
MACSF.fr
- « Fiscalité de l’assurance vie : ce qui change
dès maintenant » pour Gestiondefortune.com
- « Assurance vie : quels changements avec
l’instauration de la taxation forfaitaire unique ? » pour
Bforbank.com
- « La taxation de 30 % sur l’assurance vie
s’applique dès le 27 septembre » pour Le
Particulier.fr
- « Flat tax : l’assurance vie, les revenus
fonciers et le PEL concernés » pour Lejournaldunet.com
Qu’il s’agisse de la presse (Le Figaro, La Tribune,
Les Échos, Le Point, Capital, Le Revenu, Gestion
de fortune, Le Particulier) ou de sites
« spécialisés » (Le Comparateur Assurances, l’Internaute, C Banque,
Le Journal du Net) ou encore de sites bancaires (B for Bank) ou d’assurances
(MACSF), la grande majorité de ces titres (71 %,) nous parle de « flat
tax » et/ou de « PFU ». Que se cache-t-il vraiment derrière
cet anglicisme et
cet acronyme ?
Avant d’aborder la technique fiscale, un point sur le législatif. Je
demande pardon par avance aux spécialistes, mais je resterai volontairement
succinct sur ces deux points.
C’est au mois de septembre dernier que le ministre de l’Économie et des
Finances a présenté le projet de loi de finances (PLF) pour
2018. Adopté en conseil des ministres, ce document a aussitôt été transmis
aux parlementaires (députés puis sénateurs) pour examen et modifications
éventuelles par voie d’amendements. Pourquoi PLF pour 2018 ?
- Projet de loi de finances, car émanant du gouvernement (article
47 de la constitution et loi
organique n° 2001-692 du 1er août 201, relative aux
lois de finances (LOLF);
- Pour 2018, car actuellement en France, les revenus de
l’année N font l’objet d’une imposition qui est calculée et recouvrée
(payée) en année N+1.
La discussion de tous les articles de cette loi de finances initiale pour
2018 a actuellement lieu au parlement, et ce, jusqu’à mi-décembre 2017. À
l’issue, elle sera examinée par le Conseil constitutionnel qui vérifiera sa
conformité à la constitution. Elle sera alors promulguée par le président de
la République, au plus tard le 31 décembre 2017 et publiée au journal
officiel.
Comme vous le savez, le diable se cache dans les détails. Si le monde
politique et médiatique parle abondamment de « projet de loi de
finances et de loi de finances », les juristes, eux, parlent de loi de
finances initiale (LFI) !!!
Il s’agit du même texte me direz-vous, et vous aurez raison, MAIS… qui dit
initiale, sous-tend qu’il « va se passer quelque chose » avant le
texte DÉ-FI-NI-TIF !!! Gardons cela en mémoire, nous y reviendrons plus loin
dans ce billet.
Passons maintenant, chers lecteurs, à la partie « assurance » et
aux principes (très simplifiés) de sa fiscalité. Jusqu’à maintenant, lors de
la sortie totale d’un contrat d’assurance vie de capitalisation, grâââce à
l’ingéniosité de « notre IGF préféré, Jean-Etienne
TAXETOU »… ???
Oui, je sais, seuls ceux d’entre vous qui ont lu mon guide consacré à
l’assurance vie peuvent comprendre !!! Que les autres se rassurent, la
deuxième édition est actuellement en cours d’écriture. J’attends… que
les textes de la nouvelle réglementation soient « stabilisés » afin
de vous livrer un document à jour et immédiatement exploitable pour votre
plus grand profit. Dis donc, Hubert, arrête de faire ta pub, j’ai hâââte de
connaître la suite !!!
La voili, la voilà… Lors du dénouement ou du rachat total du contrat,
après un abattement, le solde est imposable selon deux possibilités.
Application du droit commun, c’est-à-dire incorporation de ce montant aux
autres revenus du foyer fiscal (IR), ou bien, sur option, un prélèvement
forfaitaire, libératoire de l’impôt sur le revenu (PFL) dont le pourcentage
dépend de l’ancienneté du contrat, au moment du rachat. ATTENTION à ne pas
confondre le PLF (projet de loi de finances) abordé en début de ce billet,
avec le PFL (prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu) !!!
Application du programme du
candidat Emmanuel MACRON oblige, dans le cadre du projet de loi de finances
pour 2018, le gouvernement souhaite instaurer un prélèvement fiscal unique
(PFU) de 30 %, en vue de « simplifier » la fiscalité du patrimoine
financier des Français. Ces 30 % incluraient les différentes taxes fiscales
ET les prélèvements sociaux, au nouveau taux de 17,2 %. Comme nos zélites
politiques et médiatiques adôôôôrent montrer qu’ils maîtrisent la langue de
Shakespeare, le PFU devient, dans la bouche de beaucoup… flat tax… c’est
plus clâââssse, non ?
Pour ce qui est de l’assurance vie, de nombreuses questions se posent. Le
PFU s’appliquerait-il :
- Quel que soit l’âge du contrat ?
- Au-delà de 150 000 € ?
- Après 8 ans de détention ?
- Sur les nouveaux versements concernant d’anciens
contrats ?
- Le choix entre l’incorporation à l’IR et le PFU
serait-il toujours possible ?
- Sur quelle assiette serait-il calculé ?
- Les abattements après 8 ans de détention s’appliquerait-il ?
Les députés ont voté en première lecture, la 1re partie du
projet de la loi de finances pour 2018, le jeudi 19 octobre dernier. Selon ce
texte :
- Les avantages liés aux successions sont maintenus ;
- Les abattements de 30 500 € et
152 500 € (primes versées au-delà de 70 ans), aussi
(merci Félicie !!)
;
- Les revenus des versements « effectués avant la
réforme » échappent au PFU ;
- Le PFL actuel de 7,5 % au bout de 8 ans ainsi que
l’abattement de 4 600 € ou 9 200 € sont maintenus ;
- Le PFU s’applique aux seuls produits des versements
effectués « postérieurement à la réforme », au-delà
de 150 000 € (tous contrats confondus) ;
- Le seuil d’encours total à partir duquel le PFU
s’applique est porté à 150 000 € ;
- Pour les encours de moins de 150 000 €,
les abattements demeurent, de même que le taux d’impôt de 7,5 % (plus
les prélèvements sociaux au taux de 17,2 %).
Pour « éviter l’effet d’aubaine » que les
épargnants pourraient utiliser, mâââlins que sont nos députés, ils
considèrent la date de « la réforme » comme étant celle du
dépôt du PLF à l’Assemblée nationale, soit le 27 septembre 2017.
Et la presse et les « commentateurs autorisés » et certains
conseils en gestion de patrimoine, de faire de savants calculs et
d’échafauder des « stratégies gagnantes » à appliquer !!!
CE QUE L’ON NE VOIT PAS
Agir ainsi est gravement méconnaître la loi ainsi que, restons factuels
mais pôôôlitiquement incorrects, les « curieux revirements » de nos
parlementaires. Explications.
Pour ce qui est de la loi :
- Reprenons notre « loi de finances
I-NI-TIA-LE » où nous l’avons laissée, c’est-à-dire au 1er janvier
2018. Il est utile de rappeler que les dispositions de ce texte qui fixe
« les règles du jeu » de la fiscalité pour l’année 2018, ont
été définies au cours de l’année 2017 et que l’évolution
politico-économique mondiale, au cours de l’année 2018, peut s’avérer
quelque peu différente des prévisions. Afin « d’ajuster »
cette loi de finances aux nouvelles réalités, elle va être modifiée dans
le cas d’une loi
de finances rectificative (LFR) aussi appelée par les
fiscalistes « collectif
budgétaire ».
- Jusque-là, vous me suivez ? Attention, ça va se
corser !!! Prenons un exemple pour illustrer une
« particularité française » dont nous sommes si fiers.
Imaginons que le 20 juillet 2018, dans le cadre de la loi de finances
rectificative pour 2018, nos députés modifient les règles
applicables au PFU sur l’assurance vie. Modification justifiée, bien
sûr, par l’environnement économique mondial du moment. Eh bien, ils
peuvent décider que cette modification prendra effet … Au 20
juillet 2018… Ou bien plus tard (au 15 octobre 2018 ou au 4 février
2019) ou bien … Au 1er janvier 2018… Vous avez bien
lu : 1er janvier 2018 !! Autrement dit, les
« règles du jeu » DÉ-FI-NI-TI-VES applicables pour l’année
2018 seront connues le 31 décembre 2018. C’est la loi.
- « C’est un scandale cette mesure rétroactive.
Il n’y a pas de rétroactivité des lois en France… ». Si señor…
Pardon… Le soleil andalou qui inonde toujours mon bureau a encore
frappé !!! L’autonomie du droit fiscal permet cette interprétation.
Ce n’est pas « une pure » rétroactivité, mais,
selon une
jurisprudence bien établie par le Conseil constitutionnel, une
« petite rétroactivité » dont celui-ci limite quand même
l’usage.
Le Conseil d’État, dans un arrêt solennel du
9 mai 2012, « semble » apporter une limite à l’utilisation
de la rétroactivité fiscale, qu’il juge incompatible avec les dispositions de
la convention européenne des droits de l’homme… Mais, la « charte
de la nouvelle gouvernance fiscale » de décembre 2014, signée du
ministre des Finances de l’époque Michel SAPIN nous précise :
- « En matière fiscale, le droit applicable est
celui qui est en vigueur au moment du fait générateur de l’impôt,
c’est-à-dire le moment où la dette d’impôt du contribuable est
effectivement constituée. Mais, compte tenu des spécificités de certains
impôts, une loi même non-rétroactive peut s’appliquer à des situations
intervenues avant son vote : cette situation est qualifiée de
rétrospectivité. »
- « Dans certains cas, une réforme législative
nécessite d’être rétroactive afin d‘éviter qu’une mauvaise
application de la loi précédemment en vigueur n’aboutisse pour sa
réparation, à une désorganisation des services de l’État
ou un encombrement de la justice. »
- « Pour l’impôt sur le revenu, la règle de droit
qui s’applique est celle qui est en vigueur au 31
décembre de l’année. Elle concerne donc les revenus constitués tout au
long de cette année. Pour l’impôt sur les sociétés, la règle qui
s’applique est celle qui est en vigueur à la clôture de
l’exercice. »
Vous vous dites « ils n’oseront pas »… Eh bien SI…. « Ils osent tout, c’est même
à ça qu’on les reconnaît » !!! Demandez donc à un
fiscaliste comment s’est appliquée la réforme de la fiscalité des plus-values
de cessions immobilières des particuliers. C’est un bon exemple de « ce
qui peut arriver » :
- Le 1er octobre 2011 pour la hausse des
prélèvements sociaux ;
- Le 25 août 2011, donc rétroactivement,
pour les apports en société ;
- Le 1er février 2012, soit plus de 4
mois après (sur l’exercice fiscal 2012) pour le nouveau calcul des
plus-values.
Alors, toujours sceptiques ?
Pour ce qui est de « l’effet d’aubaine » :
- J’ai écrit « Mâââlins nos députés »,
dans la première partie de ce billet en évoquant « l’effet
d’aubaine ». C’est un « abus d’écriture », car la « charte
de la nouvelle gouvernance fiscale » déjà citée plus haut est
un exxxxcellent « mode d’emploi » pour nos chers députés. Il y
est mentionné : « L’annonce de certaines mesures
fiscales est susceptible d’entraîner des comportements d’optimisation de
la part des contribuables, ces derniers prenant des décisions entre
l’annonce de la mesure et le vote de la loi afin de bénéficier du régime
antérieur. Compte tenu des effets néfastes découlant d’un décalage
entre l’annonce de telles mesures et l’adoption de la loi les mettant en
œuvre, les projets d’articles fiscaux comportant des dispositions
susceptibles d’entraîner des comportements d’optimisation pourront
continuer à entrer en vigueur à la date du conseil des ministres au
cours duquel elles sont annoncées. »
Cernés, je vous dis. Nous sommes cernés !!!
Pour ce qui est du « revirement » de nos parlementaires :
- Je vous rappelle ici brièvement « l’affaire
PINEL » que j’ai déjà développée :
- Le 1er août 2014, la ministre du
Logement, Sylvie PINEL, au nom du gouvernement, a décidé
d’appliquer, dès le 1er septembre de cette même année, des
modifications de la loi DUFFLOT qui devaient être entérinées dans le
cadre de la loi de finances pour 2015 ;
- Entre le 1er septembre et le 29
décembre 2014, date d’adoption de la loi de finances pour 2015, la loi
PINEL était donc sans base légale ;
- La loi de finances pour 2015 « revient » sur
des dispositions prises entre le 1er septembre et le 29
décembre.
Des investisseurs lésés, car ayant acquis des biens immobiliers régis par
une loi PINEL sans base légale pendant ces 4 derniers mois de l’année 2014,
n’ont aucun recours contre « ce détail ».
NE SOYEZ PLUS DES PIGEONS, DEVENEZ SEREINS
En quoi tout cela me concerne ? De toute manière, je ne peux rien faire à
mon niveau. Et mes sous dans tout ça ?…
« Soit le changement que tu veux voir dans ce monde » (GANDHI).
S’il est bien une matière où il est « urgent d’attendre », c’est
en droit fiscal. Cela étant écrit, il faut bien faire des arbitrages, par
exemple sur son assurance vie, me diront certains.
Oui, mais… L’ampleur des bouleversements fiscaux annoncés pour l’année
2018 me semble nécessiter un délai d’attente particulier. À minima, la
promulgation de la loi de finances pour 2018, dans les derniers jours de
décembre… Voir le bulletin officiel des finances publiques (BOFiP)
qui ne manquera pas de commenter les textes votés. Vous voilà prévenus.
Restez zen. Une « stratégie d’optimisation » appliquée hâââtivement
risquerait bien de se retourner contre son « bénéficiaire ».
Chers lecteurs, prenez bien soin de vous. Je vous aime et vous salue.