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Certains s'en
inquiètent, d'autres s'en réjouissent, et que nous en ayons conscience ou
non, la chose est certaine : le big data fait désormais partie
intégrante de notre quotidien. Si aujourd'hui l'importance stratégique de
l'information (collectée, traitée puis exploitée) tient moins du scoop que du
lieu commun, le marché encore jeune des objets connectés ouvre des
perspectives qu'on aurait tort de sous-estimer.
Des moyens
encore sous-exploités
Des montres
intelligentes de Nike ou Apple aux installations domotiques de Nest en
passant par la ceinture cardio de Wahoo Fitness, les passerelles ne manquent
pas entre l'intérêt bien compris de l'utilisateur et celui des entreprises
suffisamment visionnaires pour en tirer parti. De fait, jamais la technologie
n'a aussi bien répondu aux attentes de l'individu et, du même coup, aux
besoins des entreprises souhaitant se rapprocher de leurs clients ou de leurs
salariés.
Un exemple
souvent cité est celui
des salariés de Yahoo! qui se sont vus distribuer des bracelets Jawbone,
capteurs d'activité connectés permettant à l'utilisateur d'améliorer son
quotidien, par exemple en dormant mieux et en bougeant plus. Mais c'est dans
le secteur de l'assurance que les objets connectés sont le plus sollicités,
tandis que se développent des offres basées sur le comportement réel de
l'assuré – par opposition aux offres classiques reposant sur un système de
segmentation pondéré par des bonus-malus.
Cette approche
dite usage-based n'est pas encore tout à fait intégrée au modèle
économique des compagnies d'assurance. L'offre Vitality, créée par le
sud-africain Discovery, prévoit par exemple des avantages commerciaux pour
les assurés utilisant les objets connectés de fitness, la prime restant quant
à elle calculée de manière « traditionnelle ». Plus timidement, en
France, AXA a lancé cet été un jeu
concours permettant aux 1 000 premiers souscripteurs de sa complémentaire
santé Modulango de gagner jusqu'à 100 euros de médecine douce et 20% de
remise sur le site de la marque Withings (fabricant du podomètre Pulse
utilisé par les participants) s'ils faisaient au moins 10 000 pas chaque jour
sur un mois.
Les
assurances en première ligne
Le quantified
self représente pourtant un enjeu stratégique. En 2009 déjà, le
transporteur britannique Sullivan Buses faisait baisser sa prime d'assurance
grâce à la télématique
Greenroad, qui avait réduit de 53% les manœuvres à haut risque. Scénario
impossible en France, où la CNIL restreint le champ des données exploitables
au kilométrage du véhicule (Amaguiz.com propose ainsi un tarif à
partir de 0,01 €/km et 9,90 €/mois), mais bientôt banal aux États-Unis,
où les offres « pay as you drive » tiennent compte du
comportement effectif du conducteur (freinages brusques, accélérations,
horaires...).
Une fois n'est
pas coutume, ce sont les assureurs qui expliquent le mieux leur intérêt pour les
objets connectés. Le secteur de l'assurance a en effet ceci de particulier
que l'augmentation des marges (autrement dit la baisse du ratio
sinistres/primes) intéresse aussi bien l'assuré que l'assureur, ce dernier
ajustant les primes de ses clients pour influer sur leur comportement. Quand
le PDG d'AXA Nicolas Moreau justifie
l'offre « pay as you drive » par l'urgence de réduire
l'écart entre les 5% de jeunes conducteurs et les 25% d'accidents dans
lesquels ils sont impliqués, il omet certes de préciser la nature de leur
implication (responsables ou victimes ?), et on peut s'étonner qu'il ne
compare pas plutôt le total des primes versées par les jeunes conducteurs au
total des indemnités versées aux jeunes conducteurs responsables d'un
accident routier. Mais le raisonnement est clair : les objets connectés
permettent aux assurés de changer leur habitudes et ainsi de réduire les
risques, ce qui entraine une réduction des coûts pour l’assureur et un
ajustement des primes à la baisse, créant ainsi un cercle vertueux liant les
bénéfices des compagnies d’assurance aux économies de leurs clients.
Pour définir
cette approche centrée sur la modification du comportement et non plus
seulement sur l’incitation, Guillaume Sarkozy, délégué général de Malakoff
Médéric, a cru bon d'employer le terme « co-actif ».
Un choix malheureux, le mot composé évoquant moins l'action concertée que
l'usage de la contrainte (coaction). De quoi conforter les moins
enthousiastes dans leurs inquiétudes qui, nous le verrons dans le prochain
article, ne sont pas dénuées de fondements.
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