Une récente
étude du cabinet Towers Watson révèle que 79% des automobilistes
américains envisagent de souscrire à une assurance « à l'usage » (usage-based).
Réduire les coûts en réduisant les risques – c'est l'atout-clé de ces
nouvelles offres rendues possibles par le développement des objets connectés.
Un
cercle vertueux pour ceux qui ont décidé d’y souscrire, mais peut-être
pas pour tous les assurés.
Des offres
classiques aux offres connectées
Le problème
posé par l'assurance personnalisée ne vient pas de l'opportunité de payer sa
cotisation moins cher en acceptant de se laisser surveiller, mais du fait
qu'il pourrait devenir de plus en plus coûteux de ne pas saisir ladite
opportunité. Supposé que la préférence pour l'offre usage-based
s'explique par la recherche du meilleur prix (et non l'envie d'améliorer son
comportement), il est probable qu'elle attirera à la fois des « bons
risques » (i.e. les assurés peu susceptibles de faire marcher leur
assurance) et des « mauvais risques » estimant cotiser plus qu'ils
ne le feraient si leur prime d'assurance était calculée sur la base de leur
comportement réel plutôt que sur des statistiques.
Autrement dit,
pour sauver les offres « classiques », les assureurs devraient
choisir : ou bien rogner sur leurs marges, ou bien augmenter les primes des
« réfractaires » afin de compenser les départs de cotisants,
rendant l’assurance traditionnelle de plus en plus coûteuse.
D’aucuns
résument le débat sur l'assurance personnalisée à une opposition entre les
« bons risques » et les « mauvais », qui coûtent plus
qu’ils ne cotisent – une analyse qui nourrit aussi bien la critique des
« profiteurs » que la défense de plus démunis. On en oublierait
presque qu’au-delà du simple calcul utilitariste, beaucoup de gens ne sont
pas prêts à accepter une évolution de la relation assureur-assuré qui, tout
simplement, entre en conflit avec leur conception de l’autonomie
individuelle.
Transparence
et suspicion
Au-delà des
tarifs, la préférence des uns pour l’assurance connectée charge d’un sens
nouveau la préférence des autres pour l’assurance traditionnelle. Dans son
rapport de mai 2014 sur le quantified self, la CNIL s’inquiétait
du danger de discrimination à l’encontre des employés refusant les
dispositifs usage-based, un tel refus pouvant être « interprété
comme un indice de mauvais risque par l’employeur ou l’assureur ». La
vraie question n’est donc pas de savoir ce qu’on fera des données collectées
mais ce qu’il adviendra de ceux qui « ne jouent pas le jeu ».
À cela, on
peut bien sûr répondre que toutes les assurances ne sont pas obligatoires
(comme par exemple l’assurance auto)
ou exigées (comme l’assurance d’un prêt
immobilier), que tous les contrats ne seront pas usage-based, et
que dans le cas contraire, le marché restant contestable, des offres
traditionnelles pourraient toujours réapparaître pour satisfaire les
réfractaires. Encore faut-il ne pas faire passer pour une crainte
irrationnelle l’anticipation on ne peut plus rationnelle d’une restriction
des choix induite par le développement des assurances connectées.
Entre
l’optimisme des uns et la technophobie des autres, il doit bien y avoir place
pour l’impartialité de l’observateur simplement soucieux d’anticiper les
avantages mais aussi les inconvénients d’une innovation, comme il est
de rigueur dans l’étude de n’importe quel phénomène.
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